A propos de l’après 68, de l’ « ultra-gauche » et de la communauté humaine Préf
A propos de l’après 68, de l’ « ultra-gauche » et de la communauté humaine Préface revue pour la seconde édition (Québec) Merci à Gilles D., Romain S. et Julie P. En juin 2000, la revue Comunismo publiait en espagnol une traduction d’un article de la revue la Guerre Sociale, Abondance et dénuement dans les sociétés primitives. Cet article ébranla quelques-unes de nos convictions « marxistes » (progrès, civilisation, science,…) et nous incita à rechercher d’autres textes de ce courant, nous éloignant d’abord des iguanodons léninistes puis d’un conseillisme des plus idéologique et d’un anarchisme trop en vogue pour être vrai. En septembre 2001, nous ressortions ce texte en français sous forme d’une brochure (100 exemplaires, peu d’échos) accompagnée d’une introduction aujourd’hui insatisfaisante… Une année plus tard, assez riche en événements et expériences vécues (Gênes, l’après Gênes, contacts avec les anti-citoyennistes,……..), nous poursuivons toujours notre recherche, livrant ici un recueil de textes écrits à partir du moment où le rêve d’un après-mai révolutionnaire s’effondrait (1975, déjà) cédant souvent la place à divers cauchemars (suicides, désillusions, abandon de toute espérance révolutionnaire,….). Notre compilation comprend, deux textes de la revue La Banquise, un du Brise-Glace, deux articles de (ou proche de) La Guerre Sociale, ainsi qu’un texte du groupe parisien l’Insécurité Sociale. Bien évidemment notre but n’est pas de réconcilier celles que des petits malins ont appelées les « sœurs ennemies de l’ultra-gauche », et même désordonnée, incomplète et insatisfaisante, cette compilation n’est pas un hasard : les textes sélectionnés ici, quels que soient leurs défauts (lourdeur, longueur, incohérences….on n’échappe pas à son époque), gagnent à être lus ensemble. On espère que les lecteurs y reconnaîtront un peu plus que les thèmes habituels d’une ultra-gauche fossilisée en 1968 que nous exécrons… Disons également ici, dés le début, que notre travail gagne à être lu aux cotés de celui que préparent les éditions Senonevero : Rupture dans la théorie de la révolution (introduction par François D.), comprenant des textes très proches des nôtres, mais écrits un peu plus tôt, et illustrant encore mieux les effets occasionnés par l’immédiat après-mai sur la « théorie révolutionnaire ». (textes de Camatte, Authier, Barrot, Guillaume, Bériou,…) Si la révolution est effectivement redevenue aujourd’hui un sujet de polémique, en supposant qu’elle ait jamais cessé de l’être, ces textes, j’en suis persuadé, sauront être profitables aux derniers fanatiques du « mythe de l’age d’or »… « L’échec du mouvement prolétarien communiste fut la grande catastrophe de la première moitié du 20eme siècle (…). Aucun révolutionnaire n’a vraiment reconnu l’étendue de la défaite, véritable catastrophe pour l’espèce humaine et pour la nature tout entière (…). De même la défaite des années 70 (il est clair qu’après 1977 et la défaite italienne de Bologne tout est fini et n’est plus que combat d’arrière garde) n’a pas été clairement perçue, elle a permis la victoire complète du capital dans les années 80. Il n’a pas encore été fait de bilan ou même d’histoire de ces années qui virent cette immense défaite qui est cause de l’indicible horreur actuelle, de la dégénérescence et de la démence des hommes et des femmes, de la régression de la pensée, d’une accélération de la destruction de la nature. »( F. Bochet in Invariance (1994), Communautés, naturiens, végétariens, végétaliens et crudivégétaliens dans le mouvement anarchiste français ) Le bilan du mouvement communiste contemporain (19eme et 20eme siècles ) n’est ni mitigé ni désolant, il est désastreux et catastrophique…. Il est vrai que nous sommes, que nous le voulions ou pas, les héritiers du passé, dont pour partie nous devons nous libérer et pour une moindre part nous devons assumer. Notre imaginaire comme notre culture sont pour ceux qui se réclament du communisme, les héritiers des luttes du passé, que ce soient les premières grèves sur les chantiers des pyramides, les jacqueries du Moyen Age, etc. etc. Nous continuons de penser que le besoin du communisme est invariant à l’espèce humaine. Cette tendance à la communauté caractérise toute l’histoire humaine, et « se demander si elle vaincra ou non n’a pas de sens puisque nous ne l’avons pas choisie : c’est elle qui nous tient et qui nous permet d’exprimer ce que nous considérons comme le meilleur de nous-mêmes ». L’ancien mouvement ouvrier prolétarien a été définitivement liquidé par la spectaculaire restructuration des années 1970- 1980. C’est un fait incontestable… L’emprise quasi totale du capital sur nos vies (pensées, comportements,…) a conduit beaucoup d’entre nous à l’errance théorique, et il serait prétentieux de croire que nous échappons à cette décomposition générale… Différentes questions ont dû être posées, à la suite desquelles chacun a pu donner libre cours à ses errances. Où est passé le « sujet révolutionnaire », le prolétariat ? En liquidant l’ancien mouvement ouvrier, le capital a t-il définitivement triomphé et liquidé la lutte des classes ? Qu’est-ce que le prolétariat ? Est-ce une stricte catégorie sociologique ? Est-ce uniquement un concept, une pensée, permettant de comprendre le mécanisme de destruction potentielle de ce monde (dont nous faisons partie), à travers un élément de la société, le dépossédé de sa vie, qui ne veut plus l’être ? Etc. etc. A propos des élucubrations du groupe Théorie Communiste Le prolétariat, depuis le début du 19eme, n’aurait que tenté de reprendre en main le monde capitaliste à son profit, ce qui n’est pas entièrement faux, et n’aurait pas pu aller plus loin, en fait, que cette gestion ouvrière du monde, que cette affirmation de la classe laborieuse libérant l’humanité par l’autogestion, la science, le progrès et autres idoles capitalistes… Avec la restructuration, le rapport d’implication réciproque prolétariat-capital ne porterait plus en lui la reproduction du prolétariat dans l’univers du capital (« programatisme ») et rendrait donc inévitable l’éclatement de ce binôme lors de la prochaine crise et donc la communisation immédiate du monde… Nous serions sur une autoroute dont le prochain péage est le communisme… Pour notre part, il nous semble trop facile et même bête de faire une relecture de l’histoire pour démontrer l’impossibilité du communisme à un moment donné et tirer la conclusion qu’il est absolument inéluctable aujourd’hui. Le « programmatisme » est sûrement un fait réel, mais si les prolétaires se sont identifiés au travail, c’était surtout pour s’en servir comme un bastion face aux capitalistes, et pas vraiment une manière de vouloir prendre leur place, « ces prolétaires s’abstenaient autant de bouleverser le monde que de privilégier le travail, et se « contentaient » d’arracher au capital ce qui pouvait l’être ». (Dauvé- Nesic, Prolétaires et travail, une histoire d’amour ? 2002) Les prolétaires, depuis des millénaires, n’ont presque jamais lutté pour plus travailler, bien au contraire évidemment. Leur attachement à leur travail était beaucoup plus un attachement à leur communauté laborieuse, à ses traditions, à ses luttes, à ses fêtes, qu’un amour pour l’exploitation capitaliste qui englobait au fur et à mesure toute la société. La restructuration capitaliste des 30 dernières années a indéniablement liquidé cette communauté ouvrière, mais il est plus qu’hasardeux d’affirmer que, par cela, elle a supprimé un frein au communisme… Personne d’autre d’intelligent ne peut affirmer que les prolétaires ont été amoureux de leur travail à n’importe quel moment de l’histoire, ce serait suicidaire de l’affirmer. En fait, nous croyons sincèrement qu’il n’y a aucune garantie, aucun déterminisme pré-établi (ou entièrement prévisible) , garantissant le dépassement du capitalisme par une communauté humaine. Seule une révolution victorieuse pourrait nous prouver que le prolétaire « flexibilisé, précarisé, globalisé, loftstoryvisé » de 2002 porte « plus » par ses luttes le communisme que Thomas Munzer en 1525, les babouvistes de la fin du 18eme siècle, ou les gavroches de 1848. A priori, cela est indémontrable à l’avance. Nous nous démarquons également des prophètes de malheur, catastrophistes, apocalyptiques ou autres : peu de catastrophes risquent de mettre en péril le capital : le niveau des océans peut monter de 50 centimètres, des milliers d’espèces peuvent disparaître, un baobab pourrait sans doute pousser en haut du Mont Blanc, rien de cela n’empêcherait le capital de se valoriser ou garantirait un sursaut salvateur de l’humanité. Par contre, le capital ne peut pas se passer de l’activité humaine, c’est donc dans cette dernière, dans notre activité présente et future, que réside notre réussite…ou notre échec. Répétons simplement que le capital ne sera plus reproductible que le jour où nous arrêterons de le (re)produire… Telles n’étaient pas les conclusions du mouvement ouvrier passé, officiel ou marginal, qui eut un mal énorme, dans sa pratique, à se débarrasser de la gestion ouvrière des moyens de production que prônaient ses leaders. Seuls quelques enragés, en France, en Russie ou ailleurs, essaieront d’échapper au monde par des communautés préfigurant celles de l’après 68. (1) 1917-1968 Reconnaissons à 1917 d’avoir été le plus haut point du mouvement communiste du siècle dernier. « Octobre 17 »(2) fut un éclair d’espoir vite dissipé dans l’horreur du XXeme siècle, de la Patagonie à la Russie, en passant par les Etats-Unis, l’Allemagne, la Hongrie,…Le temps est révolu où Lloyd George soupirait : « L’Europe entière uploads/Histoire/ a-propos-de-l-x27-apres-68-de-l-x27-ultra-gauche-et-de-la-communaute-humaine.pdf
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- Publié le Apv 22, 2021
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