LA PERCEPTION EN RANCE DU REGNE DE JOSEPH II (1777-1790) L L RANCE RANCE RANCE
LA PERCEPTION EN RANCE DU REGNE DE JOSEPH II (1777-1790) L L RANCE RANCE RANCE DU REGNE DE DU REGNE DE DU REGNE DE J JOSEPH OSEPH OSEPH II II II (1777-1790) (1777-1790) (1777-1790) VOLUME I - 5 - I IN NT TR RO OD DU UC CT TI IO ON N « Les Habsbourg ont été pendant très longtemps les "mal-aimés" des historiens français. Une véritable "légende noire" s’est forgée autour de cette dynastie1 ». L’image obscurcie longtemps renvoyée par les historiens français s’expliquerait par le « vieil antagonisme entre la France et les Habsbourg2 », qui trouve son origine dans le conflit qui opposa ces derniers aux Valois au XVIe siècle – notamment à l’époque de Charles Quint (1519-1556) et de François Ier (1515-1547) – et qui perdure sous des formes diverses jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Cependant, après la guerre, « une certaine sympathie à l’égard de cette dynastie malmenée par l’histoire récente [prend] naissance3 ». Des historiens français se mettent également à porter un regard nouveau sur les Habsbourg et leurs États. Parmi eux, Jacques Droz (1909-1998), qui développe à la Sorbonne, à partir de 1962, les recherches et l’enseignement sur l’Allemagne contemporaine, et Victor- Lucien Tapié (1900-1974) qui se consacre à l’histoire moderne4. Une telle reconsidération de l’histoire des Habsbourg et de leurs territoires marque l’historiographie française jusqu’à nos jours, avec entre autres les successeurs de Droz et de Tapié, et permet de démystifier les antagonismes entre la France et la dynastie habsbourgeoise. Dès lors, il paraît judicieux d’étudier comment les Français des époques précédentes percevaient les membres de la dynastie. ette étude pourrait se révéler particulièrement intéressante, car les Habsbourg et la France ont toujours été ennemis, sauf pendant quelques décennies, lors de rapprochements diplomatiques entre les cours de Vienne et de Versailles. En effet, jusqu’à la guerre de Sept Ans (1756-1763), les Bourbons de France et les Habsbourg d’Autriche se sont 1 Henry BOGDAN, Histoire des Habsbourg : des origines à nos jours, Paris, Perrin, 2002, 426 p. , réed., Perrin, coll. « Tempus », 2005, 426 p., p. 7. 2 Henry BOGDAN, Histoire des Habsbourg : des origines à nos jours, op. cit., p. 8. 3 Henry BOGDAN, p. 9. 4 Ce dernier occupe la chaire d’histoire des pays slaves puis d’histoire moderne à la Sorbonne entre 1949 et 1970. Certains de ses cours ont d’ailleurs été publiés, comme L'Europe centrale et orientale de 1689 à 1796, CDU, « Les cours de Sorbonne », Paris, 1952-1953 (pour la première édition), 4 fasc. Victor-Lucien Tapié est également l’auteur d’ouvrages qui font toujours référence aujourd’hui sur les États des Habsbourg : L'Europe de Marie-Thérèse, du baroque aux Lumières, Paris, 1973, 400 p. et Monarchie et peuples du Danube, Paris, Fayard, coll. « L’histoire sans frontières », 1969, 493 p. C - 6 - toujours affrontés dans les guerres européennes, et il existe en France une longue tradition anti-habsbourgeoise. Les rapprochements tentés dès la fin du règne de Louis XIV (1643- 1715) n’aboutissent qu’après la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), car ni les Français ni Marie-Thérèse (1717-1740-1780) n’étaient vraiment satisfaits de la paix d’Aix-la- Chapelle (octobre-novembre 1748). Le rapprochement entre la France et les Habsbourg se concrétise alors par le traité de Versailles du 1er mai 17565. Après plus de deux siècles de luttes, les maisons de Bourbon et d’Autriche scellent une alliance militaire aux conséquences considérables. En effet, ce que l’on nomme le « retournement des alliances » ne reste pas seulement conjoncturel, étant donné que la politique de rapprochement franco-autrichienne dure jusqu’au début de la Révolution française6. Malgré des vicissitudes7, les intérêts des deux puissances l’emportent et l’alliance est confortée, devenant « un élément essentiel [de leur] système diplomatique8 ». Elle est même renforcée par le mariage du Dauphin, le futur Louis XVI (1774-1793), petit-fils de Louis XV, et de Marie-Antoinette (1755-1793), fille de Marie-Thérèse, le 16 mai 1770. L’alliance franco-autrichienne est donc appelée à durer pendant presque trente ans après la guerre de Sept Ans. Cette période correspond, pour la monarchie autrichienne, au règne du fils de Marie-Thérèse, Joseph II, en tant qu’empereur romain germanique (de 1765 à 1790) et à son règne sur les États des Habsbourg, d’abord en co-régence – sa mère l’associe au gouvernement de ses États – de 1765 à 1780, puis seul de 1780 à 1790. Pour la France, elle correspond à la fin du règne de Louis XV et à celui de Louis XVI, et à la présence, comme femme du Dauphin, puis comme reine de France, d’une archiduchesse d’Autriche. La période se révèle par conséquent particulièrement propice pour étudier l’évolution de l’opinion française au sujet de la dynastie des Habsbourg, et, comme elle coïncide avec le règne de Joseph II, au sujet de celui-ci. Le renversement des alliances, selon les mots de Michel Antoine, « dérouta l’opinion », « les austrophobes, les tenants routiniers de la tradition se récrièrent9 ». En raison de tous ces facteurs, le règne de Joseph II est une des préoccupations de l’opinion française. 5 L’alliance est renforcée par le second traité de Versailles du 1er mai 1757, offensif cette fois, visant à réduire la puissance du roi de Prusse, Frédéric II (1712-1740-1786). 6 C’est le 20 avril 1792 que l’Assemblée nationale déclare la guerre au roi de Bohême et de Hongrie, qui est alors François II (1792-1835). 7 Il est vrai qu’au sortir de la guerre de Sept Ans, Louis XV et Marie-Thérèse ne sont pas complètement satisfaits de leur alliance militaire, et ils n’ont pas forcément les mêmes vues à long terme. « Marie-Thérèse [est] fatiguée de la guerre et déçue de l’alliance française, qui n’avait pas permis de retrouver la Silésie », in Lucien BÉLY, Les relations internationales en Europe (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, PUF, 1992, réed 2001, 731 p., p. 561. 8 Jean BÉRENGER, Joseph II d’Autriche, serviteur de l’État, Fayard, 2007, 623 p.p. 221. 9 Michel ANTOINE, Louis XV, Paris, Fayard, 1989, réed. Hachette littératures, coll. « Pluriel », 1053 p., p. 681. - 7 - u reste, l’exercice du pouvoir par Joseph II ainsi que la personnalité de celui-ci soulèvent des interrogations et comportent des particularités qui les rendent originaux. L’objet de ce mémoire n’est pas de réécrire une histoire du règne de Joseph. Toutefois, certains points essentiels méritent d’être rappelés afin de les conserver à l’esprit tout au long du développement. Fils de Marie-Thérèse et de François de Lorraine (1708-1765)10, l’archiduc Joseph devient empereur et co-régent des États des Habsbourg à la mort de son père, puis règne seul sur ses États à la mort de sa mère. Cette dernière période est appelée Alleinherrschaft par les historiens germanophones. Lorsque Joseph arrive à la tête des États patrimoniaux des Habsbourg en 1780, ceux-ci renferment une population estimée à 22 millions d’habitants11, et se composent de plusieurs territoires autonomes dont le destin est seulement lié par la dynastie qui les gouverne (voir carte ci-après)12. En outre, la diversité et la discontinuité géographique des États de Joseph II sont renforcées par leur diversité ethnique13 et religieuse14. Joseph II doit tenir compte de toutes ces réalités lorsqu’il monte sur le trône impérial et devient co-régent en 1765. Sa propre mère, Marie-Thérèse, a déjà tenté, après les dégâts causés par la guerre de Succession d’Autriche, de renforcer progressivement les liens qui unissent les différentes provinces, par souci de plus grande efficacité. L’Impératrice-Reine fait preuve de beaucoup de prudence et de pragmatisme en la matière et entend ne pas brusquer ses peuples. Joseph II entend lui aussi unifier les territoires de la Monarchie. Toutefois, celui- ci fait fi des particularismes et des traditions de ses États, et veut les considérer comme « un tout15 », prônant la centralisation de l’administration et des organes du pouvoir. Marie- Thérèse est consciente que la Monarchie doit tendre vers l’unification de ses territoires, mais cela ne peut se faire, selon sa conception du pouvoir, en méprisant les privilèges et les particularismes de chaque province, alors que Joseph entend réformer par un vaste 10 Empereur du Saint-Empire romain germanique sous le nom de François Ier (1745-1765). 11 Jean BÉRENGER, Joseph II d’Autriche, serviteur de l’État, op. cit., p. 54. 12 Les « Pays héréditaires » ainsi que le royaume de Bohême et les Pays-Bas autrichiens – ou Pays-Bas méridionaux – appartiennent au Saint-Empire romain germanique. Les Pays héréditaires sont composés de la Haute et de la Basse Autriche et de l’Autriche Intérieure (les régions alpines de Styrie, Carinthie et Carniole) et Antérieure (le Tyrol, le Vorarlberg et quelques possessions en Breisgau et en Souabe). D’autres territoires n’ont jamais fait partie du Saint-Empire, ce sont le royaume de Hongrie, la Transylvanie et le Banat de Temesvar. Parmi les territoires qui n’appartiennent pas au Saint-Empire, les Habsbourg conservent une influence en Italie du Nord et possèdent la Lombardie formée des duchés de Milan et de Mantoue. En outre, le grand-duché de Toscane est dirigé par la branche cadette – donc par le frère de Joseph II, Léopold (1747-1792), duc de Toscane de 1765 à 1790 – et l’épouse uploads/Histoire/ extraits-memoire.pdf
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- Publié le Oct 08, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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