Ecole supérieure d’art et design de Valence (...) CITATION Lotte Arndt, "Corps
Ecole supérieure d’art et design de Valence (...) CITATION Lotte Arndt, "Corps sans repos, voix en errance Moulages raciaux et masques surmodelés dans des collections muséales et des interventions artistiques, en France et en Allemagne", REVUE Asylon(s), N°15, février 2018, Politique du corps (post) colonial, url de référence: http://www.reseau- terra.eu/article1405.html RÉSUMÉ Cet article se concentre sur les corps morts, plus précisément sur les restes humains d’origine coloniale dans les collections ethnographiques et dans les musées d’histoire naturelle en Europe. La question de ces collections sera abordée par le biais de stratégies artistiques à leur égard et d’expositions qui interrogent leur statut dans le présent. Je me concentrerai pour cela sur deux exemples : l’exposition itinérante What we see. Images, sons, représentation. A propos de la critique d’une collection anthropométrique de l’Afrique australe, conçue par la chercheuse allemande Anette Hoffmann et montré au Cap, à Bale, à Vienne, à Osnabrück, à Windhoek et à Berlin, entre 2009 et 2013 ; ainsi que sur le travail que l’artiste néozélandais Luke Willis Thompson a mené au Weltkulturen Museum Frankfurt en 2013 et en 2014. Restless bodies, Wandering voices. Human remains in ethnographic collections of Europe and artistic performances This paper addresses the problematic issues of human remains in ethnographic collections and museums of natural history in the Europe that come from former colonial empires. It focuses on two examples : the travelling exhibition What we see. Images, sons, représentation. A propos de la critique d’une collection anthropométrique de l’Afrique australe of the german researcher Anette Hoffman and shown in the Cap, Bale, Vienna, Osnabrück, Windhoek and Berlin between 2009 and 2013 ; and the work the artist Luke Willis Thompson brought to Weltkulturen Museum Frankfurt in 2013 and 2014. Réseau scientifique de recherche et de publication [TERRA- Quotidien] Accueil > Revue Asylon(s) > Politique du corps (post) colonial > Dossier > Corps sans repos, voix en errance REVUE ASYLON(S) 15| Politique du corps (post) colonial retour au sommaire < 2/10 > Corps sans repos, voix en errance Moulages raciaux et masques surmodelés dans des collections muséales et des interventions artistiques, en France et en Allemagne Lotte Arndt MOTS CLEFS Altérité | Décolonisation | Colonisation | Colonialisme | Exploitation | Domination | Identité | Indigène | Post-colonial | Racisme | Langue - Mots | Droits humains | Dans les collections ethnographiques et dans les musées d’histoire RECUEIL ALEXANDRIES Présentation Collections Asylon(s).Digitales La revue Tous les numéros TERRA-HN-éditions A propos Collection SHS Collection K Collection HNP ENCYCLOPEDIE TERRA Présentation Par catégories RESEAU Equipes Fonctionnement Recherche Débats INDEX Auteurs Matières Terres & peuples Institutions Thèmes naturelle en Europe sont conservés des milliers de restes humains dont l’acquisition a eu lieu en partie en contexte colonial. Leur acquisition s’est faite en grande majorité sans le consentement des personnes sur lesquels ils furent prélevés, souvent dans des situations de pouvoir asymétrique qui incluent le pillage des tombes, le commerce sous contrainte ou les exterminations en masse. Les objectifs de ces collectes n’étaient pas moins problématiques car elles contribuaient à perfectionner les taxonomies fondées sur une conception évolutionniste de l’humanité, l’assomption raciste de différences biologiques et une hiérarchie entre les humains [1]. Les débats autour des restitutions de restes humains d’origine coloniale (et des artefacts pillés) témoignent du poids bien plus que symbolique que leur maintien dans les collections représente aujourd’hui – un prolongement d’une dépossession historique. Comment peut-on aujourd’hui être solidaire de ces corps morts ? En quelle mesure est-ce qu’ils peuvent participer à délégitimer des injustices historiques et actuelles ? Quel rôle peuvent occuper les travaux artistiques à cet égard ? Après l’introduction d’une notion élargie des restes humains, je discuterai ici plusieurs expositions ou interventions artistiques cherchant à rompre avec les modes de monstration et conservation hérités de paradigmes racistes et culturalistes. L’article ayant été écrit à des moments espacés entre 2012 et 2017, il rassemble des exemples dans des musées en France et en Allemagne, et fait état d’un débat en cours. Dans de nombreuses collections médicales et dans celles des muséums d’histoire naturelle sont conservés jusqu’à nos jours des restes de corps humains acquis pour alimenter les études anthropométriques qui ont atteint leur apogée au XIXe siècle. Prenons l’exemple du Musée de l’Homme à Paris qui indique dans la rubrique des « restes humains modernes » de disposer de « plus de 1000 squelettes dont 360 articulés, [ainsi que de] 18 000 crânes [2] » dans ses collections. Ou encore celui de la Charité, hôpital universitaire berlinois qui réunit l’une des plus amples collections de crânes et squelettes humains [3], en partie acquis pendant la période coloniale. En 2010, un projet de recherche a été initié à la Charité afin de retracer la provenance et l’histoire de ces collections, visant à préparer des restitutions futures et un travail critique sur l’histoire de l’institution [4]. Prouver des différences raciales entre les humains cessait d’être la finalité des recherches anthropométriques suite aux déclarations de l’UNESCO en 1950 et 1952 [5] sur la « Question de race » et le racisme [6], déclarations motivées par les crimes national- socialistes. En revanche, les principes scientifiques élaborés dans ce cadre sont loin d’avoir cessé d’être opératoires. Étudier l’histoire des collections anthropométriques conduit au cœur de la formation des sciences modernes, basées sur l’épistémologie positiviste qui inscrit une classification raciale et sociale dans ce qui apparaît comme l’ordre naturel des choses [7]. La chercheuse Waltraud Ernst constate à ce sujet que « l’élévation du discours scientifique au statut d’un composant majeur de la conception occidentale des connaissances a contribué aussi bien au développement des hiérarchies raciales qu’à la création du mythe persistant de la science comme une activité impartiale, pure et sans jugement de valeur, qui serait supérieure à d’autres manières de penser » [8]. J’argumenterai ici le fait que d’accepter les restes humains d’origine coloniale, tels quels, dans les collections des musées et les institutions de recherche maintient la continuité avec les épistémologies qui ont été façonnées à partir de ces restes considérés comme des matériaux scientifiques [9]. Après des décennies de silence, d’oubli et de désarroi à l’égard des collections de restes humains, dans de nombreux pays européens, celles-ci sont devenues le sujet de controverses, initiées notamment par des demandes de restitution. En France, la restitution de la dépouille et des moulages de Sarah Baartman à l’Afrique du Sud en 2002, celle de plusieurs têtes tatouées au musée maori Te papa en Nouvelle Zélande, en janvier 2012, et la restitution du crâne du chef kanak Ataï en 2014 ont donné lieu à des décrets spéciaux pour permettre de les déclassifier. Un grand colloque au sujet des restes humains s’est tenu en 2008 au Musée du Quai Branly. Or, bientôt dix ans après, une législation qui donne un cadre légal et définit une responsabilité juridique demandant un rôle proactif aux institutions détentrices de restes humains tarde à être introduite. En attendant, plusieurs initiatives mettent aujourd’hui en cause le statut quo : la République du Bénin réclame la restitution d’une partie des biens culturels provenant de son territoire [10] ; une initiative menée par l’écrivain et journaliste Brahim Senouci qui s’emploie à contester le maintien dans les collections du Musée de l’Homme de crânes d’Algériens décapités lors de la bataille de Zaatcha en 1849 alors qu’ils résistaient à la colonisation française [11] ; une chercheuse basée à Casablanca enquête sur les crânes de Malgaches décapités dans les collections du Musée d’Histoire naturelle [12] ; et des voix critiques s’élèvent face à l’exposition de moulages raciaux dans la nouvelle exposition permanente du Musée de l’Homme [13]. En Allemagne, l’association Deutscher Museumsbund e.V. a publié en septembre 2013 les Recommandations pour la prise en charge des restes humains dans les musées et les collections [14]. Ce texte, élaboré par un comité scientifique de professionnels des musées, a défini les restes humains comme « all physical remains belonging to the biological species Homo sapiens. They include : all non- processed, processed or preserved forms of human bodies and parts thereof. This covers particular bones, mummies, bog bodies, soft tissues, organs, tissue sections, embryos, foetuses, skin, hair, fingernails and toenails (the last four even if they originate from living people) and cremated remains. And all (ritual) objects into which human remains as defined above have been knowingly incorporated » [15]. On peut considérer ces recommandations comme la première étape d’un processus nécessaire de travail sur ces collections. Toujours est-il que la définition citée ci-dessus est relativement étroite et induit un certain nombre de problèmes : les moulages de corps humains ou de leurs parties, les masques mortuaires, les enregistrements sonores de voix humaines, les photographies anthropométriques, les objets accompagnant les enterrements, etc. en sont exclus. Le texte privilégie une définition physique des restes humains. Privilégiant une conception biologique de l’identité, celle-ci résonne avec la montée en force des analyses basées sur l’ADN afin d’identifier la provenance géographique de personnes. Il n’est pas anodin que ce procédé soit employé pour attester l’identité des migrant.e.s sans papiers dans le but de les expulser, ou encore pour uploads/Histoire/ corps-sans-repos-voix-en-errance-terra-hn.pdf
Documents similaires










-
41
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Oct 31, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
- Taille du fichier 1.9320MB