L'HISTOIRE ET LES HISTORIENS A LA MEME LIBRAIRIE OUVRAGES DE M. Louis BOURDEAU

L'HISTOIRE ET LES HISTORIENS A LA MEME LIBRAIRIE OUVRAGES DE M. Louis BOURDEAU THEORIE DES SCIENCES PLAN DE SCIENCE INTÉGRALE Deux forts volumes in-8 20 francs HISTOIRE DES ARTS UTILES ONT PARU : Les forces de l'industrie, un vol. in-8. ... 5 fr. Conquête du monde animal, un vol. in-8. ... 5 fr. POUR PARAITRE SUCCESSIVEME> Conquête du monde végétal un vol. in-8. Conquête du monde minéral un vol. in-8. Industrie alimentaire un vol. in-8. Industrie du vêtement un vol. in-8. Industrie domiciliaire. ....... un vol. in-8. Modes de locomotion un vol. in-8 L'HISTOIRE ET LES HISTORIENS ESSAI CRITIQUE SUR L'HISTOIRE CONSIDÉRÉE COMME SCIENCE POSITIVE LOUIS BOURDEAU PARIS ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIERE ET G 1 FÉLIX ALCAN, ÉDITEUR ioS, boulevard Saint-Germain, 108 1888 Tous droits réserves 8 7ù64ht 631315 INTRODUCTION L'histoire est toute à refaire ou plutôt elle n'est pas encore faite. Les fondements mêmes de la science sont à établir. La construction attend son architecte. A peine peut-on dire que le passe nous a lègue des matériaux. Pour qu'une science se trouve constituée, plusieurs con- ditions sont en effet nécessaires : Il faut d'abord que son objet soit clairement défini ; ensuite, que les problèmes à résoudre, distribués dans l'ordre de complexité croissante, composent un programme rationnel ; il est en outre besoin d'une méthode apte à mettre en lumière les vérités cher- chées; enfin, les connaissances acquises doivent pouvoir être formulées en lois. Or, l'histoire ne satisfait jusqu'ici à aucune de ces exi- ' gences. Son objet est vague, mal défini, sans limites arrêtées ; son programme, plein de confusion ; sa méthode, impuissante à constater les faits avec certitude ; sa capacité d'établir des lois, nulle. Nous nous proposons d'en donner la preuve dans ce travail et d'indiquer comment devrait être instituée l'étude des choses humaines pour mériter de prendre rang parmi les sciences. L'HISTOIRE ET LES HISTORIENS LIVRE PREMIER OBJET DE L'HISTOIRE CHAPITRE PREMIER DÉFINITION DE L'HISTOIRE Le préliminaire obligé de toute recherche consiste à cir- conscrire avec soin le champ qu'on veut explorer. Une définition précise rend la compréhension claire et l'étude fructueuse. Chaque science délimite dans l'ensemble de la nature un groupe de faits, s'y renferme comme en un domaine propre et s'applique à le connaître en entier. Son objet se conçoit et se distingue aisément. On sait où il com- mence, jusqu'où il s'étend, où il finit. Le but est sans cesse sous les yeux ; on n'a pas à craindre de s'égarer et de se perdre. Quelle est la définition de l'histoire ? Peu d'historiens ont pris la peine de répondre à cette question que tous, avant même de rien écrire, auraient, semble-t-il, dû se f 4 b HISTOIRE ET bES HISTORIENS poser. Ils ne se sont point occupés de déterminer nette- ment la fonction de l'histoire dans Tordre des sciences. Il nous faut suppléer à cette lacune par l'acception usuelle du motet l'interprétation des œuvres. Pris dans son étymologie première, le terme d'histoire. dérivé du grec ïarxtopta, signifie information, recherche. sans indiquer aucune étude particulière. L'usage, il est vrai, lui assigne un sens spécial. « L'histoire, dit le Diction- « naire de ïAcadémie française, est le récit des choses « dignes de mémoire. » Amyot la définit de même « une « narration ordonnée des choses notables dictes, faictes ou « advenues dans le passé pour en conserver la souvenance « à perpétuité (ï) ». Une définition de ce genre, si elle convient assez aux ouvrages, des historiens, ne saurait suffire à l'institu- tion d'une science et, plus on 'la creuse, moins elle satis- '-• fait la raison. Que représentent, dans l'ensemble des déve- loppements de la vie humaine, les choses « dignes de mémoire » ? Ont-elles une essence propre, des caractères fixes ? Nullement. Cette qualification résulte d'une appré- ciation arbitraire qui échappe à toute règle. Pour séparer avec clairvoyance les choses dont le souvenir paraît mériter de survivre de celles qu'on voue à l'oubli, il faudrait les toutes connaître, et un triage pareil serait plutôt la conclu- sion d'une science faite que le point de départ d'une science à établir. Afin d'éviter le soupçon de bizarrerie et de ca- price, les historiens consultent d'ordinaire la célébrité, c'est- à-dire l'assentiment public, indice trompeur. Pourquoi s'occuper des choses célèbres et non des autres ? On leur suppose sans doute plus d'importance. Mais ce serait à démontrer et, comme nous le verrons, la preuve est loin d'être faite. Les historiens mêlent communément au récit de faits tenus pour mémorables bien des incidents qui le (i) Préface de la traduction des Hommes illustres de Plutarque. DEFINITION DE L HISTOIRE 5 sont fort peu, et leurs histoires, sauf les plus sommaires, ne sont pleines que de minuties. Jusqu'où doivent s'étendre, dans le détail, les tenants et aboutissants des choses célè- bres ? Cela n'est pas indiqué. La frontière reste indécise; chacun place des bornes à sa fantaisie. Enfin, la renommée, qu'on prend pour arbitre, n'a rien d'universel ni de perma- nent. Variable selon les temps et les lieux, elle signale par- tout des illustrations différentes. Les peuples d'Europe ne glorifient pas les mêmes grands hommes que ceux de l'ex- trême Asie, et ce que les générations de l'âge préhistorique ont pu juger digne d'éternelle mémoire est, de nos jours, parfaitement oublié. L'histoire, ainsi comprise, se compose donc d'éléments sans valeur générale, dont la désignation est locale, transitoire et discutable. Quelle science pour- rait s'édifier sur ce mobile fondement? L'objet de l'étude fuit et se dérobe. Comme l'Ixion de la Fable, on croit étreindre une déesse, on n'embrasse qu'une nuée. Auguste Comte a tenté de constituer autrement l'histoire. Toutefois, la définition qu'il en donne, le nom même qu'il lui assigne laissent subsister de fâcheuses obscurités. L'his- toire ou Sociologie a, dit-il, pour but d'étudier « la struc- , - « ture et le mouvement des sociétés humaines » (i). Mais, réduite à ces termes, elle ne paraît guère différer de la science politique dont Aristote, Machiavel et Montesquieu ont tracé l'ébauche. Si, d'autre part, on veut faire entrer dans ce cadre étroit la totalité des notions historiques, on n'éta- blit entre elles qu'un lien précaire et de convention. Avec ces limites incertaines, on ne voit pas clairement ce que la sociologie admet et ce qu'elle exclut. Qu'est-ce donc que l'histoire et comment convient-il d'en spécifier l'objet? Elle doit, croyons-nous, être définie '« la « science des développements de la raison ». (i) Discours sur l'ensemble du positivisme, p. 170. . 6 I/HISTOIRE ET LES HISTORIENS L'étude de l'homme, être organisé, relève de la zoologie générale ; mais ni l'anatomie, ni la physiologie ne le font connaître en entier. Outre les fonctions qui lui sont com- munes avec les animaux, il en accomplit qui lui sont propres. Alors, en effet, que, pour chacune des espèces animales, les manifestations de l'activité psychique sont uniformes et simples, dans l'humanité seule elles offrent une complexité prodigieuse, une variabilité sans fin et sans bornes. Chez les animaux de même espèce, à la similitude du type s'ajoute celle des facultés, des instincts et des mœurs. Ils font les mêmes choses, de la même façon, et pourvoient à des besoins pareils par des satisfactions pareilles. Genre de vie, régime alimentaire, industries, moyens d'agression et de défense, modes d'association, tout est commun. Quoique répandue dans des milieux différents, l'espèce conserve une stabilité relative et les siècles passent sur elle sans la trans- former, ou du moins, si des mutations s'effectuent, c'est avec une lenteur si grande que les intervalles de nos chro- nologies n'en peuvent donner la mesure. A l'inverse du monde animal dont les traits ont, dans chaque espèce, une fixité caractéristique, l'espèce humaine se plie aux conditions de vie les plus diverses et développe une puissance indéfinie de variation. La multiplicité des artifices que les hommes mettent en œuvre pour subsister n'est-elle pas surprenante? Quelle fécondité d'invention ! Quelle ingéniosité à se faire des armes et des outils ! Quelle adresse à s'en servir ! Les plus dénués de civilisation exploitent par une cueillette et une quête instinctives les aliments naturels à portée de leur faiblesse. D'autres vivent en déprédateurs du produit de la chasse bu de la pêche. Les pasteurs multiplient en troupeaux des espèces animales réduites à l'état domestique. Les agri- culteurs retirent du sol , fertilisé par la culture, d'inépuisables moissons. Les nations industrielles font subir aux éléments DEFINITION DE L'HISTOIRE 7 de richesse des transformations qui les approprient à toutes sortes de besoins. Sous l'influence de régimes aussi dissem- blables, la manière de vivre des hommes peut étran- gement différer. Frugivores sous l'équateur, ils sont car- nivores dans les régions froides, omnivores dans les zones tempérées. Quelques-uns vont nus, comme les brutes ; la plupart se couvrent de vêtemehts dont la matière varie suivant leurs ressources et la disposition au gré de leur fantaisie. Tandis que les habitants des contrées à climat égal et doux se contentent des moindres abris, partout ailleurs, il a fallu construire des logements, cases de bois, tentes de peaux ou d'étoffes, uploads/Histoire/ bourdeau-l-1888-l-x27-histoire-et-les-historiens-pdf 1 .pdf

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  • Publié le Sep 01, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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