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1 2 3 4 5 6 7 Presses universitaires de Rennes Éduquer dans et hors l’école | Bruno Garnier, Pierre Kahn Introduction. Institutions et milieux d’éducation (XVIIe-XXe siècle) : concurrences, complémentarités, influences Bruno Garnier et Pierre Kahn p. 7-29 Note de l’éditeur L’ouvrage est issu du colloque organisé les 9-11 octobre 2014 à l’université de Corse Pasquale Paoli par l’Association transdisciplinaire pour les recherches historiques sur l’éducation (ATRHE) et par l’UMR CNRS 6240 LISA (Lieux, eSpaces, Identités, Activités), qui a, en outre, soutenu la publication du présent ouvrage. Texte intégral Les historiens de l’éducation sont bien souvent des historiens de l’école. La consultation des numéros de la revue Histoire de l’éducation suffirait à en attester : si l’on prend les 21 numéros thématiques (c’est-à-dire à l’exception des « varia ») de 2002 à 2014, on s’aperçoit que 19 d’entre eux sont centrés sur un aspect de la vie scolaire et qu’un seul ne la concerne pas du tout2. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette focalisation. La première est l’importance politique de l’école en France depuis la Révolution française. L’éducation est devenue, d’un même mouvement, affaire d’État et affaire d’école3. La construction, tout au long du XIXe siècle, de l’État éducateur tend à minorer l’autonomie des formes non scolaires d’éducation, ce dont le langage même continue de porter la trace : aujourd’hui encore, parler de politiques éducatives revient de fait à parler de politiques scolaires. L’importance de l’école dans l’éducation est donc une réalité historique avant d’être un point de vue d’historien, et le regard de celui-ci ne peut qu’être orienté par les caractéristiques de celle-là. Venant renforcer cette hypothèse, une deuxième explication peut être suggérée. Elle prend appui sur les résultats particulièrement heuristiques de l’histoire de l’éducation scolaire, et notamment sur la construction des concepts de culture scolaire et de forme scolaire. Élaboré par André Chervel dans un article pionnier de 19864, le concept de culture scolaire vise à penser deux choses : 1/l’autoproduction par l’école des savoirs qu’elle enseigne ; 2/l’importance sociale de ces savoirs, qui définissent l’idée même qu’on peut se faire à un moment donné de ce que doit être la culture générale. En d’autres termes, il faut entendre par « culture scolaire » non seulement l’accès aux connaissances produites par l’école mais, plus profondément, sa capacité à définir, selon la célèbre formule de Gréard, ce qu’il n’est pas permis d’ignorer. Quant à la notion de forme scolaire, due aux travaux de Guy Vincent5, elle est de nature à renforcer le tropisme exercé par l’école sur les problématiques éducatives. Elle désigne en effet, au-delà des expressions pédagogiques singulières et historiquement variables qu’elle peut prendre, une forme de socialisation spécifique, liée à un lieu et un temps dédiés à son effectuation, qui correspond au moment « moderne » de l’éducation et dont la structure ne se modifie pas de Jean-Baptiste de la Salle à Jules Ferry. De la sorte, bien que le milieu scolaire ne soit évidemment pas le seul milieu éducatif, il en serait devenu le modèle normatif, au point qu’on peut légitimement se demander si la forme scolaire ne s’est pas aujourd’hui étendue bien au-delà des murs de l’école6. Pourtant, quelle que soit la fécondité des travaux sur l’histoire de l’école et quelle que soit l’importance de celle-ci dans l’histoire moderne de l’éducation, le propos de cet ouvrage est d’adopter une perspective moins scolaro-centrée. Car si la scolarité a constitué depuis le XVIIe siècle une étape de plus en plus ordonnée de la vie des enfants et des jeunes, à côté de l’école et souvent au-delà, ont coexisté et continuent d’exister d’autres formes et d’autres milieux éducatifs. Il faut ici bien sûr mentionner les familles, mais aussi divers acteurs ou instances : religieux ou professionnels, privés ou publics, communautaires ou nationaux, prétendant eux aussi à une efficacité éducative (églises, armée, médecine, monde économique et monde du travail, etc.). On n’oubliera pas non plus l’existence et l’action d’associations aux objectifs et aux arrière-plans pédagogiques, philosophiques et politiques très diversifiés (patronages, œuvres périscolaires, organisations de jeunesse, etc.). Il s’agit donc ici de procéder à l’exploration historique (bien entendu non exhaustive) de situations complexes de coopération et de concurrence entre l’école et ces différents espaces éducatifs, ainsi que des rapports entre l’institution scolaire et les différents environnements culturels des enfants qu’elle scolarise. Autrement dit, parler ici de « l’éducation dans et hors l’école », ce n’est pas être silencieux sur l’école : c’est s’intéresser à diverses façons dont, historiquement, milieux éducatifs scolaires et non scolaires ont pu se rencontrer, s’articuler, s’influencer ou au contraire se démarquer les uns des autres. Les relations entre l’éducation « hors école » et l’éducation « dans l’école » peuvent être envisagées de deux points de vue : celui des acteurs et des institutions d’une part, celui des personnes qui reçoivent l’éducation, les « apprenants », d’autre part. Les deux points de vue s’éclairent mutuellement et ils éclairent la réalité sociale de l’éducation : n’en considérer qu’un, c’est, à coup sûr, passer à côté de la vérité de l’époque considérée. Prenons l’exemple de la nôtre, qui a vu parvenir à un point Ce site utilise des cookies et collecte des informations personnelles vous concernant. Pour plus de précisions, nous vous invitons à consulter notre politique de confidentialité (mise à jour le 25 juin 2018). En poursuivant votre navigation, vous acceptez l'utilisation des cookies. Fermer 8 9 10 11 12 13 14 1. Sortir d’une perspective trop exclusivement centrée sur l’école implique de ne pas se limiter à une histoire contemporaine de l’éducation – dans laquelle l’école occupe en effet une place importante. 2. Il convient aussi, pour les mêmes raisons, de ne pas se limiter à l’espace éducatif national qui fut sans doute, on l’a déjà dit, plus marqué que d’autres pays ou d’autres sociétés par les attentes investies dans l’éducation scolaire. 3. Enfin, ne pas se limiter aux réalités éducatives nationales ne suppose pas seulement d’élargir le cadre de l’investigation vers des perspectives plus internationales, mais aussi à s’intéresser aux formes et instances locales qui n’ont jamais cessé, État éducateur ou pas, de proposer des offres éducatives singulières. jamais atteint auparavant, la montée en puissance de l’institution scolaire, dotée maintenant du statut d’évidence pour assumer la responsabilité majeure de l’instruction de la jeunesse. Or le point de vue des apprenants nous montre plutôt qu’en définitive, la part d’apprentissages non scolaires, qui sont inclus dans la catégorie aujourd’hui désignée sous l’expression d’éducation informelle7, est largement dominante dans la vie sociale, professionnelle ou personnelle d’un individu, aujourd’hui comme hier. Précisément dans les sociétés occidentales hyper-scolarisées, telles que la France actuelle, il suffit de se pencher sur nos activités de tous les jours, à commencer par nos façons de résoudre les multiples problèmes de la vie quotidienne, notamment l’usage d’appareils électriques ou électroniques, l’usage d’une ou plusieurs langues, nos modalités de relation aux autres, nos modes d’adaptation aux activités professionnelles en constante évolution, pour saisir combien toutes ces pratiques sont éloignées des contenus d’enseignement et des modes d’apprentissage auxquels nous ont exposés nos parcours scolaires. De la même façon, il suffit d’identifier toutes les connaissances que nous devons à la lecture de livres, de journaux, de sites internet, pour mesurer notre dette à l’égard des apprentissages qui relèvent de l’éducation informelle, c’est-à-dire non curricularisée, non inscrite dans des cursus, dans des programmes, non fondée sur l’application d’une leçon apprise. Il ne s’agit certes pas de minimiser pour autant l’importance de l’éducation formelle – c’est-à-dire, pour une large part, l’éducation scolaire, mais aussi l’éducation reçue dans toute structure éducative qui emprunte à la forme scolaire ses modes de transmission, de programmation et d’évaluation –, dont le pouvoir de qualification professionnelle et d’insertion sociale n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui, au point devenir, aux yeux de beaucoup d’observateurs, tout à fait exorbitant8. Mais il s’agit de suggérer qu’elle ne constitue, en définitive, qu’une faible partie de ce que nous savons et de ce que nous devrons apprendre, tout au long de notre vie. Ces constats motivent, sous la plume de nombreux auteurs, la métaphore de l’iceberg9, dont la partie émergée, seule étudiée, désigne l’éducation scolaire, et plus largement formelle, et dont la partie immergée, peu étudiée, provient des apprentissages informels10. La perspective historique ouverte dans le présent ouvrage tend à montrer que cette distinction, établie aujourd’hui entre l’éducation formelle et l’éducation informelle pour réhabiliter, en quelque sorte, l’éducation non scolaire et permettre sa reconnaissance dans l’accès à certaines qualifications tout au long de la vie, mérite d’être pensée comme articulation ayant existé depuis fort longtemps, plutôt que comme une opposition récemment apparue et identifiée. Le processus éducatif, aux temps où la forme scolaire était moins dominante qu’aujourd’hui, apparaissait plus nettement redevable aux apprentissages acquis dans des lieux de formation tenus par des Églises, des corporations professionnelles, des mouvements de jeunesse, des courants de pensée plus ou moins organisés, des instances communautaires, des associations, etc. À ces lieux de formation, parfois caractérisés par des emprunts à une forme scolaire d’instruction, le présent ouvrage associe des milieux bien uploads/Histoire/ eduquer-dans-et-hors-l-x27-ecole-introduction-institutions-et-milieux-d-x27-education-xviie-xxe-siecle-concurrences-complementarites-influences-presses-universitaires-de-rennes.pdf

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  • Publié le Jan 24, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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