Qualité des produits carnés : quelle démarche marketing pour créer de la valeur

Qualité des produits carnés : quelle démarche marketing pour créer de la valeur ajoutée ? Les démarches marketing et commerciales essentielles à la filière des produits carnés Mots-clés : Qualité, Produits carnés, Crises alimentaires, Signes d’identification de la qualité et de l’origine, Merchandising Auteur : Stéphane Gouin1 1 Agrocampus Ouest Département Economie Gestion et Société, UMR SMART, 65 rue de Saint Brieuc 35042 Rennes cedex ; Président commission marketing Valorial * E-mail de l’auteur correspondant : gouin@agrocampus-ouest.fr En plus de la sécurité sanitaire, la satisfaction des attentes et des besoins des consommateurs de produits carnés s’appuie sur la marque, les labels, l’image véhiculée et l’usage pour l’acheteur. Pour que l’intention d’achat devienne plus souvent un acte d’achat, il faut ré-enchanter les points de vente, ce qui n’est pas évident dans les filières carnées. Au delà de la transparence, de l’authenticité et du savoir-faire, de véritables démarches marketing et commerciales sont essentielles pour les filières viandes. Résumé : La qualité des produits carnés constitue un enjeu majeur pour l’ensemble des filières. Elle est considérée comme un passage obligé pour les industriels et les distributeurs et un dû pour les consommateurs. Les différentes crises alimentaires ont remis en question non seulement l’approche de la qualité intrinsèque et extrinsèque, mais également les stratégies de produits/marchés des différents acteurs des filières carnées. De l’élevage à la transformation des produits, de la commercialisation à la consommation, les consommateurs expriment de nouvelles attentes en termes de qualité perçue et recherchée. Aujourd’hui, le marketing peut jouer un rôle essentiel dans la perception et la compréhension de la démarche qualité auprès des acteurs de la filière. Cet article s’efforce d’expliquer les démarches marketing et commerciales essentielles à la filière carnée. Abstract: Quality of meat products: what kind of marketing to create an added-value? The quality of meat products constitutes a major stake for all networks. It is considered as a mandatory pathway for food processors and retailers and a due for the consumers. The various food crises have questioned not only the approach of the intrinsic and extrinsic quality, but also the strategies of products / markets of the various actors of the meat networks. From the breeding to the food processing products, from retailing to consumption, the consumers express new expectations in terms of received and studied quality. Today, marketing can play an essential role in the perception and understanding of the quality approach with the actors of the network. This article tries to explain the marketing and commercial steps for the meat network. Viandes & Produits Carnés – Novembre 2014 1 INTRODUCTION La qualité des produits carnés est devenue un véritable enjeu dans notre société depuis les crises alimentaires de 1996. Que l’on se place du côté industriel, distributeur ou consommateur, tous s’accordent à dire que la qualité est non seulement un dû mais également un axe stratégique incontournable capable de débanaliser et de donner de la valeur ajoutée aux produits carnés. Les Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine (SIQO) sont actuellement ceux qui constituent la meilleure garantie pour les consommateurs. Ils sont associés à des gages de qualité et d’authenticité (histoire et origine). Selon Mormont, ils sont considérés comme polysémiques (naturels et authentiques et fortement chargés de dimensions symboliques, Mormont, 2006). En effet, la démarche des signes officiels rassurent les consommateurs. Les appellations sont synonymes de qualités et de caractéristiques, de terroir d’origine et de savoir-faire du producteur. Les français sont prêts à payer plus cher un produit estampillé d’un label, à condition qu’il soit sûr et sain : une viande dépourvue de contamination microbiologique, des fruits et légumes sans pesticides… (Tavoularis et al., 2007). Toutefois, si l’on analyse les récentes démarches en matière de marques collectives, il devient difficile tant pour les distributeurs que pour les consommateurs de s’y retrouver facilement (Picard, 2011). Les signes d’identification de la qualité et de l’origine, les mentions valorisantes (montagne, fermier, produit pays) et les marques privées de qualité apparaissent trop nombreux et pas toujours très clairement compris par les consommateurs. Comment la qualité est-elle devenue un enjeu dans nos sociétés ? Comment les consommateurs perçoivent-ils la qualité des produits carnés ? Quels sont leurs attentes et leurs besoins dans ce domaine ? Enfin, quels peuvent être la place et le rôle du marketing dans la qualité des produits carnés ? I. EVOLUTIONS HISTORIQUES ET REGLEMENTATIONS DE LA QUALITE DES PRODUITS CARNES La perception des produits carnés a considérablement évolué depuis 20 ans. Les crises sanitaires en sont l’une des principales causes (Tableau 1). En effet, depuis les années 90, une succession de crises alimentaires n’a cessé d’affecter le monde agricole et agro-alimentaire, plus particulièrement le secteur carné : bovin (crise de la vache folle), avicole (poulet à la dioxine, grippe aviaire…). Ces crises ont jeté le trouble chez les consommateurs, les faisant passer de la confiance à la méfiance (Gurviez, 2000). Elles n’ont pas été sans risques pour le producteur comme pour le client. Ces risques, qualifiés par Benâtre et Walter (2000) de « sages » ou « sauvages »1, ont permis de stigmatiser le rôle de la sécurité sanitaire des aliments notamment lors du sommet mondial de l’alimentation de Rome en 1996 et, a posteriori, celui de la qualité intrinsèque des produits alimentaires (CSAM,2012). Ces divers scandales et crises alimentaires, détectées depuis ces quarante dernières années, ont incité l’Europe à 1 Le « risque sage » correspond à des enjeux à valeur « espérée » modérée et une loi statistique d’occurrence connue, par exemple une loi normale. Ce groupe de risques se gère individuellement par des mesures de prévention à intensité contrôlée et collectivement par une gestion de portefeuille. En effet, les conséquences de ces risques s’additionnent car elles sont plutôt indépendantes les unes des autres. Le « risque sauvage » correspond à des enjeux à valeur forte, voire très forte, et une loi d’occurrence non répartie. Par exemple, la fièvre aphteuse apparaît historiquement tous les vingt ans en Europe, toutefois elle peut apparaître deux années de suite. Ce risque dit « sauvage » est souvent multiplicatif car les effets se conjuguent dans l’entreprise mais aussi entre l’entreprise et ses partenaires. C’est le cas d’une enseigne affectée dans son image par un problème chez son fournisseur partenaire. créer une directive 93/43 CE relative à l’hygiène des denrées alimentaires préconisant la méthode HACCP (Analyse des dangers et points critiques pour leur maitrise) de manière à « identifier tout aspect déterminant pour la sécurité des aliments et pour veiller à ce que des procédures de sécurités appropriées soient établies, mises en œuvre, respectées et mises à jours ». Après de nouvelles fraudes à grande échelle (poissons en 2006 et viande de cheval en 2013), une refonte et une simplification de la règlementation européenne est apparue en mai 2013. Celle-ci présente de nouvelles mesures qui devraient être adoptées en 2016. Elles visent à renforcer la sécurité sanitaire des aliments, notamment une obligation de contrôles inopinés afin de lutter contre les fraudes et la mise en place de sanctions financièrement plus dissuasives. Le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (Trans-Pacific Partnership : TTIP) visant la création d’un "marché transatlantique libre d’entraves" et négocié actuellement au sein de la Commission Européenne (Sixième cycle – juillet 2014), n’épargnera pas les questions de la qualité des produits carnés. Les questions d’ordre éthiques, environnementales et sanitaires seront, là- encore, au cœur des débats et des enjeux par rapports aux attentes des marchés et bien sûr des consommateurs. Au regard de ces nouvelles législations, force est de constater que le contrôle de la qualité (sanitaire, microbiologique, matières premières…) devient l’une des principales préoccupations des Pouvoirs Publics et des acteurs des filières agro-alimentaires. De ces lois dépendent la protection et la confiance des consommateurs français, qui aujourd’hui n’admettent plus le moindre risque à consommer un aliment. Viandes & Produits Carnés – Novembre 2014 2 Au-delà de ces évolutions, qu’entend-on par qualité d’un produit alimentaire ? Selon la définition norme ISO 9000:2000, la qualité est « l’ensemble des propriétés et caractéristiques d’un produit, d’un processus ou d’un service qui lui confèrent son aptitude à satisfaire des besoins implicites ou explicites. » Au plan marketing, la qualité est constituée « d’attributs et valeurs reconnus objectivement et/ou subjectivement à un bien, un service, une marque et/ou une entreprise… » (Lehu, 2012). Toutefois, la qualité des produits alimentaires ne recouvre pas les mêmes attributs dans tous les pays. En effet, Viandes & Produits Carnés – Novembre 2014 3 Tableau 1 : Chronologie des différentes crises alimentaires en France Ann ées Types de crises Commentaires Conséquences 1980 Bœuf et veau aux hormones L’association UFC-Que choisir appelle au boycott de la viande de veau à cause des hormones utilisées à l'époque Chute de la consommation 1981 Huile espagnole à l’aniline (dérivé du benzène) Huiles utilisées dans les industries du caoutchouc et des métaux sont vendues comme huiles de tables 20 688 victimes Plusieurs centaines de morts 1986 Vache folle Début de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) 41 morts en douze ans. 176 000 bovins morts de l’ESB 1987 Fromage à uploads/Industriel/ 3068-gouin-qualite-produits-animaux-et-marketing-rl-1-1.pdf

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