sous la direction de Stefania Capone et Mariana Ramos de Morais Les Carnets du

sous la direction de Stefania Capone et Mariana Ramos de Morais Les Carnets du Lahic n° 7 Lahic / DPRPS-Direction des patrimoines Afro-patrimoines Culture afro-brésilienne et dynamiques patrimoniales 11 Les Carnets du Lahic Copyright 2015 Lahic / Ministère de la Culture, direction générale des Patrimoines, département pilotage de la recherche et de la politique scientifique. ISSN 2105-0708 Illustration de couverture : Tambor de crioula. Arraial do IPEM, São Luís. Photographie Leo Oliveira, 2015. Les Carnets du Lahic 11 Afro-patrimoines Culture afro-brésilienne et dynamiques patrimoniales sous la direction de Stefania Capone et Mariana Ramos de Morais Lahic / DPRPS-Direction des patrimoines Sommaire De la négation à l’affirmation : le processus d’institutionnalisation du patrimoine 6 culturel afro-brésilien Avant-propos de Stefania Capone et Mariana Ramos de Morais Mobilisation politique et médiation de conflits. 25 Politiques publiques et organisations noires au Brésil Jocélio Teles dos Santos Quilombos contemporains : mémoire de l’esclavage, culture afro-brésilienne 42 et citoyenneté au Brésil Martha Abreu et Hebe Mattos Le projet modernisateur de la nation et la reconnaissance des droits culturels  58 et territoriaux par l’État brésilien Eliane Cantarino O’Dwyer La politique du patrimoine culturel immatériel au Brésil : une volonté politique 77 de démocratisation et d’inclusion des « minorités » ? Christine Douxami Les religions afro-brésiliennes en tant que patrimoine : du conflit à l’institutionnalisation 98 Mariana Ramos de Morais Entre voix, énigmes et regards : le processus de reconnaissance patrimoniale  119 du jongo et la « nation brésilienne » Wilson Penteado Jr. Interventions urbaines et processus de patrimonialisation : la construction 139 d’un territoire noir dans la zone portuaire de Rio de Janeiro (1980 et 2000) Simone Pondé Vassallo Le tambor de crioula : patrimoine culturel du Maranhão 162 Sérgio F. Ferretti Patrimonialisation des systèmes culinaires afro-brésiliens : les Baianas do acarajé 181 Nina Pinheiro Bitar Our Lady of the Good Death : Afro-Catholic Festivals as Cultural Heritage in Brazil 199 Stephen Selka « The Way We Were » : African American Roots Tourism in Bahia and the Temporal 218 Mapping of Heritage Patricia de Santana Pinho Connexions diasporiques. Réseaux artistiques et construction d’un patrimoine culturel « afro » 238 Stefania Capone Chronologie – Patrimoine et culture afro-brésilienne 266 Liste des patrimoines culturels immatériels « afro » 272 Glossaire 274 Références bibliographiques 277 Liste des contributeurs 302 6 De nos jours, la culture afro-brésilienne occupe une place de plus en plus importante dans la liste des patrimoines culturels de l’État brésilien. L’inclusion des manifestations culturelles des descendants d’Africains au Brésil a été encouragée par le décret n° 3.551 du 4 août 2000 qui établissait un registre des biens immatériels. Ce décret précédait de trois ans la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, datée du 17 octobre 2003. Il est le fruit d’un long chemin qui débuta dans les années 1930 avec la création des premières politiques publiques en faveur du patrimoine national brésilien. De la mise en valeur d’un passé colonial, symbolisé par le baroque et ses églises revêtues d’or, on en viendra graduellement à inclure les « biens culturels » des groupes minoritaires dans les listes de l’Institut du patrimoine historique et artistique national (IPHAN) 1. Ce volume propose une analyse des processus qui ont mené à la reconnaissance en tant que patrimoine culturel brésilien de pratiques culturelles afro-brésiliennes qui ont longtemps été réprimées et discriminées. Pour cela, il est important d’appréhender les changements dans les politiques publiques qui sous-tendent aujourd’hui la formation d’un patrimoine afro-brésilien. Patrimoine historique et artistique La protection légale du patrimoine national brésilien a été instituée par le décret-loi n° 25 (voir chronologie), signé le 30 novembre 1937 par Getúlio Vargas (1882-1954), devenu président du Brésil à la suite de la révolution de 1930. Le décret fut signé à peine vingt jours après le coup d’État dirigé par Vargas, qui instaurait la dictature de l’Estado Novo (1937-1945). Dans son premier article, le décret déterminait que : Constitue le patrimoine historique et artistique national l’ensemble des biens meubles et immeubles existant dans le pays et dont la conservation est d’intérêt public, soit par leur lien avec des événements mémorables de l’histoire du Brésil, soit par leur exceptionnelle valeur archéologique ou ethnographique, bibliographique ou artistique (Brasil 1937a). Le 13 janvier 1937, Vargas avait déjà signé la Loi 378, qui créait le Service du patrimoine historique et artistique national (SPHAN) pour « promouvoir, dans tout le pays et de manière permanente, le classement, la conservation, l’enrichissement et la connaissance du patrimoine historique et artistique national » (Brasil 1937b). De la négation à l’affirmation : le processus d’institutionnalisation du patrimoine culturel afro-brésilien Stefania Capone et Mariana Ramos de Morais Les Carnets du Lahic n°11 7 Stefania Capone et Mariana Ramos de Morais Dans les années 1920, la réflexion autour du patrimoine national avait été associée au débat sur la construction de l’identité nationale par un groupe formé principalement de modernistes en quête d’une représentation utopique du passé et d’un avenir pour l’art national. Il importait de construire une autre vision des arts locaux, « méconnus ou méprisés » à cause des « interprétations fantaisistes, superficielles et colonisées [en vigueur au Brésil] des styles dépassés européens et nord-américains » (Cavalcanti 2000 : 10). Parmi ces modernistes, on comptait Mário de Andrade dont l’œuvre littéraire et ethnographique ne cessait de mettre en valeur les arts brésiliens. Membre du groupe d’intellectuels à l’origine de la Semaine d’art moderne, organisée à São Paulo en 1922, ce poète et écrivain avait sillonné le Brésil, en enregistrant, tel un ethnographe, les différentes expressions de la culture populaire, dont un grand nombre étaient issues de la culture afro- brésilienne. (ill. 1) Dans les années 1930, ce grand intellectuel brésilien joua un rôle crucial dans les agences publiques qui se chargeaient de gérer la politique culturelle 2. Il fut le fondateur de la Société d’ethnographie et de folklore qui rassemblait aussi professeurs et élèves de la nouvelle université de São Paulo (USP), créée en 1934 3. Claude Lévi-Strauss, jeune professeur français membre de la Mission française qui aida à organiser les cours de la nouvelle université, collabora avec cette société, tout comme son épouse, Dina Dreyfus, qui fut l’une des principales collaboratrices de Mário de Andrade. À l’époque, ce dernier était le directeur du département municipal de la culture de São Paulo, avant de prendre, en 1941, la direction du SPHAN dans cette même ville. En 1936, il avait présenté un avant-projet 4 pour la création de cette agence gouvernementale, à la demande de Gustavo Capanema, le ministre de l’Éducation et de la Santé de l’époque, à qui le SPHAN était subordonné. Avant la publication du décret-loi n° 25, la Constitution de 1934 déterminait déjà, dans son article 148, qu’« il est de la responsabilité de l’Union, des États et des Communes de faciliter et d’encourager le développement des sciences, des arts, des lettres et de la culture en général, de protéger les objets d’intérêt historique et le patrimoine artistique du pays, ainsi que de prêter assistance au travailleur intellectuel » (Brasil 1934). La protection du patrimoine historique et artistique était affirmée en tant que principe constitutionnel. À cette époque, le Brésil était déjà signataire de deux résolutions élaborées lors de la Conférence internationale d’architectes et de techniciens des monuments historiques, tenue à Athènes en 1931, et du Congrès international d’architecture moderne, réalisé en 1933 dans cette même ville. Toujours en 1933, la publication du décret n° 22.928 avait déclaré « monument national » la ville d’Ouro Preto, dans l’État du Minas Gerais, célèbre pour sa richesse en or au xviiie siècle et pour le style baroque caractéristique de ses maisons et de ses églises catholiques. Les modernistes élurent Ouro Preto comme ville symbole du baroque brésilien, qu’ils considéraient comme 8 Avant-propos l’expression majeure de l’art produit jusqu’alors au Brésil. En 1938, un an après la création du SPHAN, 292 biens furent inscrits comme patrimoine national, dont la plupart étaient des exemples de l’architecture catholique, notamment du xviiie siècle, marqués par le baroque (Fonseca 1997 : 126). Ce furent des classements individuels, même lorsque les biens composaient un ensemble urbain ou faisaient partie d’un même contexte historique. La seule exception fut le classement de six villes historiques de l’État du Minas Gerais : Diamantina, Mariana, São João Del Rei, Serro, Tiradentes et Ouro Preto 5, dans lesquelles la protection s’étendait non seulement à certaines constructions, mais aussi à l’ensemble urbain et paysager de la ville. Cela montre l’importance accordée au baroque par ceux qui intégraient la scène patrimoniale et qui, en essayant de créer un répertoire qui puisse définir « la culture nationale », privilégiaient l’univers symbolique des élites brésiliennes 6. À cette époque, le noir était encore présenté – à travers ses croyances, ses danses, son art culinaire et sa musique – comme un être exotique, intégré dans une société bâtie sur les préjugés et les inégalités. Cette marginalisation de la culture afro-brésilienne est l’une des raisons du retard de l’inclusion des biens associés à la culture noire dans la liste du patrimoine national brésilien. Parmi les uploads/Histoire/ afro-patrimoines-culture-afro-bresilien-pdf.pdf

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  • Publié le Jul 17, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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