LES GRAMMAIRES DE LA MODERNITÉ Notices bibliographiques autour de trois débats
LES GRAMMAIRES DE LA MODERNITÉ Notices bibliographiques autour de trois débats essentiels Nicolas Duvoux Vrin | « Le Philosophoire » 2005/2 n° 25 | pages 135 à 152 ISSN 1283-7091 ISBN 9782353380268 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.inforevue-le-philosophoire-2005-2-page-135.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Vrin. © Vrin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Cependant nous avons remarqué dans un second temps que l’aporie à laquelle s’était heurtée une telle démarche ne laissait pas derrière elle un champ de ruines au sein duquel absolument aucune forme ne se laissait discerner. Dans ce contexte, plutôt que de se contenter de rendre compte de thèses en vigueur sur la modernité, il nous a semblé préférable d’opérer des coupes bibliographiques de façon à mettre en relief les débats qui sont, selon nous, actuellement les plus tranchants sur cette question. S’ils ont leur cohérence propre et si tous renvoient à une tentative d’élucidation d’un processus dont nous pressentons l’unité, reste qu’aucune synthèse de tous les apports de ces débats divers ne peut être faite. Ceci nous apporte d’ailleurs déjà des indications sur la modernité elle-même en tant qu’objet philosophique ayant prétention à s’élever au concept. « Indextricablement mythe et réalité », la modernité n’est pas « un concept d’analyse » mais « demeure une notion confuse, qui connote globalement toute une évolution historique et un changement de mentalité »1. Comme l’a montré Henri Meschonnic « il n’y a pas de sens unique de la modernité », et ce tout simplement « parce que la modernité est elle-même une quête de sens »2. On peut même voir un dernier indice dans cet échec à faire une bibliographie en bonne et due forme de la modernité : la pluralité des registres dans lesquels se dit la modernité peut en effet elle-même être interprétée comme un symptôme de la crise de la modernité. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 88.213.255.171 - 11/10/2019 12:19 - © Vrin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 88.213.255.171 - 11/10/2019 12:19 - © Vrin 136 La Modernité C’est donc pour cette raison de fond, mais aussi pour des raisons plus contingentes liées à nos propres intérêts de recherche que nous avons décidé d’articuler cette notice bibliographique autour de trois débats. Le premier débat porte sur l’interprétation de la modernité qui se déploie autour de la querelle de la sécularisation, un débat dont l’origine intellectuelle remonte à Hegel et qui traverse l’histoire intellectuelle allemande jusqu’à l’ouvrage de Blumenberg3. Le second débat porte sur ce que nous appelons un malaise dans la post-modernité : par ce titre nous unifions les trois recensions d’ouvrages de Lyotard, Rorty et Taylor parce qu’ils portent selon nous une même interrogation, voire une même inquiétude sur la dimension du devenir de l’homme en tant qu’être moral dans un monde sorti de ce qu’Habermas a nommé « le discours philosophique de la modernité ». Enfin, nous ferons référence à un débat plus centré sur des analyses de philosophie sociale ou de sociologie dans lequel les ouvrages associés aux noms d’Ulrich Beck, d’Anthony Giddens d’un côté et de Peter Wagner de l’autre ressortent par leur capacité à dégager les axes structurants de la configuration actuelle de la modernité. Malgré leurs ancrages respectifs dans des traditions intellectuelles déterminées, ces débats traversent les frontières nationales et disciplinaires et offrent des ressources pour établir des ponts entre sciences sociales et philosophie. Reste que malgré la différence des plans sur lesquels ils se déploient et la diversité des grammaires dont ils usent pour penser la « modernité », ces débats peuvent être articulés les uns aux autres de façon cohérente, mais non systématique. Nous proposons simplement de tirer un fil entre les différentes grammaires de la modernité, sans renier la part de subjectivité irréductible à ce type exercice, mais sans penser non plus qu’il soit dépourvu de toute objectivité dans la manière dont il articule des pensées aux thèmes et aux préoccupations extrêmement hétérogènes. Puissent nos lecteurs, quels que soient leurs intérêts spécifiques et les disciplines dans lesquelles ils mènent leurs recherches, trouver dans cette modeste notice des ressources propres à décentrer le regard qu’ils ont coutume de porter sur ce dont ils sont les fils : la modernité. Puissent-ils aussi à travers la sécheresse de ces quelques notices bibliographiques, lire les controverses et oppositions qui lient entre elles les thèses en présence. Une clarification sémantique préalable Jürgen Habermas, le Discours philosophique de la modernité, Paris, Gallimard, 1988 Dans cet ouvrage, Jürgen Habermas a dégagé le sens du terme « Moderne » en procédant à sa généalogie. Ce serait à la fin du Ve siècle que le terme « moderne » aurait été utilisé pour la première fois. Il s’agissait alors de Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 88.213.255.171 - 11/10/2019 12:19 - © Vrin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 88.213.255.171 - 11/10/2019 12:19 - © Vrin 137 La grammaires de la modernité marquer une rupture entre le passé romain et païen ramené au statut d’Antiquité et un présent chrétien qui venait d’accéder à la reconnaissance officielle. A cet endroit, Jürgen Habermas attire notre attention sur le fait que le concept de « Moderne » doit être différencié du concept de Temps Modernes : « “Moderne”, on pensait aussi l’être du temps de Charlemagne, au XIIème siècle et à l’époque des Lumières – c’est-à-dire à chaque fois qu’un rapport renouvelé à l’Antiquité a fait naître en Europe la conscience d’une époque nouvelle »4. D’autre part, « le concept profane de temps modernes exprime la conviction que l’avenir a déjà commencé : il désigne l’époque, qui vit en fonction de l’avenir, qui s’est ouverte au nouveau qui vient. (…) Ce n’est qu’au cours du XVIIIème siècle que le seuil historique se situant autour de 1500 a été, en effet, rétrospectivement perçu comme un renouveau »5. De façon somme toute très classique, l’auteur attribue à trois événements l’entrée dans le monde moderne : la découverte du nouveau monde, la renaissance et la Réforme. C’est ainsi au XVIIIème siècle que la conscience a été prise d’une rupture ayant eu lieu autour du XVème siècle. Cela n’a rien d’étonnant car c’est à cette période que la modernité est devenue un état d’esprit : « (…) C’est seulement avec les idéaux de perfection prônés par les Lumières françaises, avec l’idée, inspirée par la science moderne, d’un progrès indéfini de la connaissance et d’une progression vers une société meilleure et plus morale que le regard échappa progressivement à l’envoûtement qu’avaient exercé sur chacune des époques modernes successives les œuvres de l’Antiquité »6. C’est donc au cours du XVIIIème siècle que s’opère la rupture avec la révérence au passé et aux œuvres de l’Antiquité. C’est dans ce moment historique que la modernité opère une prise de conscience de son projet historique propre. Et ce, même si, selon Jürgen Habermas, l’adjectif « moderne » ne se substantivise que « très tard dans les langues européennes des temps modernes – à peu près depuis le milieu du XIXème siècle – et là encore, dans le domaine des beaux-arts ». Ceci n’est pas contradictoire avec cela car si c’est au XIXème siècle que la modernité esthétique s’autoproclame, « le processus de rupture avec le modèle de l’art antique est inauguré au début du XVIIIème siècle par la célèbre « Querelle des Anciens et des Modernes ». Le parti des Modernes se révolte contre l’idée que le classicisme français se fait de lui-même en assimilant le concept aristotélicien de perfection à celui de progrès, tel qu’il avait été assimilé par la science moderne »7. Pour synthétiser l’acquis de cet ouvrage relatif à la généalogie du terme moderne par différence avec ceux de « temps modernes » et de « projet moderne », nous pouvons considérer que « l’itinéraire terminologique du Moderne recouvre une grande durée historique et connote grosso modo le sentiment d’une rupture avec le passé. (…) Les temps modernes uploads/Histoire/ grammaires-de-la-modernite.pdf
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- Publié le Jul 09, 2021
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