Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 1 Christian GI
Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 1 Christian GILLON Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) Université de Cergy-Pontoise HISTOIRE ET CIVILISATION Thèse de doctorat en Histoire médiévale, préparée sous la direction de Mme Valérie Toureille, Maître de conférences Habilitée à Diriger des Recherches Soutenue le 29 septembre 2017 Président du jury : Bruno LEMESLE Années universitaires 2013-2017 Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 2 Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 3 Remerciements A l’instant de rédiger ces dernières lignes qui vont clôturer quatre années de doctorat, et de remercier ainsi tous ceux qui m’ont soutenu, en particulier dans les périodes de doute et de découragement, je m’aperçois avec effroi qu’ils sont bien trop nombreux et qu’en en citant quelques-uns, je serais bien trop injuste envers tous les autres. Aussi, me semble-t-il opportun de n’évoquer aucun nom en particulier mais de dire à tous, parents, amis, professeurs, compagnons d’étude, bibliothécaires, archivistes, auteurs historiens, romanciers ou poètes, ceux qui m’ont donné le goût de la rigueur nécessaire pour écrire l’Histoire, mais aussi ceux qui ont noirci le Moyen Âge comme ceux qui l’ont sublimé et qui m’ont donné l’envie de fouiller les sources pour tenter d’établir la vérité ou tout au moins une part de celle-ci : Un grand merci à tous. Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 4 Sommaire Introduction ...................................................................................................................... 5 Première partie : Cerner l’étudiant dans son environnement ........................................... 24 I- Les universités médiévales .............................................................................................. 27 II- L’étudiant dans la ville universitaire ................................................................................. 46 III- Des privilèges obtenus de haute lutte .......................................................................... 76 Deuxième partie : Spécificités et permanences de la délinquance étudiante ..................... 98 I- Les homicides : volontaires ou involontaires ? .................................................................. 99 II- Le vol et ses multiples facettes ....................................................................................... 136 III- Quand clerc rime avec faussaire .................................................................................. 154 IV- Les étudiants et les femmes ........................................................................................ 179 V- Autres dérives ................................................................................................................ 200 Troisième partie : Tentative de prosopographie ............................................................. 217 I- Caractéristiques des étudiants délinquants ..................................................................... 218 II- Causes et circonstances des délits ................................................................................... 239 III- Trois hommes, trois parcours ...................................................................................... 251 Quatrième partie : Quelle justice pour quelle délinquance ? ........................................... 265 I- Les nombreuses juridictions ........................................................................................... 266 II- Entre rigueur et tolérance ............................................................................................... 282 III- Les hommes et les « outils » de la justice .................................................................... 293 Conclusion ..................................................................................................................... 308 Annexes ......................................................................................................................... 311 Sources et bibliographie détaillées ................................................................................. 333 Table des illustrations .................................................................................................... 353 Table des matières ......................................................................................................... 354 Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 5 Introduction 1. Le choix du sujet En 1884, Augustin Challamel fut probablement l’un des premiers historiens à s’intéresser au monde universitaire médiéval. Dans ses Récits d’autrefois1, il nous contait la vie de trois étudiants parisiens. L’un d’eux, nommé Topias, très pauvre, put bénéficier d’un logis et de repas au collège de Montaigu et il suivit les enseignements de ses professeurs avec assiduité et l’envie de réussir, ce qui le conduisit à devenir d’abord chancelier de l’université de Paris puis conseiller du roi Charles VII. Le deuxième, Radès, porté très jeune vers le mysticisme, envisagea assez tôt une vie d’ecclésiastique. Lui aussi étudia brillamment à la faculté des arts d’abord puis à celle de théologie. Il devînt prêtre de l’église Saint-Julien-le-Pauvre avant d’être nommé évêque. Le dernier enfin, un certain Martin Féru, issu d’un milieu aisé, et habitué à la vie facile, vint à Paris de sa province natale où il s’ennuyait, pour s’amuser plus que pour apprendre. Il fréquenta les tavernes de la rive gauche plus que les écoles de la rue du Fouarre, et passa plus de temps à chercher des noises aux marchands de la ville et aux hommes du prévôt, qu’à se plonger dans la lecture de la Bible. Bagarreur, il eut plusieurs démêlés avec la justice mais s’en tira toujours, jusqu’à ce qu’un jour, au cours d’une des nombreuses rixes auxquelles il participait régulièrement, il fut mortellement blessé par un de ses anciens camarades. Même si nous pouvons supposer que ce récit, écrit peu après la promulgation des lois Ferry de la Troisième République, présente un caractère politique et tend en tous cas à démontrer que l’accès à l’école pour tous était une nécessité puisque ce sont les deux étudiants issus des milieux les plus défavorisés qui y réussissent le mieux, il présente l’avantage de nous montrer divers aspects de la vie étudiante parisienne au Moyen Âge, et une certaine réalité, tronquée et orientée certes, celle de la voie de la délinquance que prirent certains. Mais Challamel, qui était une sorte de précurseur en matière d’histoire sociale, n’eut guère de disciples ni de successeurs immédiats, puisque ce n’est que depuis les années 1950, que des historiens se sont à nouveau intéressés aux universités médiévales et à leur 1 Challamel Augustin, « Les étudiants au Moyen Âge », Récits d’autrefois. Paris, Delagrave, 1884, p. 93-187 Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 6 environnement : Stelling-Michaud2 en Suisse, Jacques le Goff puis Jacques Verger en France ou encore A.I. Pini en Italie. C’est ainsi que la vie dans les différents centres, les programmes scolaires, les réjouissances, le rôle de l’Université dans la ville et dans le royaume, sont autant de thèmes parmi d’autres qui ont fait l’objet de recherches sérieuses et de conclusions pertinentes même si, dans un certain nombre de cas, nous n’en sommes encore qu’au stade du débroussaillage et que de multiples pistes restent encore à explorer. Parmi tous les sujets abordés, il en est un qui, me semble-t-il, mérite bien des approfondissements, celui de la dérive de certains étudiants vers la délinquance, vers la marginalisation dans une institution qui se voulait avant tout rassembleuse et dont ils se sont exclus soudainement ou progressivement, par volonté, par inconscience ou par accident. Si les fêtes nombreuses, les chahuts, voire une incontestable violence, ont été abordés, c’est dans le cadre d’une certaine « normalité », à l’intérieur d’une société elle-même violente, les « escoliers » n’étant, de par leur jeunesse, qu’un peu plus dissipés, un peu plus tapageurs peut-être que le reste de la population. Violence normale donc puisque, selon certains, perdurant encore aujourd’hui comme l’incite à le croire un titre d’ouvrage comme « Huit siècles de violence au Quartier Latin »3. Nous ne pouvons cependant pas aborder ce thème avec notre conception contemporaine qui, comme l’a bien exprimé Claude Gauvard, repose sur le postulat selon lequel « la vie humaine doit être sauvegardée à tout prix »4. Les hommes et les femmes du Moyen Âge avaient un tout autre regard et ce, quelle que soit leur appartenance sociale, pauvres ou riches, paysans, nobles ou bourgeois. Ils privilégiaient avant tout l’honneur, la réputation, et ils pouvaient, de ce fait, utiliser la violence pour en assurer la sauvegarde. Le rapport à la mort n’était pas du tout le même qu’aujourd’hui et il était sans doute plus grave pour une famille de ne pas avoir baptisé son enfant que de le voir mourir. Cela peut expliquer, par exemple, que l’homicide commis dans certaines conditions, pouvait faire l’objet de pardon, alors que le vol, considéré comme une trahison de la confiance, était passible de peines qui nous paraissent disproportionnées aujourd’hui. Nous tenterons donc en 2 Stelling-Michaud Sven, L’Université de Bologne et la pénétration des droits romain et canonique en Suisse aux XIIIe et XIVe siècles, Genève, E. Droz, 1955 3 Coutin André, Huit siècles de violence au Quartier latin, Paris, Stock, 1969 4 Gauvard Claude, Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris, Picard, 2005, p. 12 Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) 7 permanence de garder cela à l’esprit, en essayant de décrire les faits, de les analyser, mais toujours en nous interdisant de les juger. Le thème de la marginalité des étudiants n’a été envisagé qu’au travers de rares cas particuliers et aujourd’hui très connus, comme par exemple les diverses biographies de François Villon et de son image de poète maudit qui fut d’abord un étudiant de l’université de Paris, avant de dériver vers la délinquance. Ainsi, dans son étude sur les marginaux parisiens5, Bronislaw Geremek étaye le chapitre qu’il consacre aux étudiants en s’appuyant sur le cas du célèbre poète du milieu du XVe siècle. Je reprendrai donc à mon compte sa citation : « il est une catégorie, parmi les écoliers du Moyen Âge, qui prend la voie du crime […]. Elle y est poussée par la pauvreté, la soif de l’argent, la fréquentation d’individus qui vivent déjà en dehors de la société, par les rencontres d’auberge ou de maisons closes, les voyages à la maison ou vers un autre centre d’études, effectués en compagnie de vagabonds »6, en recherchant d’autres exemples afin d’approfondir un sujet qui concerne l’histoire bien sûr, mais aussi d’autres sciences humaines telles la sociologie ou le droit en particulier. Il n’est évidemment pas question de généraliser, de donner, à l’occasion des quelques cas rencontrés, une image de la réalité ne correspondant pas à ce qu’étaient, dans leur immense uploads/Histoire/ gillon-2017-archivage-pdf.pdf
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- Publié le Mar 06, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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