Organisation et Méthodes de Maintenance – Chapitre 1 25 MAINTENANCE : ENJEUX ET
Organisation et Méthodes de Maintenance – Chapitre 1 25 MAINTENANCE : ENJEUX ET STRATEGIES 1 - COUT DE LA NON-MAINTENANCE Les quelques exemples qui vont suivre sont souvent le fruit d’une expérience personnelle. Exemple n° 1 : panne durable L’entreprise de Menuiserie Industrielle X s’arrête de travailler pendant 36 heures. Motif : les lignes de fabrication des portes et fenêtres manquent de matière première ! Explication : l’entreprise reçoit directement son bois de l’étranger (bois exotique) sous forme de troncs d’arbre. La première ligne de l’entreprise est dédiée au sciage des troncs sous forme de planches. Un cardan de la chaîne d’entraînement de la scie s’est rompu brusquement. Il n’y en avait pas en stock. La ligne de sciage est d’origine allemande. La pièce commandée est arrivée au bout de 24 heures. Et pourtant, cette panne avait déjà eu lieu !… Exemple n° 2 : dégradation progressive de fonction La biscuiterie Y. fabrique des biscuits enrobés de chocolat. Celui-ci passe dans un tube où il est maintenu à une température lui permettant d’être suffisamment liquide pour enrober, à sa sortie du tube, les biscuits arrivant sur un tapis roulant. Le chauffage du tube s’effectue grâce à une résis- tance, mais depuis quelques temps cette résistance montrait des signes de fatigue (le temps de chauffe était plus long). Personne ne s’en est inquiété jusqu’au jour où la résistance a lâché ; le chocolat, n’étant plus chauffé, a durci dans le tube. Conclusions : arrêt complet de la chaîne de fabrication, perte de la production en cours, démon- tage complet de l’installation pour nettoyage du tube alors que le changement préventif de la résis- tance n’aurait durer qu’un quart d’heure et n’aurait coûté que quelques Euros. Exemple n° 3 : avarie grave Le directeur de l’entreprise Z. vient d’être lourdement condamné. Motif : un de ses ouvriers a eu le bras arraché par une des machines de l’unité de production. Cette machine n’était pas entretenue et n’était pas munie des organes de sécurité (ligne de vie) imposés par la législation. Outre la perte de production nécessitée par l’arrêt complet de l’atelier pour dégager l’ouvrier, les pénalités de retard à cause des retards de livraison ainsi que les sanc- tions financières pénales mettaient en très grosse difficulté l’entreprise (malgré un contrat d’assurance bien choisi). L’entreprise était, jusqu’à cet accident, jugée très performante. Son image de marque s’est brusquement dégradée. Il est difficile de dire, actuellement, si elle va s’en sortir. Exemple n° 4 : maintenance mal effectuée Explosion d’une chaudière : un technicien condamné. Motif : un technicien, chargé de la maintenance d’une chaudière, n’a pas effectué son travail en respectant le mode opératoire prévu sur ce genre d’équipement. Il a négligé en particulier une fuite de gaz qui a entraîné une explosion fatale pour trois ouvriers qui travaillaient à côté de la chau- dière. Il a été condamné à deux mois de prison ainsi qu’à rembourser de très lourdes sommes à ses victimes et à l’entreprise où s’est passée l’explosion. Ces quatre exemples traduisent la non-efficacité de l’entreprise, parce que dans chaque cas, le chef d’entreprise, les cadres techniques et administratifs n’avaient pas l’esprit maintenance. Dans trois cas sur quatre, on a préféré subir la défaillance plutôt que la maîtriser. Pourquoi ? Très certainement à cause d’une politique à court terme : Organisation et Méthodes de Maintenance – Chapitre 1 26 • l’entretien est une nécessité que le producteur subit en grinçant des dents, • le financier trouve que c’est trop coûteux. Quant au quatrième cas, n’en parlons pas puisqu’il traduit l’absence de conscience profession- nelle. Mais, peut-être l’ambiance qui règne dans l’entreprise du technicien l’encourage t-elle à avoir ce comportement ? Cette non-efficacité coûte, on s’en doute, très cher à l’entreprise non seulement en terme financier mais aussi en terme de crédibilité, d’où l’importance actuellement d’être certifié ISO 9000. Pour diminuer cette non-efficacité, il est donc important de la situer. Pour cela, nous emprunterons à M. BOUCLY [6] un diagramme très significatif (figure 2.1 page suivante). Qui est inefficace ? • la production, car elle est responsable des micro-arrêts, des ralentissements, des arrêts pour changement d’outils, de production, • la maintenance si les arrêts pour entretien sont mal planifiés, si les dégradations de fonction sont ignorées, si les pannes durent trop longtemps, • les dirigeants qui n’ont pas su appréhender les problèmes de maintenance, qui n’ont pas su (ou voulu ?) investir en moyens humains compétents. Cependant, le concept de coût ne saurait justifier à lui seul le développement de la fonction Maintenance en entreprise. Nous retiendrons aussi la sécurité des biens et des personnes (in- dustries nucléaires, aéronautiques, transports, etc..) et la notion de qualité si l’on se réfère à la norme ISO 9000 et à l’ISO 14000 pour l’environnement. Mais, les hommes de l’entreprise, en gé- néral, sont aussi responsables de l’inefficacité dès lors que les consignes d’utilisation des machi- nes et de sécurité ne sont pas respectées. Alors comment faire : c’est toute la problématique de l’entreprise d’aujourd’hui. 2 - PROBLEMATIQUE DE L’ENTREPRISE D’AUJOURD’HUI Le concept de maintenance ne date pas d’hier. S’il est vrai qu’on parlait d’entretien à l’époque, on peut remonter très loin pour retrouver ce concept : • 97 ans après JC, Sextus Julius Frontimus, curateur des eaux à Rome, avait la charge1 de l’exploitation et de l’entretien des acqueducs, • le mot « mainteneor », forme archaïque du mot mainteneur, apparaît dans la langue française en 1169.. Avec l’ère industrielle, la notion d’entretien devint nécessaire : « je casse, tu répares ». Service excentré de l’entreprise, l’entretien utilisait des graisseurs, régleurs, mécaniciens, électri- ciens, .., catégories sociales basses vis à vis de la production. D’où les nombreux conflits qui exis- taient alors entre les deux « castes ». A qui la faute ? • Aux centres d’études, de recherche et de formation se sont intéressés pendant trop longtemps uniquement à la production, la fabrication ou la conception ? Peut-être… • Aux décideurs, pour qui le redémarrage d’une ligne devait être le plus rapide possible, production de masse oblige ? Certainement… Le concept de Maintenance d’une machine est apparu pour la première fois en 1954, dans l’armée américaine, mais on n’y a commencé à s’y intéresser vraiment qu’au début des années 80 ! Depuis cette date, la gestion de la production a bien évolué : • développement des ateliers flexibles, • recherche des cinq zéros (zéro défaut, zéro panne, zéro délai, zéro stock, zéro papier), 1 De aquae ductu urbis Romae Organisation et Méthodes de Maintenance – Chapitre 1 27 CAUSES Avaries graves Pannes durables Microarrêts Ralentissements Dégradation de fonction Arrêt pour entretien Changement de série, d'outil CONSEQUENCES Dommages corporels et matériels Indisponibilité Perte de rendement Non qualité COÛTS Coûts des dommages Coûts des mesures palliatives Pénalités contractuelles Manque à gagner pour perte de production Coûts des stocks intermédiaires Coûts des équipements excédentaires Coûts de non qualité Incidences sur l'image de marque Figure 2.1 - Mise en évidence des coûts de non-efficacité Organisation et Méthodes de Maintenance – Chapitre 1 28 • production à flux tendu, visant à réduire le plus possible le stock de matière première et de composants, et donc les coûts de financement qui en résultent, etc.. Cette méthode d’organisation implique la maîtrise simultanée de la qualité (zéro défaut) et surtout la fiabilité des équipements de production (zéro panne). Comme la maintenance a pour mission d’éviter les pannes de ces équipements, il a fallu réfléchir : « comment ne plus avoir à dépanner ? » La pétrochimie, le nucléaire, les transports ont été des éléments initiateurs de la maintenance d’aujourd’hui. Les risques encourus étant tellement élevés dans ces domaines, il valait mieux les prévenir plutôt que de les subir, tout en évitant des coûts ou des surcoûts trop élevé : ainsi Tchernobyl n’aurait peut-être pas eu lieu (c’était en 1986) si les ingénieurs avaient été en contact avec ceux d’EDF, si on y avait mis les moyens, si on avait doublé certaines commandes sécurité de fonctionnement par redondance), si …, etc... Hier Facteur d’évolutions Aujourd’hui Entreprise manufacturière Matériel, technologie Processus automatisé Entretien Fonctions Maintenance Subir Etat d’esprit Maîtriser Figure 2.2 – Evolution de la fonction maintenance Conséquence : la maintenance va avoir un coût. Nous avons vu qu’actuellement, c’est entre 3 et 4% du chiffre d’affaires. On peut aussi l’exprimer en fonction du coût de revient d’un produit, car c’est plus parlant. Celui-ci s’exprime par : Coût de revient = coût des matières premières + coût de transformation Dans ce coût, on constate que le coût de maintenance atteint maintenant 10 à 30% du coût de transformation. Diminuer le coût de maintenance, ce n’est pas, bien sûr, diminuer les actions maintenance ou les externaliser, mais tout au contraire, c’est mobiliser l’ensemble des services et du personnel pour participer à l’effort maintenance et mieux le gérer. Or, on se rend compte en 2002 que toutes les entreprises ne sont pas prêtes à cet effort. Si les dirigeants d’AZF à Toulouse avait su mobiliser leurs troupes, peut être la catastrophe n’aurait pas eu lieu uploads/Industriel/chap-1 2 .pdf
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- Publié le Aoû 09, 2021
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