Recherche en sciences humaines sur l’Asie du Sud-Est 13-14 | 2009 Vietnam : His
Recherche en sciences humaines sur l’Asie du Sud-Est 13-14 | 2009 Vietnam : Histoire et perspectives contemporaines Éditorial Introduction : Vingt ans de recherches sur le Việt Nam (1990-2010) C#$%&'%() C*+(& ,' J,()-F$()/0%& K+,%) p. 5-26 https://doi.org/10.4000/moussons.877 Entrées d’index Mots-clés: recherche française, Viêt Nam, 1990-2010 Keywords: French research, Vietnam, 1990-2010 Notes de la rédaction Cet article est la version revue et corrigée par les auteurs de l’édition papier. Texte intégral Pourquoi Moussons consacre-t-elle un double numéro au Việt Nam ? Simplement parce que depuis les deux dernières décennies, ce champ particulier des sciences sociales que sont les études vietnamiennes a connu à travers le monde et en France en particulier un renouvellement considérable. Il était donc largement temps non pas d’en dresser un bilan, la vague n’ayant pas encore fini de déferler, mais, simplement, de tenter de présenter un bref panorama de ce renouveau en construction. 1 Deux remarques préalables sont nécessaires avant d’aller plus loin. Tout d’abord, la première – qui est aussi un regret – réside dans le fait que nous n’avons ici guère accordé de place à nos collègues américains, canadiens, australiens, chinois ou encore 2 Tout OpenEdition Introduction : Vingt ans de recherches sur le Việt Nam (1990-2010) https://journals.openedition.org/moussons/877 1 sur 21 30/11/2020 à 20:11 d’autres pays, les études vietnamiennes étant aujourd’hui un phénomène largement partagé à l’échelle du globe. Déjà, en 1995, le colloque EuroViệt organisé à Aix-en- Provence le prouvait largement. Il associait toutes les générations de chercheurs et toutes les nationalités. Plus encore, la quasi-absence de chercheurs vietnamiens dans ce numéro (avec heureusement un article cosigné par une chercheuse française et un doctorant vietnamien), ne reflète malheureusement pas le renouveau et le développement considérable des études en sciences humaines réalisées ces dernières années par nos collègues au Việt Nam même. Ces absences tiennent aux impératifs de temps et de calendriers de publication qui n’ont pas permis d’intégrer les quelques articles proposés. Nous le regrettons d’autant qu’ils auraient permis de souligner l’importance des travaux accomplis par toute une jeune génération qui apporte du sang neuf à la recherche vietnamienne. Le second regret, touche plus spécialement l’anthropologue parmi les éditeurs : seulement deux articles sur treize traitent des groupes ethniques. Les deux articles sur les Cham masquent mal l’absence de travaux portant sur les populations ethniques du Centre et, surtout, celles du Nord que Christian Culas connaît le mieux. Une explication à ceci : ce vide est le reflet des axes de recherches actuelles menés en France. De fait, si les études cham connaissent un véritable engouement depuis une dizaine d’années, en revanche, peu de chercheurs travaillent sur les ethnies du Nord, sur le Centre à la quasi-exception de Frédéric Fortunel, Mathieu Guérin (sur le versant cambodgien), Grégory Mikaelian (sur les Khmers krom) et, plus récemment, Jérémy Jammes sur les Gai Rai. Cependant, les difficultés d’accès à cette zone pour des raisons politiques depuis de nombreuses années justifient aussi la faiblesse des recherches actuelles. Enfin, ce numéro est, très largement, marqué du sceau de Clio. Ne pouvant pas présenter un éventail suffisamment large des travaux accomplis dans le cadre très large des sciences humaines, les deux éditeurs ont opté pour un panel d’historiens. Pourquoi un tel choix ? La première réponse tient au fait que le métier de chercheur est de savoir faire des choix et de s’y tenir. Ils ne sont pas toujours justes. Nous en convenons. Cependant, l’importance démesurée accordée ici aux articles historiques tient à deux phénomènes. Tout d’abord l’extraordinaire bouleversement et renouvellement qu’ont connu ces vingt dernières années les études historiques portant spécifiquement sur le Việt Nam. D’autre part, le fait que plusieurs thèses marquantes de cette période, que ce soit en sociologie, en littérature ou en anthropologie n’ont pas négligé la « boite à outils » des historiens et réciproquement, la « méthode école des Hautes Études en Sciences Sociales » s’étant propagées hors du boulevard Raspail à d’autres établissements de recherche. Nous aimerions également signaler une absence notable : c’est le faible intérêt que les chercheurs français portent au domaine politique vietnamien actuel, en particulier si on compare avec la recherche américaine, australienne et même allemande. Curieusement, ce sont principalement les historiens qui ont le plus écrit sur les transformations du système politique vietnamien lu à travers les réformes officielles (Đổi Mới) et les arrangements avec la ligne directrice du Parti : par exemple, Bertrand de Harting (1997), Philippe Papin (2000), John Kleinnen (2001), Pierre Brocheux (2004). Le champ d’étude spécifique que constitue la « politique au quotidien » est actuellement investi par le politologue Matthieu Salomon avec une étude sur l’Assemblée nationale vietnamienne (2003) et sur le système juridique (2004) et par Christian Culas qui réalise une étude épistémologique sur les voies d’émergence de la société civile et sur les articulations et contradictions spécifiques entre les normes et les pratiques au Việt Nam (deux publications à paraître en 2010). 3 De fait, au regard de la place que nous avons choisi d’accorder aux articles historiques dans ce numéro spécial de Moussons, nous commencerons cette introduction par une mise en perspective historiographique qui nous semble indispensable pour comprendre 4 Introduction : Vingt ans de recherches sur le Việt Nam (1990-2010) https://journals.openedition.org/moussons/877 2 sur 21 30/11/2020 à 20:11 ce phénomène. Car c’est bien d’un phénomène que nous parlons. En effet, ces deux dernières décennies, de 1991 à 2008, ce n’est pas moins de 70 thèses portant spécifiquement sur le Việt Nam (ou sur l’Indochine coloniale) qui ont été soutenues en France1. Certes, comme nous le soulignions plus avant, toutes ne sont pas des thèses d’histoire – au sens académique du terme – mais la plupart des auteurs de la dizaine de doctorats que nous avons retenus ont été suffisamment marqués par l’approche et la méthode historique pour que la 22e section du Conseil national des universités (CNU) qualifie comme historiens ces docteurs. Il n’en demeure pas moins, aussi, que 54 thèses d’histoire moderne et contemporaine ont été produites. Ces milliers de pages peuvent ainsi se subdiviser ainsi : nous avons relevé 6 thèses d’histoire moderne portant sur la période précédant l’arrivée des Français dans la partie orientale de la péninsule indochinoise2. Les autres portent toutes sur les X%Xe et XXe siècles, ce qui est considérable. Quarante-sept ont été soutenues à Paris dans les divers établissements de la capitale et, phénomène nouveau, 16 l’ont été dans les universités de province : Université de Montpellier III, Université de Provence, Université Lyon-2 pour 12 d’entre elles et, de façon diffuse, dans les universités de Nantes, Reims, Toulouse II, Perpignan et à l’Université du Littoral. Enfin, nous noterons qu’une dernière fut soutenue à Londres à la SOAS3. Sur ce total, 34 portent sur le « moment colonial » et les « situations coloniales » au sens que Georges Balandier donne à ce concept4, soit légèrement plus de 50 % des thèses relevées ce qui fait de cette période celle la plus largement travaillée. En cela, les études vietnamiennes – comme toutes les études aréales – ont connu un renouvellement des approches et des problématiques par le biais d’un retour en force du colonial dans une perspective historique alors politiquement apaisée dans les années 19905. De même, ce retour du colonial n’est pas spécifiquement français : il a été largement observé dans les anciennes métropoles coloniales européennes6 et, aussi, Outre-Atlantique ainsi qu’en Australie dans les départements d’histoire européenne ou les étudiants développèrent un véritable engouement pour les études portant sur les anciens systèmes impériaux. Les études postcoloniales puis leur critique (new colonial studies autour de Frederik Cooper et Ann Laura Stoler7) y ont largement contribué. La deuxième tendance, presque aussi lourde, est celle marquée par les études portant sur la première Guerre d’Indochine (1945-1954) ou Guerre d’Indépendance. Vingt thèses lui ont été consacrées (soit un tiers du corpus) dont certaines renouvelèrent en profondeur la connaissance que l’on en avait jusqu’alors. Comme dans le cas précédent, il s’agit d’une période intéressant plus directement les Français puisqu’il s’agit de la fin de la période coloniale. Enfin, cinq thèses que nous qualifierons de « politistes » bien qu’elles soient le fruit d’historiens, œuvrent à une meilleure intelligibilité quant à la construction ou recréation d’un/des État(s) vietnamien(s) au sortir de la période coloniale8. Les cinq thèses d’histoire moderne complétant ce tour des études historiques françaises portant sur le Việt Nam. Reste à comprendre pourquoi et comment cette véritable vague de fond s’est-elle produite. Sans parler de tsunami, il est vrai que le chiffre de 70 thèses en moins de vingt ans et seulement en France peut surprendre d’autant que, globalement, les études vietnamiennes – comme toutes les études aréales – sont aux marges du champ académique historique9. Plus paradoxal encore, malgré l’intérêt porté ces dernières années au phénomène colonial10, la période indochinoise est particulièrement marginalisée car elle n’est guère mobilisée de façon postcoloniale par le politique. Comme le rappelait avec beaucoup de justesse Daniel Hémery et Pierre Brocheux, la colonisation de l’Indochine fut, pour le moins, ambiguë 11. Dans leur livre, les deux historiens de Paris-7 qui marquèrent toute uploads/Histoire/ 2009-culas-et-klein-introduction-moussons-vingt-ans-de-recherches-sur-le-viet-nam-1990-2010.pdf
Documents similaires










-
41
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 23, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
- Taille du fichier 0.3494MB