BLOC-NOTES d’Alain Soral Parus dans « Flash » Novembre 2008 Bloc-notes n° 2 : F

BLOC-NOTES d’Alain Soral Parus dans « Flash » Novembre 2008 Bloc-notes n° 2 : Fausses idoles et faux rebelles : de Breton à Besancenot... Quand on est jeune et novice dans le débat d’idées, on croit qu’en politique c’est comme en sport, qu’il y a deux équipes : la vôtre et celle d’en face, les bons et les méchants, le pouvoir et l’opposition... Puis avec la pratique, pour ceux qui passent à la pratique - les autres n’y comprennent jamais rien - on découvre que dans la vraie vie, comme dans 1984 de George Orwell, c’est plus compliqué que ça. Il y a le pouvoir, l’opposition au pouvoir et... Goldstein. Soit l’opposant créé par le pouvoir, ou plutôt favorisé par le pouvoir - ne soyons pas "complotistes" - pour dévier les énergies contestataires vers le stérile, l’inutile... Gauchisme à la Prévert ou gauchisme à la Baader, qu’on soit dans les nuages ou qu’on fonce droit dans le mur, sur le plan de l’inefficacité politique - les années de prison mises à part - ça revient au même. À quinze ans, rebelle dans l’âme et cherchant ma voie, comme tous, j’ai commencé naïf : ma première passion, je l’avoue, fut pour André Breton. André Breton et sa Révolution surréaliste, moi qui croyais, en bon ado petit bourgeois, que le désir, le rêve et l’association d’idées automatiques, c’était autrement plus révolutionnaire que la vulgaire lutte sociale pour l’amélioration des conditions de vie et du travail. Tu parles ! Que reste-t-il aujourd’hui de la Révolution surréaliste ? Trois mauvais poèmes à jeux de mots foireux, deux provocations de potaches parfaitement dérisoires et déjà épinglées, à l’époque, par Drieu la Rochelle dans Gilles (roman à lire pour ceux qui s’intéressent sérieusement à cette période) ; sans oublier une mauvaise compréhension du freudisme - lui-même très dévalué - et, c’est vrai, quelques beaux tableaux de Marx Ernst venus embellir depuis les salons de quelques milliardaires à la Pinault. Pas de quoi renverser le régime ! Du coup, à dix-huit ans, plus circonspect, je me méfiais de Jean-Paul Sartre, l’idole des étudiantes nunuches d’après-guerre. Sartre qui proposait à son tour, après la Révolution surréaliste passablement éventée, sa nouvelle révolution elle aussi plus révolutionnaire que la vraie : la Révolution existentialiste ! Cette fois pour tout foutre en l’air, il ne s’agissait plus de dégoiser des poèmes à la con, allongé sur un divan, mais d’écouter du jazz sur un Tepaz, à huit dans une chambre de bonne, tous habillés en noir ! Autre arnaque pour jeunes verbeux fébriles - toujours issus des beaux quartiers - cette fois très bien décrite dans le film : Les Tricheurs de Marcel Carné (une petite dénonciation anti-jeune qui ne lui sera pas pardonnée par les nouveaux "révolutionnaires" de la Nouvelle vague)... Breton, Sartre... après m’être laissé prendre par le premier et méfié du second, je finis par trouver le truc pour repérer le faux rebelle : pour cacher que dans le réel il ne fait pas grand chose de révolutionnaire, à part fumer des cigarettes (comme Malraux) et prendre des taxis pour dîner en ville, le faux opposant en fait des tonnes dans le symbolique. Ce manque d’engagement réel, il le compense par la surenchère dans le signe... Ainsi, dans la vraie vie, un paysan qui passe à la télé met son costume du dimanche - celui qu’il mettait jadis pour aller à la messe. José Bové, lui, se looke en plouc : moustaches à la gauloise, pipe, pull-over tricoté main vert chlorophylle... comme ça le bobo de Canal +, qui s’y connaît vachement question campagne, sait qu’il a à faire à un vrai paysan. L’agriculteur, lui, ne s’y reconnaît pas du tout mais on s’en fout, la paysannerie aujourd’hui en France c’est 2 %. Cette méthode de détection des factices me permit, après Sartre, d’éviter le piège Althusser. C’est qu’après la Révolution surréaliste et la Révolution existentialiste vint la Révolution structuraliste : le nouveau truc des années soixante-dix pour être sûr de ne jamais faire la révolution pour de vrai ! Alexandre Adler, un modèle de fidélité révolutionnaire, s’en réclame encore, c’est tout dire. Cette fois, fini la poésie, la musique... la nouvelle trouvaille d’Althusser, c’était : re-Lire le Capital, mais en ayant bien conscience de la "coupure épistémologique" à l’intérieur de l’œuvre entre avant et après 1844 (sic) ! Il était là le grand secret. Voilà pourquoi tout avait foiré jusqu’ici ! Une fois de plus la clef de la révolution ne se trouvait pas dans l’action collective et le peuple, mais dans l’herméneutique à Normale Sup ! Plus c’était imbitable dans le commentaire, plus c’était loin de l’interprétation littérale - et du monde ouvrier - plus c’était révolutionnaire ! Avec ça, la bourgeoisie Giscard pouvait dormir sur ses deux oreilles ; ce qu’elle fit d’ailleurs.... Après cette débauche de jargonnage, il ne faut pas s’étonner que le concept passe sérieusement de mode à l’aube des années quatre-vingt, et je n’insisterai pas sur le lien existant entre la baisse de niveau qui s’en suivit et la carrière d’un Bernard-Henri Lévy. Là-dessus tout a été dit, écrit, et il est certain que la médiocrité actuelle, les ralliements de gauche à Sarkozy auraient été impensables, impossibles sans cette table rase opérée par la Nouvelle philosophie... Oublions donc BHL pour sauter directement au dernier faux dur de service : le révolutionnaire anticapitaliste de chez Drucker, l’Olivier Besancenot... À la classe ouvrière ce que José Bové est à la paysannerie, il en fait des tonnes dans le signe, le petit droit-de-l’hommiste sans-papiériste : T-shirt du Che pour cacher son statut de fonctionnaire (avec préférence nationale, mais juste pour lui), petit poing serré vers le travailleur syndiqué pour lui faire oublier que la LCR est le lieu exclusif de l’étudiant bobo, bouche tendue aux sexualités trans-genres mais accolade virile à son pote Joey Starr (histoire de bien confondre, dans son mépris de gauche, banlieue et racaille...). Dans un parfait soucis de positionnement marketing, même le sigle de sa nouvelle boutique pour jeunes reprend le nom d’une émission phare de Canal + : NPA, pour Nulle Part Ailleurs ! Nouveau parti anticapitaliste... Du surréalisme au trotsko-boboïsme, en passant par l’existentialisme et le structuralisme, au fond c’est toujours de ça qu’il s’agit : empêcher le combat anticapitaliste, et faire semblant, en minant toute opposition cohérente, toute union trans-classes, pour que le Système continue à régner... Voilà pourquoi, tandis qu’un Céline dut s’exiler quatre ans pour ne pas être tué, tandis qu’un Drieu préféra faire ce travail lui-même, tandis qu’un Blondin sombra dans l’alcoolisme et le cyclisme pour n’avoir pu accomplir cette impossible union sacrée, le pouvoir libéral reconnaissant offre aux tartuffes expos dans les musées, prix Nobel et autres après-midi télé... Décembre 2008 Bloc-notes n° 3 : Ta Race Tout le monde, je crois, a entendu parler du dernier scandale d’Eric Zemmour, ce vilain monsieur s’étant permis de faire remarquer, lors d’une émission sur les bienfaits du métissage, que les races existaient, ajoutant même pour preuve à son interlocutrice, qui s’offusquait, qu’il était blanc et qu’elle était noire ! Aussitôt, tollé général des journalistes et des politiques, castes complémentaires réputées pour leur courage, leur indépendance et leur profondeur de vue… Pour ne pas leur faire l’honneur de les citer tous, deux sommets : Pour les Noirs : Patrick Lozès, président du CRAN (Conseil représentatif des associations noires, c’est dit dans l’intitulé) s’indignant qu’on ose le définir par la couleur de sa peau ! Et ce après s’être réjouit, comme Rama Yade, de l’élection d’un Noir à la présidence des USA sans du tout se soucier de son programme politique et social… Comme quoi la schizophrénie au moins n’a pas de couleur ! Pour les Blancs : M. Wievorka, directeur d’études à l’EHESS, directeur du CADIS et président de l’Association internationale de sociologie (excusez du peu), demandant que Zemmour, pour ce blasphème - et pour tout argument - soit sanctionné et que la justice soit saisie ! (Rappelons au passage que la dite “incitation à la haine raciale” sera bientôt passible de peines de un à trois ans de prison dans toute l’Union européenne…). Ce climat absurde, ou des Noirs qui se revendiquent comme tels - avant toute détermination sociale - se scandalisent qu’on ose les prendre pour ce qu’ils disent être eux-mêmes ! démontre à quel point Zemmour a raison : • après le racialisme délirant des années trente de funeste mémoire (et dont les grands champions - tant sur le plan théorique que pratique, furent d’abord, rappelons-le, les Américains…), nous voilà en plein dans l’antiracisme délirant. Pour tenter d’élever le débat, je vais oser récapituler pour vous les trois phases successives de l’antiracisme : Un. Les races inférieures n’existent pas. Discours d’élite des années trente devenu majoritaire après 1945 et les souffrances que l’on sait, ce qui tombait bien en pleine période de décolonisation – comme quoi la science a souvent à voir avec l’histoire et l’idéologie… D’où le succès de Claude Levi-Strauss nous démontrant, par l’anthropologie structuraliste, que la pensée primitive n’existe pas, uploads/Histoire/ bloc-notes-d-x27-alain-soral.pdf

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  • Publié le Apv 16, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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