BIBLIOTHÈQUE DE L'ART DÉCORATIF LAMEUBLEMENT FRANÇAIS AU GRAND SIÈCLE PAR JACQU

BIBLIOTHÈQUE DE L'ART DÉCORATIF LAMEUBLEMENT FRANÇAIS AU GRAND SIÈCLE PAR JACQUES BOULENGER OUVRAGE ILLUSTRÉ DE 5 GRAVURES EN COULEUR ET 43 GRAVURES EN NOIR PARIS LES ARTS GRAPHIQUES ÉDITEURS RUE DIDEROT PARIS— VINCENNES I913 AVERTISSEMENT Nous n'avons pas prétendu recommencer ici un travail qui a été très bien fait déjà et ce que l'on trouvera dans les pages qu'on va lire, c'est moins une étude des meubles du XVII' siècle qui sont parvenus jusqu'à nous, qu'un tableau dressé surtout à l'aide des inventaires royaux et privés, de l'ameublement des contemporains de Louis xiii et Louis xiv. Pourtant il est bien probable que les mobiliers que nous décrivons ne sont pas ceux qui emplissaient le plus grand nombre des maisons de France. Rares étaient alors les gens que la fortune favorisait assez pour qu'ils se pussent procurer les œuvres somptueuses de Boulle et des Oppenord ; rares devaient être aussi, comme ils sont en tout temps, ceux qui se souciaient du décor qui les entourait. Même à l'époque où triomphaient le mieux à Versailles le goût de Le Brun et les fragiles merveilles de la marqueterie de cuivre et d'écaillé, c'étaient sans doute des mobiliers de style Louis XIII, massifs, solides, d'un bon usage, que fabriquaient communément les artisans, et j'imagine qu'au début du xviii'' siècle encore les bons bourgeois devaient s'accommoder fort bien de meubles conçus, ou peu s'en faut, à la mode de 1630. Si, néanmoins, nous n'avons tenté ici que l'histoire du mobilier "de luxe " et non celle de ce mobilier " courant," c'est que celui-là seulement témoigne des goûts de l'époque, tandis que l'autre ne trahit que l'indifférence du commun des hommes pour la laideur comme pour la beauté. Qu'il soit donc bien entendu que nous parlerons exclusivement de ce qu'il y a de représentatif dans l'ameublement du xvii' siècle : le style Louis xiv n'a peut-être guère pénétré dans les classes moyennes de notre pays ; ce n'en est pas moins lui qu'a produit, au xvii' siècle, l'effort commun de tous les artistes français. Si nous avions pu indiquer nos références, il nous aurait fallu citer presque à chaque page le Dictionnaire de l'Aimablement de M. Henry Havard, Nous tenons du moins à le mentionner ici. J. B. I. DISTEIBUTIOK DE L'HABITATION—INFLUENCE DE JMME DE RAMBOUILLET—LES PIÈCES n'ont pas encokh d'affectation SPÉCIALE—La cuisine—La chambre à coucher- La RUELLE—L'alcôve—Les paravents—La chambre d'une précieuse—Le cabinet. IL Sous Louis XIV—Les appartements—L'antichambre-La chambre à coucher—Les PARAVEKTS—L'alcôve—Le cabinet—La toilette—Le salon. I t ON n'apprécierait pas comme il faut les meubles du xvii'^ siècle si l'on ne savait imaginer le cadre qu'ils étaient faits pour remplir. Au XVI' siècle, un grand changement s'était produit dans l'habitation. Jusque-là, dans les châteaux, tout s'était trouvé subordonné aux nécessités de la défense. Les architectes du moyen- âge avaient eu pour premier soin de faire des forteresses aussi malaisées à prendre que possible, plutôt que des demeures agréables à habiter, et la distribution intérieure des logements avait toujours été, si j'ose dire, le cadet de leurs soucis. Les habitants du château s'accommodaient comme ils pouvaient dans des chambres de proportions irrégulières et bizarres, mal éclairées par des ouvertures étroites, rarement de plain pied, et où l'on n'avait accès que par des corridors étroits et des escaliers que l'on était forcé de multiplier. Lorsque, par suite des progrès de l'artillerie, il fallut renoncer à l'espoir de construire jamais un château inexpugnable, alors on commença de relâcher beaucoup les précautions qu'on avait prises jusque-là pour la défense au détriment de l'agrément et de la commodité des habitants. Les architectes s'appliquèrent à ordonner leurs façades suivant de belles lignes horizontales ; ils les distribuèrent par étages réguliers qui mirent les planchers des chambres au même niveau ; ils les trouèrent de larges fenêtres qui L'AMEUBLEMENT LOUIS XIV 9 dispensèrent abondamment dans les pièces l'air et le jour ; ils commencèrent même d'avoir souci de la beauté des appartements intérieurs et de les disposer harmonieusement en enfilade. Mais leur principal et presque leur seul objet, c'était cette beauté même, et ils étaient infiniment plus préoccupés de l'effet qu'elle produisait, au dedans et au dehors, que de la commodité de leur bâtisse. Il fallut le triomphe d'une société nouvelle où ce que nous appelons les plaisirs de société commençassent d'être compris, pour qu'on vît le premier effort sérieux vers notre moderne confort. Car on ne se doutait vraiment pas, avant Louis xiii, de ces plaisirs-là. On s'assemblait pour quelque fête, pour un ballet, pour un carrousel, pour le spectacle, mais non point uniquement pour causer. Même on n'imaginait guère que causer pût être un plaisir assez grand pour qu'on se réunît à seule fin de le prendre. Ce sont les Précieuses qui ont, pour ainsi parler, inventé la con- versation et les rapports de société, et il faut leur savoir gré de cette invention grâce à quoi devait s'épanouir pleinement notre esprit français. En 1600, Catherine de Vivonne, vieille de douze printemps, épousait Charles d'Angennes marquis de Rambouillet. Huit ans plus tard, la jeune marquise, dégoûtée de la Cour du Vert-Galant, se retirait dans son hôtel. Car, si Henri iv a beaucoup fait pour la tranquillité et la grandeur de la France, son règne a beaucoup retardé les progrès de la " politesse " chez nous. Sous Louis XIII encore, la Cour des derniers Valois passait pour aussi supérieure en politesse à l'entourage du Roi, qu'aux yeux des contemporains de Charles x les mœurs de l'Ancien Régime passaient pour plus fines et délicates que les leurs ; et, comme on respectait vers 1820 ces vieux émigrés qui paraissaient réunir en eux toutes les grâces de la vieille France, les jeunes seigneurs qui entouraient Anne d'Autriche admiraient M. de Belle- garde, l'ancien mignon d'Henri m, qui avait conservé l'urbanité des dernières années du xvi' siècle. Mme de Rambouillet, dégoûtée de la verdeur militaire et des plaisanteries un peu grosses des compagnons d'Henri iv, renonça donc à fréquenter la Cour. Grâce à ce talent qu'elle avait pour " recevoir," elle sut réunir autour d'elle les gens d'esprit de son temps, créant ainsi ce qu'on nomma la Ville par opposition à la Cour, et ce qui devint au xviii' siècle les " salons." Elle avait d'ailleurs une sorte de vocation pour l'architecture ou plus exactement pour l'aménagement, ce qui est un don précieux lo BIBLIOTHEQUE DE L'ART DÉCORATIF pour une maîtresse de maison. "C'est d'elle," dit Tallemant, " qu'on a appris à mettre les escaliers à côté pour avoir une grande suite de chambres, à exhausser les planchers, et à faire des portes et fenêtres hautes et larges, vis à vis les unes des autres." Toutes ces dispositions, le seul souci de rendre sa demeure plus attrayante les lui inspirait. Mais ses contemporains les copièrent et les reproduisirent dans leurs hôtels, et c'est ainsi que Mme de Rambouillet n'a pas créé que la vie de société : elle en a créé en grande partie le cadre. Certes, les architectes de la Renaissance avaient imaginé bien avant elle de disposer intérieurement les pièces en enfilade ; mais la coutume qu'ils avaient de placer presque invariablement l'escalier principal au centre du bâtiment n'était pas sans nuire beaucoup à la grandeur et à la beauté de ces suites de chambres. Lorsque Mme de Rambouillet eut eu l'idée de reporter le sien à l'un des bouts de son hôtel, les longues enfilades de salles devinrent possibles, et le soin qu'elle prit de faire percer les portes, de manière que les ouvertures se correspondissent, parut si excellent, que Marie de Médicis, quand elle fit bâtir le Luxembourg—la merveille du temps—envoya ses architectes visiter l'hôtel de Rambouillet, ce qui, assure Tallemant, ne leur fut pas inutile. Sous Louis XIII, ces " hôtels " de Paris, dont il reste quelques beaux spécimens aujourd'hui encore, n'étaient pas faits pour éblouir les passants, mais uniquement pour plaire à ceux qui y logeaient et pour l'agrément des visiteurs qu'on y recevait. Aussi celle de leurs façades qui donnait sur la rue était-elle ordinairement la plus sombre et la moins décorée, tandis que les façades de la cour ou du jardin étaient plus curieusement ornées. A l'intérieur, à part la chambre à coucher ou la cuisine, les pièces n'avaient pas d'affectation spéciale ; il n'y avait pas comme aujourd'hui le "salon," la "salle à manger," le "cabinet de toilette," etc. C'était une suite de salles sans destination bien définie, et le seigneur du logis faisait dresser sa table à dîner ou disposer sa toilette tantôt dans l'une et tantôt dans l'autre, selon sa fantaisie, ou plutôt selon la température, car c'était un difficile problème, à cette époque, que d'assurer la chaleur intérieure de l'habitation, et l'on se tenait ordinairement dans la chambre où il y avait du feu, c'est-à-dire dans la chambre à coucher. C'était vraiment la pièce principale de la maison et elle jouait le rôle le plus important chez les princes comme chez les simples particuliers. Dans la moyenne bourgeoisie, il arrivait souvent L'AMEUBLEMENT LOUIS XIV ii que la pièce où l'on uploads/Histoire/ french-l-x27-ameublement-francais-au-grande-siecle.pdf

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  • Publié le Mai 23, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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