La grammaire du français au XVIe siècle Nous avons retenu cinq ouvrages qui fon

La grammaire du français au XVIe siècle Nous avons retenu cinq ouvrages qui font date dans l’histoire de la grammaire française pour le XVIe siècle. Le premier, Lesclarcissement de la langue francoyse, paraît en 1530 et est écrit par un Anglais, John Palsgrave. L’auteur propose un énorme traité (plus de 1000 pages) sur le français. Le public auquel est destiné cet ouvrage est anglophone et cultivé. Il faut se rappeler qu’à l’époque, les classes sociales supérieures de l’Angleterre parlent français ou s’y intéressent très fortement. La Grammatica latino-gallica, de Jacques Dubois (dit Iacobus Sylvius), paraît en 1531. Elle est écrite en latin, parce qu’il s’agit de la langue commune et cultivée de l’époque, mais aussi parce que l’auteur désire toucher un large public, tant français qu’étranger. Sylvius a pour objectif de fonder les bases de la langue française, de lui conférer des règles. Anatomiste enseignant à la Faculté de médecine de Paris, il veut fournir à cette langue des outils pour qu’il soit désormais possible de traduire des ouvrages scientifiques en français, notamment les ouvrages de médecine. Quant aux autres grammaires que nous avons retenues comme références pour le XVIe siècle, elles ont été écrites en français : Louis Meigret (1550), Le tretté de grammere françoeze ; Robert et Henri Estienne (1569), Traicté de la gramaire Francoise ; Pierre de la Ramée, dit Ramus (1572), Grammaire. Les difficultés rencontrées au XVIe siècle De manière générale, le XVIe siècle adopte le modèle des grammaires latines (surtout l’Ars Donati grammatici, de Donat, IVe siècle), tout en l’adaptant. Sans dresser la liste des problèmes théoriques que tentent de résoudre les grammairiens de l’époque, nous examinerons le cas le plus saillant : la répartition des mots en parties du discours. Avant de poursuivre, nous voudrions signaler que nous utilisons ici les termes de l’époque lorsque nous faisons référence aux notions présentées par ces grammaires. C’est ainsi que nous parlons d’article et non de déterminant ; de partie du discours et non de classes de mots. Dans le tableau 1, qui présente ce classement selon l’héritage latin et selon les grammairiens du XVIe siècle, on constate des différences majeures par rapport aux catégories modernes : le statut de l’article est encore vacillant, l’adjectif est absent de la liste et le participe est considéré comme une partie du discours à part entière. Tableau 1 Les « parties du discours » au XVIe siècle (ordre de présentation quelque peu variable selon les grammaires) Héritage latin Palsgrave (1530) Estienne (1569) Sylvius (1531) Estienne (1569) Ramus (1572) 1. Nom (nomen) 2. Pronom (pronomen) 3. Verbe (uerbum) 4. Participe (participium) 5. Adverbe (aduerbium) 6. Conjonction (coniunctio) 7. Préposition (præpositio) 8. Interjection (interiectio) 9. Interjection 1. Article 2. Nom 3. Pronom 4. Verbe 5. Participe 6. Adverbe 7. Conjonction 8. Préposition 1. Nom 2. Pronom 3. Verbe 4. Participe 5. Adverbe 6. Conjonction 7. Préposition 8. Interjection L’article, si petit et si problématique La liste des parties du discours dans les grammaires latines ne contenait pas l’article. Ce fut un problème qu’éprouva la réflexion grammaticale au Moyen Âge, et auquel se heurtait encore la réflexion au XVIe siècle. Parmi les auteurs que nous avons retenus, seuls Palsgrave et Estienne reconnaissent à l’article le statut de partie du discours. Les autres grammairiens n’en font pas une partie du discours à part entière. Ils le traitent comme une particule qui accompagne le nom et ne l’abordent donc que dans cette catégorie. Cependant, lorsque l’on se penche sur ce que les grammairiens de l’époque désignent par article ou sur ce qu’ils font de ce que nous appelons aujourd’hui des déterminants, on ne peut, en tant que lecteur moderne, qu’être surpris. Pour certains auteurs, comme Sylvius et Estienne, l’article prend des formes très variées (exemples d’époque reproduits dans leur orthographe originale) : le maistre, de maistre, du maistre, au maistre, a maistre, de maistre, o maistre, etc. Par contre, pour Palsgrave, Meigret et Ramus, une bonne partie de ces cas (du, des et aux – en fait, les déterminants contractés actuels) sont des prépositions s’utilisant directement devant un nom, qui est alors dépourvu d’article. Mais où est donc l’adjectif ? On a beau chercher dans la liste des parties du discours que proposent les grammaires du XVIe siècle, l’adjectif n’y figure pas. En fait, il est inclus dans la section consacrée aux noms. Cette classe, très vaste à l’époque, englobe les noms substantifs et les noms adjectifs. Les premiers correspondent à nos noms modernes. Ils sont à leur tour subdivisés en noms propres et communs. Les seconds correspondent à nos adjectifs (voir la figure 6). Division des noms Il y a deux sortes de noms : les uns sont appelés substantifs, desquels la signification est entendue sans qu’autres mots leur soient adjoints, comme pain, terre, et font un sens parfait avec l’adjectif, comme pain blanc, terre noire. Les adjectifs sont les mots qui se mettent avec les substantifs pour déclarer leur qualité ou quantité, et ne se mettent point proprement sans substantif ou autrement on ne saurait à quoi servirait ledit adjectif comme en disant blanc tu ne est alors dépourvu d’article. Mais où est donc l’adjectif ? On a beau chercher dans la liste des parties du discours que proposent les grammaires du XVIe siècle, l’adjectif n’y figure pas. En fait, il est inclus dans la section consacrée aux noms. Cette classe, très vaste à l’époque, englobe les noms substantifs et les noms adjectifs. Les premiers correspondent à nos noms modernes. Ils sont à leur tour subdivisés en noms propres et communs. Les seconds correspondent à nos adjectifs (voir la figure 6). Division des noms Il y a deux sortes de noms : les uns sont appelés substantifs, desquels la signification est entendue sans qu’autres mots leur soient adjoints, comme pain, terre, et font un sens parfait avec l’adjectif, comme pain blanc, terre noire. Les adjectifs sont les mots qui se mettent avec les substantifs pour déclarer leur qualité ou quantité, et ne se mettent point proprement sans substantif ou autrement on ne saurait à quoi servirait ledit adjectif, comme en disant blanc, tu ne peux rien entendre si tu n’adjoins quelque substantif, comme disant pain blanc, terre noire, terre grasse, bon homme, homme juste, mauvaise personne, grand personnage, grand larron, vin excellent, homme prudent, riche, pauvre, et ainsi des autres. Figure 6 Les adjectifs – Estienne (1569), Traicté De la grammaire Francoise, p. 15 Leurs pronoms et les nôtres Pour un lecteur moderne, l’analyse des pronoms est, elle aussi, plutôt surprenante. La logique de classement repose essentiellement sur le principe selon lequel les pronoms « dénot[e]nt toujours quelque certaine personne » (Estienne, 1569, p. 24). La liste contient ainsi les pronoms de base, dits primitifs, qui représentent la première, la deuxième et la troisième personnes de la conjugaison (je, tu, il, elle, etc.), mais également tout mot formé sur ces personnes. Dès lors, les déterminants possessifs modernes (mon, ton, son, etc.) font partie à l’époque des pronoms, puisque leur mode de formation repose entre autres sur la notion de personne à laquelle ils font référence (figure 7). Or sont dérivés de la première personne, mon, ma, de moi, ou me, et mien, mienne ; et de nous, nos, notre. Et de la seconde personne tu, ou toi, ou te : ton, ta, tien ; et de vous, son pluriel : vos, votre. Reste le réciproque soi, qui fait son, sa, sien : lesquels tous sont possessifs. Figure 7 Les pronoms – Meigret (1550), Le tretté de grammere françoeze, p. 68 Ce raisonnement permet d’inclure les formes cestuy cy (celui-ci) et cestuy la (celui-là), qui font aussi référence à la personne à qui l’on parle. Dans la foulée, les auteurs incluent les déterminants démonstratifs ce, cest et ceste. Les pronoms relatifs sont assujettis à la même analyse ; c’est le cas chez Estienne, 1569 (figure 8). Il a été de besoin, pour éviter cette manière de répétition de noms, inventer ces relatifs tant des noms que même des pronoms, comme qui. Car autrement au lieu de dire, Tu es celui qui me plais, il nous eût fallu dire Tu es celui tu me plais et Qui est relatif de Tu. Figure 8 Les pronoms – Estienne (1569), Traicté De la grammaire Francoise, p. 25 De l’importance du participe Le participe occupe une position importante dans les grammaires du XVIe siècle. Il participe du verbe et du nom adjectif, et occupe, à ce titre, une position à part entière dans la liste des parties du discours (figure 9). Figure 9 Le participe – Palsgrave (1530, édition de 1852), Lesclarcissement de la langue francoyse, p. 134 Les grammairiens ne lui accordent cependant pas encore beaucoup d’espace et passent rapidement sur la description de son comportement. Ramus (1572) fait exception. Il est le seul à traiter plus longuement de l’accord du « participe passif » (aimé, par exemple) et à insister sur le fait « Que le terme qui va devant / Volontiers régit le suivant » (Ramus citant Marot, p. 180-181). Nous assistons ici à la uploads/Histoire/ grammaire-xvie-siecle.pdf

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  • Publié le Mai 13, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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