Hygiène et sécurité du travail – n°233 – décembre 2013 48 48 études & solutions
Hygiène et sécurité du travail – n°233 – décembre 2013 48 48 études & solutions Notes techniques Les biotechnologies : applications et mesures de prévention L es biotechnologies sont des technolo- gies mettant en œuvre des organismes vivants ou leurs composants (essentiel- lement des enzymes) afin de produire ou de dégrader des molécules, de déve- lopper des connaissances scientifiques ou des ser- vices. Les organismes vivants, qui peuvent être des animaux, des plantes ou des micro-organismes, sont employés pour leurs propriétés naturelles ou sont génétiquement modifiés. Ils sont exploités dans de nombreux secteurs. On distingue : • les biotechnologies dites rouges, utilisées dans le secteur de la santé : développement d’outils de diagnostic, mise au point de thérapies géniques… • les biotechnologies dites blanches, appliquées au secteur industriel : synthèse biologique de molé- cules ou d'actifs cosmétiques, dégradation des déchets ménagers… • les biotechnologies dites vertes, exploitées dans le secteur agricole et agroalimentaire : dégradation des lisiers et autres déchets agricoles, production de denrées alimentaires... • les biotechnologies dites ocres, employées dans le secteur de l’environnement : dépollution des sols et des eaux, fabrication de compost… Les risques professionnels associés à ces nou- velles technologies sont semblables à ceux que l’on retrouve habituellement dans les différents secteurs d’activité concernés. Il s’agit notamment de risques biologiques, chimiques, mécaniques, électriques, d’incendie-explosion... S'ajoutent des risques spécifiques aux biotechnologies tels que la construction d'organismes génétiquement modifiés (OGM) et l'usage de bioréacteurs nécessaires à la multiplication des micro-organismes. En effet, il peut s'avérer nécessaire de modifier génétiquement un organisme (cf. Figure 1) afin d'améliorer son rendement ou de lui faire pro- duire une molécule qu'il ne synthétisait pas natu- rellement. Cet organisme est choisi en fonction de En plein essor, les biotechnologies reposent sur des procédés mettant en œuvre des organismes vivants. Ce document dresse un panorama des techniques utilisées et des risques professionnels associés. Ceux-ci varient en fonction des secteurs d’activité concernés et de certaines méthodes spécifiques aux biotechnologies. Christine David INRS, département Expertise et conseil technique Résumé Les biotechnologies, en plein essor, apparaissent dans des secteurs professionnels très variés. Les personnes en charge de la prévention des risques ne sont pas toujours à même d'appréhender ces nouvelles technologies et d'en évaluer les risques. Ce document explique les procédés employés en biotechnologie, notamment la construction des organismes génétiquement modifiés. Il dresse un panorama des différentes applications et indique les principaux risques professionnels et les documents INRS sur lesquels s'appuyer pour évaluer et prévenir ces risques. Biotechnology: applications and prevention measures Biotechnology is booming and is appearing in a very wide variety of occupational sectors. People in charge of risk prevention are not always able to comprehend this new technology and to assess its risks. This document explains the processes used in biotechnology, in particular the construction of genetically modified organisms. It gives an overview of the various applications and indicates the main occupational risks and the INRS documents that are useful for assessing and preventing those risks. Hygiène et sécurité du travail - n°233 – décembre 2013 49 49 nombreux critères, notamment son innocuité, la connaissance parfaite de son génome 1 et des pro- téines qu'il est capable de synthétiser, la possibilité de le cultiver en masse et ses capacités à sécréter la molécule dans le milieu extérieur (limitant ainsi les étapes de purification). Lors de la construction d'OGM, le personnel des laboratoires de recherche peut manipuler des organismes ou des cellules de diverses origines, des fragments de génome, des virus modifiés ou non, ce qui rend l'évaluation des risques biolo- giques particulièrement complexe. Celle-ci doit être effectuée en équipe, associant les chercheurs et les acteurs de la prévention des risques en entreprise. L'évaluation se fait avant toute mani- pulation conduisant à modifier le génome d'un organisme. Elle doit être rédigée et soumise au Haut Conseil des biotechnologies (HCB), qui donne son avis sur les risques des manipulations et les niveaux de confinement. Le ministère en charge de la recherche reçoit l'avis du HCB et délivre les agré- ments nécessaires au laboratoire. L'évaluation des risques liés à la construction d’OGM se fait en analysant chaque élément entrant dans sa fabrication : • le gène d'intérêt (aussi appelé « insert », puisqu'on cherche à l'insérer dans le génome de l'organisme hôte) : le HCB distingue les inserts de type A, jugés non dangereux, des inserts de type B, présentant un danger (par exemple, les gènes codant pour des protéines entraînant des cancers, pour des toxines, des allergènes…) ; • le vecteur : son danger dépend de sa nature ini- tiale (virus du rhume, virus de l'immunodéficience humaine, virus de bactérie, virus d'insecte, plas- mide…), de la façon dont il a été rendu inoffensif et de sa stabilité dans la cellule cible ; • l'organisme donneur ou receveur du gène : le Code du travail et le HCB attribuent un niveau de danger aux différents organismes pouvant être utilisés. De son côté, la production industrielle de micro- organismes modifiés ou non, se fait à l'aide de bio- réacteurs de taille très variable selon les secteurs (de 5 litres à 1 million de litres). Il s'agit d'enceintes closes sous pression contrôlée, alimentées en milieu de culture et ensemencées par une souche spéci- fique. Les paramètres physico-chimiques (tempé- rature, pH, aération…) sont régulièrement surveillés pour assurer le maintien des conditions de culture optimale pour la production de la molécule d'intérêt. L'évaluation des risques liés à l'usage d'un bio-réac- teur doit tenir compte de différents points : • le danger de la souche cultivée, • le danger des produits générés (molécule, gaz…), • le niveau de pression du bioréacteur, • les conditions d'ensemencement et de prélèvement, • les conditions de nettoyage/désinfection, q D figure I La construction d'un organisme génétiquement modifié (OGM) Extraction de cellules humaines Extraction de l’ADN humain Cellule Noyau Purifcation du gène humain d’intérêt Insertion du gène humain dans un vecteur Pénétration du vecteur dans la cellule hôte (OGM) Multiplication de l’OGM dans un bioréacteur Extraction de la protéine humaine ADN de la cellule hôte (bactérie) Vecteur contenant le gène humain (plasmide) Production de la protéine humaine par l’OGM ADN 2. Ne pouvant pas entrer tout seul dans la cellule cible, le gène est placé dans un vecteur pénétrant naturellement cette cellule. Le vecteur peut être un virus ou un ADN autonome appelé plasmide. 3. La cellule modifée est produite en masse, en respectant les conditions favorables à la synthèse de la molécule d’intérêt. 1. Identifcation et purifcation du gène (un fragment d’ADN) produisant la protéine d’intérêt Hygiène et sécurité du travail – n°233 – décembre 2013 50 50 études & solutions • les procédures en cas de dysfonctionnement, • les procédures de maintenance. Au-delà de la construction d’OGM et de l’utilisa- tion de bioréacteurs, d’autres procédés propres à chaque secteur d’activité peuvent se révéler pro- blématiques pour la sécurité et la santé des salariés. Secteur de la santé La production de molécules pharmaceutiques par voie biotechnologique représente un marché en pleine croissance, estimé aujourd'hui à 15 % du marché des médicaments. La première molécule thérapeutique produite par un micro-organisme est la pénicilline, sécrétée par la moisissure Penicillium notatum et administrée pour la première fois en 1941 aux soldats anglais de la seconde guerre mondiale. La première molécule thérapeutique issue d'un micro-organisme géné- tiquement modifié fut l’insuline humaine, utilisée pour traiter les personnes diabétiques, produite par la bactérie Escherichia coli à partir de 1983. Encore actuellement, l'industrie pharmaceutique emploie très souvent la bactérie Escherichia coli K 12 et la levure Saccharomyces cerevisiae, culti- vées en masse dans des bioréacteurs. Ces micro- organismes non pathogènes ne présentent pas de risques biologiques mais il convient d'évaluer les risques liés à leur éventuelle modification génétique. Parmi les nouvelles molécules thérapeutiques pro- duites par des OGM, la plus grande part (20 %) est représentée par les anticorps monoclonaux (ACm). Ces derniers sont utilisés pour diagnostiquer et traiter des pathologies (le plus souvent des can- cers). Chaque anticorps a la propriété de se fixer spécifiquement à la surface des cellules et d'inhi- ber leur prolifération ou de provoquer leur mort. Les ACm sont également employés dans les nano- médicaments. Le principe actif est protégé dans une nanocapsule portant à sa surface des ACm se fixant sur la cellule cible, par exemple une cellule cancéreuse (cf. Figure 2). Ces nanomédicaments permettent une personnalisation des traitements en amenant le principe actif directement vers les cellules cibles du patient. Ce ciblage augmente l'efficacité du principe actif et diminue les effets secondaires en évitant de toucher les cellules saines. L'arrivée sur le marché de nouveaux ACm soulève la question de l'évaluation des risques pour les personnes manipulant ces produits. Que risquent- elles en cas d'inhalation de lyophilisat d'AC ou de piqûre accidentelle avec des solutés contenant des AC ? Il existe peu de données concernant les dan- gers toxiques, reprotoxiques ou allergisants de ces AC. Toutefois, une évaluation de premier niveau a mis en évidence des effets immunogènes. De plus, expérimentalement, uploads/Industriel/ nt-7 1 .pdf
Documents similaires
-
14
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 30, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
- Langue French
- Taille du fichier 1.0770MB