Robert-Henri Bautier La chancellerie et les actes royaux dans les royaumes caro
Robert-Henri Bautier La chancellerie et les actes royaux dans les royaumes carolingiens In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1984, tome 142, livraison 1. pp. 5-80. Résumé L'auteur dresse le bilan de ce qu'on peut savoir de organisation et de l'évolution de la chancellerie dans le royaume franc unitaire depuis le milieu du VIIIe siècle et dans l'Empire après 800, ainsi que dans les royaumes issus de son démembrement (France occidentale et orientale, Lotharingie, Lorraine, Italie, Provence, Aquitaine): notaires multiples de Pépin, liaison avec la chapelle, formation de l'archicancellariat, rôle de l'archichancelier et union de sa charge avec une dignité (archi)épiscopale, direction de la chancellerie par un notaire-chancelier qui accède aussi l'épiscopat, décadence et préparation progressive des actes par les soins des destinataires. Est ensuite retracée la filière suivie pour établissement des actes : comman dement, intervention des tiers, rédaction d'une minute, grossoiement de l'expédition, validation par le sceau, par la récognition de chancellerie et par la main royale. Puis est proposée une nouvelle classification des actes, tant de la chancellerie étrangers celle-ci. Parmi les premiers les préceptes sont les plus nombreux après leur forme et leur mode de validation il faut distinguer des préceptes ordinaires (avec le signum du souverain) des préceptes mineurs (sans cette approbation royale) et des préceptes solennels (pourvus une bulle métallique, éventuellement du « legimus »). A l'origine, ils prennent la suite des diplômes mérovingiens et des actes des maires du Palais, se fixent progressivement, mais subissent dès la fin du IXe siècle une forte dégradation. En sont à distinguer les mandements et les « monitiones ». Outre des actes expédiés par le chambrier , d'autres l'étaient par le service du comte du Palais : jugements et « pancartae ». Le problème des capitulaires est évoqué, ainsi que celui de certains actes très solennels ( « pacta » et « ordinationes »). L'État actuel des publications des actes royaux carolingiens. Citer ce document / Cite this document : Bautier Robert-Henri. La chancellerie et les actes royaux dans les royaumes carolingiens. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1984, tome 142, livraison 1. pp. 5-80. doi : 10.3406/bec.1984.450328 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1984_num_142_1_450328 LA CHANCELLERIE ET LES ACTES ROYAUX DANS LES ROYAUMES CAROLINGIENS par Robert-Henri BAUTIER II est usuel de parler de chancellerie carolingienne, de diplomatique carolingienne. Point d'expression pourtant qui soit plus inexacte, point de notion plus difficile à cerner. Si par là on entend opposer à l'époque qui s'ouvrit par l'avènement des Pippinides à la royauté celle qui l'avait précédée et où régna avec plus ou moins de réalité la dynastie mérovingienne, cela est parfaitement clair, car le milieu du vine siècle a bien marqué, sinon une rupture complète, du moins une transformation profonde dans l'organisation de la chancellerie et une évolution notable dans la forme même des actes. Mais les pra tiques qui s'élaborèrent sous les premiers souverains de la nouvelle dynastie franque s'ancrèrent si profondément dans la vie publique qu'elles subsistèrent dans les royaumes dits nationaux qui s'élevèrent sur les décombres de l'Empire unitaire, qu'elles constituèrent la base de l'évolution ultérieure sous les Robertiens en France occidentale, voire jusqu'au xie siècle sous les premiers Capétiens, mais aussi sous les dynastes qui s'arrachèrent le regnum Italiae à la fin du ixe siècle et dans la première moitié du xe, sous les Bosonides de Provence et les premiers Rodolphiens de Bourgogne jurane. La mort prémat urée de Louis l'Enfant ne marque aucune solution de continuité dans le royaume de Germanie et Conrad Ier et Henri Ier y poursui virent inéluctablement une tradition qui imprégna profondément la dynastie ottonienne. Jusqu'au début du xie siècle, considérer séparé ment in abstracto la situation de chacun des États issus du démem- brejnent du regnum Francorum de Pépin et de Charlemagne, c'est répondre à des préoccupations didactiques ou flatter des sentiments nationalistes, mais ce n'est pas rendre compte de l'unité fondament ale de l'espace que, à défaut d'une expression mieux appropriée, nous continuerons à définir comme « carolingien »x. Car la chancel- 1. Je suis sur ce plan, sans restriction aucune, les points de vue exprimés par mes collè gues et amis Karl-Ferdinand Werner et Carlrichard Brühl dans leurs diverses publi cations. Bibliothèque de l'École des chartes, t. 142, 1984. 6 ROBERT-HENRI BAUTIER lerie de Gharlemagne fut vraiment le creuset commun de toutes les chancelleries ultérieures. Gela explique pourquoi cette époque a été longtemps reine dans les études de diplomatique : c'est sur elle que se sont exercées la sagacité et la critique des meilleurs maîtres de cette discipline. C'est par la critique des diplômes carolingiens que la diplomatique est vér itablement née et qu'elle a élaboré ses méthodes. Toutefois, quand on veut dominer la diplomatique de cette époque, la tâche n'est pas aisée ; car, outre qu'on ne dispose pas encore d'une édition critique des diplômes des empereurs Louis le Pieux et Louis II1, les seules études synthétiques portent sur la période unitaire, avant 840. Pour l'époque suivante, les travaux se sont modelés sur les cadres nationaux — Germanie, France, Italie — et ont généralement pris pour cadre la chancellerie de chacun des souverains, sans faire appel à cette méthode comparative que l'on doit tenir pour la con dition même du développement de la diplomatique. L'ampleur et la diversité des questions posées par l'évolution des chancelleries de France occidentale, de France orientale, de Lotharingie, d'Italie, d'Aquitaine, de Bavière, de Provence et de Bourgogne2, contraignent à donner au présent mémoire un développement peut-être excessif tout en demeurant dans un certain schématisme. De plus, je laisserai de côté ici le royaume de Bourgogne et je m'arrêterai pour la Ger manie au seuil du xe siècle, car nos collègues les professeurs Theodor Schiefîer et Peter Acht doivent en traiter dans des travaux sous presse. Le matériel disponible. En se limitant aux seuls « diplômes »3, qui constituent à vrai dire l'immense majorité des actes royaux conservés, le matériel disponible pour l'époque envisagée se compose d'environ deux mille huit cents actes sincères ou dont la base est présumée telle, transmis intégral ement ou en extraits significatifs, dont près de mille originaux, tous sur parchemin. S'y ajoutent environ cinq cents mentions d'actes per dus, connus par le contexte de documents postérieurs, par des ci- 1. C'est la raison pour laquelle, dans ce rapport, je n'utiliserai les actes de ces deux règnes qu'occasionnellement et non de façon systématique. 2. Pour les éditions des actes des souverains « carolingiens » et les sigles dont ils seront désignés ci-après, voir l'appendice bibliographique, infra, p. 76-80. 3. En laissant donc de côté les formules (notamment les Formulae impériales), les mis sives privées (peu nombreuses) et ce que par facilité juristes et historiens ont regroupé sous la désignation commode mais totalement artificielle de « capitulaires » : pactes et traités, circulaires, ordonnances et autres textes réglementaires ou législatifs; mais je me réserve d'utiliser ce riche matériel dans la dernière partie de mon exposé. LA CHANCELLERIE CAROLINGIENNE 7 tations d'historiens ou par des inventaires d'archives1. Il convient d'y joindre environ trois cent cinquante faux, forgés à des époques va riées 2. La répartition de ce matériel est variable selon les souverains, les époques et les régions de l'Empire. A ne considérer que les seuls actes sincères à texte complet, la période unitaire (751-840) compte environ sept cents actes ; pour l'époque suivante, la Germanie et la Lotharingie jusqu'à 911, environ huit cent soixante; la France occi dentale et l'Aquitaine jusqu'à 987, sept cent vingt ; l'Italie, la Pro vence et la Bourgogne, cinq cents. La conservation des originaux et leur provenance est inégale selon les époques. Les archives du monastère de Saint-Denis en France, qui avaient fourni la totalité des préceptes mérovingiens originaux, ont encore livré quatre des six originaux de Pépin le Bref, treize des quarante-deux originaux de Charlemagne ; mais le poids de la Francia occidentalis n'a cessé de décroître au fil des générations, tan dis que s'accroissait celui de la Germanie et de l'Italie, de cette Italie qui n'a conservé que sept des diplômes originaux de Charlemagne. Sous Louis le Pieux, la majorité des diplômes provient toujours de France occidentale. De 840 à 876, nous sont parvenus trois cent soixante-dix actes complets et sincères de Charles le Chauve, mais dans le même temps cent cinquante seulement de Germanie et cent soixante de Lotharingie et d'Italie : encore à cette époque, par con séquent, la moitié du matériel conservé provient du royaume de l'Ouest. Mais après la mort de Charles le Chauve prend définitivement fin cette primauté des activités de la chancellerie de France occidentale. En effet, aux trois cent soixante-dix actes sincères complets de ce souverain s'ajoutaient quatre-vingt-six mentions d'actes disparus et quarante faux, soit en trente-sept ans quatre cent quatre-vingt-seize « témoignages ». Or il faudra cent dix ans à ses dix successeurs, de 877 à 987, pour accumuler un matériel d'importance identique : quatre cent quatre-vingt-treize « témoignages » (trois cent cinquante- trois actes sincères complets, cent mentions, quarante faux). Le ralen- 1. Ce décompte est, en fait, fort délicat, car les méthodes de publication ont varié se lon les uploads/Histoire/ bautier-chancellerie-roy-caro-bec-1984.pdf
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- Publié le Jul 06, 2022
- Catégorie History / Histoire
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