Histoire de la coopération France – Algérie depuis l’indépendance Jacques Chira

Histoire de la coopération France – Algérie depuis l’indépendance Jacques Chirac, en visite officielle à Alger le 3 mars 2003 prononce un discours devant le Parlement algérien : « Après l'Indépendance, des hommes de vision ont montré le seul chemin, celui de la réconciliation, du développement, de l'avenir. Malgré les obstacles et les hésitations, la coopération entre nos deux pays est devenue petit à petit une réalité. Le temps de l'Indépendance ne fut jamais celui de la rupture1 ». Après 132 ans de colonisation et au sortir d’une guerre de huit ans, Alger et Paris avaient fait, en 1962, le choix de la coopération afin de maintenir les liens les unissant. La coopération peut se définir comme une collaboration visant à participer à une œuvre commune en maintenant des liens entre deux Etats. Ce terme fait référence à un système de coopération internationale défini par une politique d’aide économique, technique et financière d’un pays dit « développé » en faveur de pays « en développement ». Entre la France et l’Algérie, cette coopération a connu trois grandes périodes – marquée par un volontarisme dans l’immédiat après-guerre d’indépendance, par un refroidissement lors de la décennie noire suivi d’une embellie au début des années 2000 – et se trouve aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle phase à écrire. La coopération : un choix politique Les accords d’Evian du 18 mars 1962, signés entre la République française du président Charles de Gaulle et l’exécutif provisoire algérien incarné par Krim Belkacem2, scellent la fin de la guerre en mettant en place un cessez-le-feu. En vue de l’indépendance algérienne – obtenue le 6 juillet 1962 – ces accords institutionnalisent la coopération entre les deux pays et garantissent une aide au développement de la France envers l’Algérie3. La nature 1 Discours de Jacques Chirac le 3 mars 2003 à Alger. 2 Chef historique de la guerre d’indépendance et vice-président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) 3 Chapitre II des Déclarations gouvernementales du 19 mars 1961 relatives à l’Algérie, Accords d’Evian, 18 mars 1962. de ces accords est à la fois intéressante et ambivalente. En effet, dans un même traité, ils mettent un terme au conflit et définissent la future relation franco-algérienne. L’idée d’une coopération destinée à maintenir des liens entre les deux pays correspond à la vision partagée par les deux dirigeants. Ce choix politique permet alors à la France de jouir d’une image positive à travers le monde. Elle incarne alors le pays qui accorde le plus de moyens à sa politique de coopération. Un partenariat renforcé avec son ancien adversaire apparaît également comme une réponse au désarroi des Français déjà meurtris par la défaite de juin 1940. Le peuple français, porté par son président, se veut de nouveau grand et cette grandeur s’illustre par le fait que la France sait se relever après des événements douloureux. Elle prouve ainsi sa capacité à s’allier avec ceux qui ont été autrefois ses ennemis comme elle l’a déjà démontré en prenant part à la construction européenne incarnée par le couple franco-allemand. Une raison stratégique pousse également le général de Gaulle à vouloir maintenir son influence et sa proximité avec l’Algérie. En effet, le vaste territoire algérien, presque quatre fois plus grand que la France avec ses 1 200 kilomètres de côtes proches de l’Europe de l’Ouest, occupe une place privilégiée en Méditerranée. Il était donc important de ne pas laisser livré à lui-même un pays tenté par le socialisme aussi proche géographiquement de la France, le risque d’un rapprochement avec l’URSS représentant une menace insupportable pour Paris. Cette position est confirmée par Jean de Broglie, Secrétaire d’Etat chargé aux Affaires algériennes de 1962 à 1966, qui estime qu’ « il y aurait danger à laisser l’Algérie se débattre au carrefour de toutes les tentations à deux heures d’avion de la métropole ». A l’heure où se construisent les relations bilatérales de la France avec ses anciennes colonies, l’Algérie, bénéficie grâce aux accords d’Evian, d’« une aide financière privilégiée », initialement prévue pour une période transitoire de trois ans, de juillet 1962 à juillet 1965. A l’issue de cette période, l’aide économique perçue par l’Algérie demeure très importante atteignant les 2 654 millions de nouveaux francs. Une coopération utile à la France Les accords prévoient notamment le maintien d’unités de l’armée française sur le territoire algérien, malgré la fin des hostilités, dans le but premier de protéger les ressortissants français. En contrepartie, l’Etat algérien jouit d’une compensation financière. Philippe Rebeyrol, diplomate en poste à Alger depuis 1962 et conseiller chargé de la coopération culturelle (puis technique à partir de 1963) dit : « Nous accomplissons une tâche qui ne sert pas seulement l’Algérie mais qui commande le maintien et le développement de notre présence dans une région cruciale pour notre pays ». En effet, si la coopération répond aux attentes et aux demandes des autorités algériennes, elle sert également la défense des intérêts de la France, qu’ils soient économiques ou culturels. Parmi les avantages conservés par la France, figurent les accès à la base de Mers-el-Kébir et du Sahara « utile » dans le dessein d’y effectuer des essais relatifs à la bombe atomique - l’expérimentation y a débuté en 1960. De plus, à la fin de la colonisation française, la découverte du pétrole et du gaz algériens s’est avérée stratégique en ce début des Trente Glorieuses. La coopération fait ainsi bénéficier à la France d’une source d’énergie à la fois indispensable et bon marché. Le rôle clé des coopérants La France s’engage à mettre à la disposition de l’Etat algérien les moyens nécessaires afin qu’il puisse développer l’enseignement, la recherche scientifique et la formation professionnelle. En complément des moyens financiers, elle envoie des coopérants dans des domaines divers. Cette aide permet à Alger de bénéficier d’un transfert essentiel de compétences piloté par le Secrétariat aux Affaires algériennes. Ce dernier met en œuvre la politique de coopération instaurée par les accords d’Evian et définit un modèle de coopération fondé sur l’expatriation des coopérants. Les idées de coopération avec l’Algérie reçoivent rapidement en France le soutien des milieux intellectuels imprégnés de christianisme social, de marxisme-communisme et de tiers-mondisme. Ces « coopérants » entendent mettre leurs compétences au service de l’Algérie nouvelle, empreinte d’une atmosphère révolutionnaire. Ils occupent des fonctions multiples, découvrent l’Algérie et en retirent une expérience de vie. Baignés dans un univers particulier, ils incarnent les vecteurs de la coopération française sur le territoire algérien. Des décennies après la guerre, revenir sur les parcours de ces coopérants permet de comprendre dans quelle mesure la France et l’Algérie ont refusé de rompre leur relation après la guerre. Ce lien s’est en effet maintenu à travers les mémoires collectives et personnelles de ceux qui ont été témoins et acteurs de cette période. Les coopérants, près d’une quarantaine d’années plus tard, restent encore très marqués par cette expérience alors même que la question de la coopération semble méconnue du grand public. Boudés par l’histoire, les coopérants sont absents de la scène commémorative mais de plus en plus présents sur la scène mémorielle alors que leur expérience algérienne s’est achevée pour la plupart depuis des décennies. Stéphane Hessel, Bruno Etienne, Pierre Bourdieu ou encore Hervé Bourges, ont pour point commun d’avoir été ce que l’on appelle des « amis de l’Algérie nouvelle ». A travers ces divers parcours, la coopération revêt alors une dimension humaniste et véhicule un idéal de solidarité. Arabisation progressive : un frein à la coopération Le 19 juin 1965, un coup d’Etat orchestré par le colonel Boumediène renverse le président Ahmed Ben Bella. Ce coup d’Etat est perçu par une frange des militants communistes en Algérie comme la fin de la « révolution », remettant en question le rôle de certains coopérants. Pour autant, bon nombre d’entre eux a fait le choix de rester en Algérie malgré un contexte politique en plein bouleversement. Progressivement, la coopération reposant sur les coopérants s’essouffle. L’affirmation de l’islam et de l’identité algérienne, consacrés dans le préambule de la première Constitution algérienne en 1963 et initiés dès la guerre d’indépendance comme facteur de démarcation du colon, s’accroit. Cette situation laisse place, durant les années Boumediène à une arabisation progressive. De fait, le lobby arabisant a pris de plus en plus de place au sein de l’espace public algérien. S’amorce alors le processus de la réforme de l’enseignement en juin 1967 par le ministre de l’Education nationale et Président de la commission, Ahmed Taleb, défenseur de la langue arabe et de l’islam. Lors de la troisième commission, le 15 juillet 1970, le projet de résolution à propos de l’arabisation du système d’enseignement concerne toutes les disciplines et tous les niveaux. Cette volonté politique du président Boumediène s’explique par la personnalité du président, influencé par le nationalisme arabe incarné par l’égyptien Nasser. Arabophone de formation, contrairement à son prédécesseur davantage francophile, il fait de l’arabisation l’un de ses fers de lance : « L’arabe doit devenir la langue du fer et de l’acier ». Cette décision a favorisé l’appel de professeurs en provenance d’Egypte uploads/Histoire/ lindpendance-art-s-h-fmes.pdf

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  • Publié le Mai 10, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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