Par Julie Stern À l’époque de la remontée des intégrismes et autres versets sat
Par Julie Stern À l’époque de la remontée des intégrismes et autres versets sataniques il n’est pas inutile de voyager au XVIème siècle pour découvrir un point central de réponses et de questions en rapport avec l’éthique du bonheur et de la technologie occidentale de 1994. Neuf siècles après la révélation islamique, 200 occidentaux de toute l’Europe se retrouvèrent à porter l’esprit de la Renaissance avec le flambeau de leurs certitudes. Ils étaient mystiques, ingénieurs, mathématiciens, techniciens, courtois, évangélistes du paradis sur terre. Ils créèrent l’humanisme dont tout le monde parle en nos temps de réflexions morales, mais que trop peu connaissent. La démocratie y puise là une dimension transcendantale et biblique. John Dee est celui qui reçut la révélation la plus imposante – plusieurs centaines de pages dont un monologue de Dieu aussi amer et profond que le Livre de Job, où il se repent même d’avoir créé l’être humain… le reste du texte s’apparentant au célèbre livre des Dialogues avec l’Ange – révélation spirituelle de portée universelle dissimulée qui s’inscrit en filigrane au cœur des relations actuelles de l’humain à son identité, de la société et de la nature, de la femme et de l’homme, des peuples et de leurs histoires, des religions et des politiques, de la liberté et de l’amour. De l’art. La grande aventure de l’évolution de l’esprit humain. Les mystères de John Dee Jusqu’à une date récente, John Dee fut regardé comme un maniaque isolé et marginal de l’histoire britannique de la dynastie des Tudor, n’ayant bénéficié d’aucune étude approfondie, académique et sérieuse, un homme seulement digne d’intérêt aux yeux d’une petite minorité d’antiquaires et d’occultistes. Même aujourd’hui l’Encyclopedia Britannica ne nous propose qu’un petit paragraphe étriqué et sans information exhaustive – sort peu enviable pour un homme qui fut révéré en son temps – la grande Renaissance – comme l’homme le plus érudit de toute l’Europe. Inspirateur du personnage de Prospero dans la Tempête de Shakespeare, John Dee est à la base de la révolution technicienne anglo-saxonne moderne et des contradictions éthiques du système héritées et transformées par l’exercice du pouvoir. Faire sa biographie revient à faire œuvre en matière d’histoire des sciences et des technologies (astronomie, astrologie, mathématiques, mécanique), des sociétés (de l’antiquité au XVIème siècle) et des spiritualités (mondiales). John Dee donna à l’Angleterre le concept politique d’« Empire Britannique » et ouvrit les flux de navigation de la Grande-Bretagne avec la Russie et l’Amérique. Il prétendit avoir communiqué avec les anges comme si les rois, les empereurs et les grands ne lui suffisaient pas. Une vie qui se déroule comme un film d’aventure mystico-politique, une épopée au rythme d’un thriller mythique car Shakespeare n’est vraiment pas loin et la Tempête eût vraiment lieu…. Biographie John Dee est né à Londres le 13 juillet 1527. Il était le fils de Rowland Dee, un courtier au service privé du roi Henry VIII. Les deux familles d’origine galloise s’étaient soudées durant la guerre des deux roses où la pourpre des Tudor avait vaincu la blancheur de la rose d’York. De 1542 à 1545, John Dee étudie au Collège St John de Cambridge dont il raconte ; “J’étais si profondément plongé dans l’étude que durant ces années je respectais de manière inviolable mon emploi du temps ; seulement quatre heures de sommeil chaque nuit ; deux heures par jour pour prendre nourriture et boisson (et quelques rafraîchissements après) ; et le reste des dix-huit heures (excepté le temps pour aller et réaliser le service divin) passa dans mes études et apprentissage).” Puis le Trinity College. Reçu bachelier ès Arts en 1546 il devient l’un des membres de la Société des Amis du Trinity College, toujours à Cambridge. Cette même année, il construisit une machine volante pour la représentation de l’apparition théâtrale de Zeus dans La Paix, pièce d’Aristophane. Infortunément, cette prouesse technique pour l’époque forgea la base d’une accusation de pratique des arts magiques maléfiques (pensez donc à Zeus en train de voler sur un char au sein de l’Olympe à la sortie du moyen-âge religieux !) et un évocateur des mauvais esprits. Banal. La dure vie du XVIème siècle. Comme Bertrand Gilles l’a indiqué dans son célèbre ouvrage Les Ingénieurs de la Renaissance, les mystiques seuls étudiaient les mathématiques qui aboutissaient à concevoir des machines permettant de faire disparaître les ouvrages pénibles pour l’humanité. Mais l’Eglise avait interdit cette pratique des « arts mécaniques » jugés diaboliques. Seuls les rois et la haute noblesse militaire protégeaient une part de la connaissance technique héritée de l’antiquité pour fabriquer des armes, des ponts, des véhicules, des scaphandres, des moulins, des proto-machines volantes ou plongeantes… Et les 200 de la renaissance européenne… Mais Dee s’en dépêtre. On court dans toute l’Europe et les villes sont de verdure fleuries. Et s’enfuit. La Belgique. Les Flandres. De 1548 à 1551, John Dee poursuit des études à Louvain, université soutenue financièrement par la papauté et l’Empereur Charles V, réputée dans toute l’Europe pour l’étude des Lois Civiles et des Mathématiques. John Dee visite également Anvers avant d’arriver à Paris et y faire la performance remarquable pour un jeune homme de 33 lectures successives sur Euclide. “Une chose qui n’avait jamais été faite publiquement dans aucune Université de la Chrétienté”, comme il le notera lui-même avant de préfacer le premier ouvrage britannique d’Euclide qui servira encore à l’enseignement des mathématiques dans les collèges anglais de 1914. Mais surtout le passage de John Dee à Louvain qui n’achèvera pas son doctorat fut celui de sa rencontre et de sa très longue amitié avec Gérard Mercator, le premier géographe du globe terrestre réel, le fondateur de la géographie moderne. John Dee retourne en Angleterre en possession du secret de la boussole orientée sur le pôle magnétique dont la place et le rôle sont découverts par Gérard Mercator, les contrées d’Amérique et les passages présumées vers la mer Baltique et la Russie. C’est l’amitié de John Dee qui ouvre la dimension « d’empire maritime” au monde anglo-saxon. La Russie. Et la Virginie… En Angleterre il passe les années 1551 à 1553 comme tuteur de Robert Dudley, fils du Lord Protecteur Northumberland, et plus tard Comte de Leicester. En 1553, Edouard VI lui confère deux Eglises en fonction, avec leurs pensions, les rectorats d’Upton-on-Seven, Worcestershire et Long Leadenham, Lincolnshire. Toutefois, l’accession de la Reine Mary Tudor (mariée à l’ultra- catholique roi d’Espagne Philippe II qui réprime le protestantisme puritain) provoqua un déplaisant revers de fortune d’autant que les étudiants en arts magiques et mathématiques (à l’époque c’est la même discipline, interdite en même temps que l’étude de tout art « mécanique ») sont poursuivis par les bûchers. John Dee est emprisonné en 1555 sous l’inculpation d’être « soupçonné d’avoir lancé des enchantements contre la Reine ». Il est relaxé, mais son majordome, Barthlet Grene, est brûlé vif. Pour retrouver son crédit, John Dee adresse une supplique à la Reine Mary pour la recherche et la préservation des anciens écrits (brûlés par les tribunaux) et monuments. 1556. Il est embauché comme assistant d’un inquisiteur. Il récupère tous les manuscrits d’alchimie (qu’il étudie) saisis aux domiciles des prévenus de la justice ecclésiastique et accumule un énorme fonds de manuscrits qui servira à l’essor scientifique ultérieur de la Grande-Bretagne. “Si le facteur essentiel d’une université est une excellente bibliothèque, FR Johnson a souligné que la maison de Dee peut vraiment être considéré comme l’académie scientifique d’Angleterre durant la première moitié du règne d’Elizabeth 1ère d’Angleterre.” comme le soulignent les modernes biographes de John Dee, Frances Yates et Peter French. Sa bibliothèque inclut les oeuvres complètes de Platon et d’Aristote, les drames d’Eschyle, Euripide, Sophocle, les sentences de Sénèque, Terence et Plaute, les écrits de Thucidyde, Hérodote, Homère, Ovide, Tite-Live, Plutarque. Mais la Reine Mary Tudor vient de mourir. Il avait de nombreux ouvrages sur la religion et la théologie : la Bible, le Coran, St Thomas d’Aquin, Luther, Calvin. Tous les ouvrages majeurs pour les antiquaires britanniques contemporains étaient présents, incluant toutes les œuvres de sciences, de mathématiques. La géographie. Evidemment, pour un homme de la Renaissance, le mysticisme et le magique étaient importants dans le schéma de rangement, avec Plotin, Roger Bacon, Raymond Lulle, Albert le Grand, Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, Paracelse, Trithème et Agrippa. Et d’autres. Toute la Renaissance en un seul érudit. En faire la biographie, c’est donner la connaissance scientifique et technique de l’antiquité au XVIème siècle. Un cours d’art de la mémoire (base de l’éducation traditionnelle) en prime. Le magicien de la reine Elizabeth 1ère d’Angleterre L’astrologue de la date retenue pour le couronnement solennel de la Reine Elisabeth 1ère d’Angleterre s’appelle John Dee. Il la servira avec un dévouement peu commun durant toutes les années de son règne. Dee fut connu à la Cour avec son air de barde merlinesque et retrouva le Comte de Leicester, son premier élève, ainsi que le cercle de Sir Philip Sydney, l’amitié profonde de Sir William Cecil, et de nombreux autres proches de la Couronne dont le responsable des services secrets, Sir Gresham, uploads/Histoire/ au-sujet-de-john-dee 1 .pdf
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- Publié le Mai 19, 2022
- Catégorie History / Histoire
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