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In Situ Revue des patrimoines 34 | 2018 Lieux de pouvoirs. Architectures administratives dans la France contemporaine, 1945-2013. Avant/Après la décentralisation Henri Chomette et l’architecture des lieux de pouvoir en Afrique subsaharienne Léo Noyer-Duplaix Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/insitu/15897 ISSN : 1630-7305 Éditeur Ministère de la culture Référence électronique Léo Noyer-Duplaix, « Henri Chomette et l’architecture des lieux de pouvoir en Afrique subsaharienne », In Situ [En ligne], 34 | 2018, mis en ligne le 27 avril 2018, consulté le 31 mai 2018. URL : http:// journals.openedition.org/insitu/15897 Ce document a été généré automatiquement le 31 mai 2018. In Situ Revues des patrimoines est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Henri Chomette et l’architecture des lieux de pouvoir en Afrique subsaharienne Léo Noyer-Duplaix 1 L’architecte Henri Chomette fut actif tout au long des Trente Glorieuses dans vingt-trois pays d’Afrique subsaharienne. Grâce aux moyens d’une agence d’architectes exerçant en libéral qu’il nomma les Bureaux d’Études Henri Chomette (BEHC), il intervint sur des types de programmes aussi différents que des sièges d’administration, des banques, des écoles, des hôtels, des immeubles de logements ou de bureaux (fig. 1). Sa carrière, dont Léopold Sédar Senghor (1906-2001) salua « les idées fécondes à réveiller l’architecture africaine »1, reste pourtant encore mal connue. Henri Chomette et l’architecture des lieux de pouvoir en Afrique subsaharienne In Situ, 34 | 2018 1 Figure 1 Siège de la Société générale de Côte d’Ivoire inauguré en 1965 à Abidjan (archives des BEHC). Repro. Pierre Chomette. © Pierre Chomette. 2 Faire l’état de l’art au sujet de l’œuvre d’Henri Chomette revient à faire le constat d’une ignorance récurrente. Ses œuvres ne sont que rarement citées et encore plus rarement analysées, bien qu’elles aient profondément marqué l’architecture africaine contemporaine. Dans les années 1990, deux publications se sont intéressées à l’activité des BEHC. La première est l’ouvrage Architectures françaises outre-mer, dirigé par Maurice Culot et Jean-Marie Thiveaud, dont quelques paragraphes portent sur les réalisations béninoises, ivoiriennes et burkinabè de Chomette2. La seconde est une thèse3 rédigée par Diala Touré et publiée sous le titre Créations architecturales et artistiques en Afrique sub- saharienne, 1948-1995, bureaux d’études Henri Chomette4. Ce travail se concentre d’abord sur la situation de l’architecture pendant les périodes coloniale et postcoloniale en Afrique de l’Ouest – s’agissant tant de la recherche d’une identité architecturale que de l’état du secteur du bâtiment –, pour ensuite retracer l’itinéraire d’Henri Chomette. Ces deux publications constituent les premiers jalons fondamentaux de la connaissance de l’œuvre de l’architecte. Se concentrant toutefois sur les pays anciennement colonisés par la France, ces ouvrages restent lacunaires à propos notamment de l’Éthiopie et de la Guinée équatoriale, où Chomette réalisa pourtant des édifices d’ampleur. 3 Dans un article intitulé « Haile Selassie’s Imperial Modernity: Expatriate Architects and the Shaping of Addis Ababa » et publié dans le Journal of the Society of Architectural Historians en décembre 20165, Ayala Levin analyse l’implication des architectes étrangers dans la modernisation urbaine d’Addis-Abeba voulue par le négus Haïlé Sélassié Ier. Deux édifices éthiopiens6 d’Henri Chomette y sont brièvement commentés afin d’être comparés avec des réalisations de l’architecte italien Arturo Mezzedimi (1922-2010)7 et de l’agence Henri Chomette et l’architecture des lieux de pouvoir en Afrique subsaharienne In Situ, 34 | 2018 2 Z. Enav & M. Tedros, Architects and Town-Planners8. Loin de constituer une première étude de l’œuvre éthiopienne d’Henri Chomette, ce travail permet une contextualisation et témoigne d’un intérêt récent pour l’architecture et l’urbanisme du XXe siècle en Éthiopie. 4 En 2014, dans un article publié dans La Revue de l’art et intitulé « De l’outre-mer au transnational - Glissements de perspectives dans l’historiographie de l’architecture coloniale », Bernard Toulier et Johan Lagae soulignent que « l’architecture coloniale et postcoloniale est aujourd’hui devenue un des thèmes clés dans les discussions autour de l’historiographie du XXe siècle »9. Les auteurs notent l’élargissement de la façon d’écrire l’histoire : d’une perspective d’outre-mer qui adopte un point de vue métropolitain sur les anciens territoires colonisés à une perspective transnationale qui « révèle les mécanismes et vecteurs qui n’entrent pas dans la logique d’une exportation d’idées, de modèles ou de pratiques de la mère-patrie vers les territoires coloniaux ». L’historiographie actuelle s’attache désormais à comprendre les « flux de savoir-faire et d’influences opérant au sein de réseaux professionnels » ou encore « l’impact sur la production du bâti des trajectoires de migrations dans un monde en cours de globalisation ». La carrière d’Henri Chomette ne saurait ainsi être réduite à une marge, à une périphérie, mais doit être prise en compte dans une « histoire globale ». 5 Les travaux initiés sur l’architecte cherchent à s’inscrire dans cette démarche. Ils ont déjà donné lieu à un premier article de synthèse publié dans African Modernism: Architecture of Independence10. La présente contribution en constitue le prolongement. Il ne s’agit pas ici de dresser une histoire détaillée de l’activité des BEHC. Celle-ci, bien qu’encore grandement lacunaire, a été retracée dans les travaux de Diala Touré. Cet article se veut être une première analyse de la pensée architecturale d’Henri Chomette, vue à travers le prisme de l’architecture des lieux de pouvoir. Les écrits foisonnants de l’architecte en constituent la principale source. Ils proviennent de la presse spécialisée de l’époque, ainsi que du fonds d’archives des BEHC qui est conservé par l’architecte Pierre Chomette11. Ici résident peut-être les limites de cette contribution. Bien que cherchant à considérer l’œuvre et la pensée d’Henri Chomette dans une perspective transnationale, les sources qui sont analysées restent uniquement européennes. 6 Outre les conditions de ce qu’Henri Chomette nomma sa « fuite en Afrique », laquelle le conduisit à la création des BEHC, il s’agit de comprendre ce que signifiait pour l’architecte « vivre l’Afrique », et de voir comment la prépondérance qu’il accordait au site l’amena à se distancier du modernisme et de l’académisme. Il convient alors d’appréhender l’affiliation possible de l’œuvre d’Henri Chomette au régionalisme critique tel que défini par Kenneth Frampton, pour ensuite comprendre comment son architecture manifesta une continuité symbolique et technique tout en incarnant la puissance publique. Enfin, des esquisses monographiques des lieux de pouvoir emblématiques édifiés par l’architecte viennent illustrer le propos. La « fuite en Afrique » et la création des BEHC 7 Né en 1921 à Saint-Étienne, Henri Chomette (fig. 2) développa très tôt une aptitude au dessin. Bachelier en 1938, il fut admis, après une phase de préparation, dans l’atelier de Tony Garnier (1869-1948) à l’École régionale d’architecture de Lyon en 1939. Il intégra finalement l’atelier Defrasse, alors dirigé par Othello Zavaroni (1910-1991), au sein de l’École des beaux-arts dont il sortit diplômé en 1946 avec un projet de « presbytère à Henri Chomette et l’architecture des lieux de pouvoir en Afrique subsaharienne In Situ, 34 | 2018 3 l’abbaye de Champdieu » (Loire). Ce projet affirmait déjà la sensibilité de l’architecte à l’égard des rapports de proportions harmoniques, qu’il exprima tout au long de sa carrière, à travers une utilisation constante du nombre d’or. Bien qu’admettant que la divine proportion était « un système très ancien et en grande partie oublié », Chomette estimait en effet qu’elle représentait « un facteur essentiel d’unité et d’harmonie de tous les éléments de l’ensemble, harmonie que l’on sent plus qu’on ne l’analyse »12. Figure 2 Henri Chomette présentant à Élisabeth II, reine du Royaume-Uni, le projet de Névis développement en 1966 (archives des BEHC). Repro. Pierre Chomette. © Pierre Chomette. 8 Désormais architecte DPLG, Henri Chomette engagea sa carrière dans la France ruinée de l’après-guerre. Il œuvra dans le Nord, à Douai, Mons-en-Barœul ou Lille. En 1948, alors que la France pansait ses plaies, l’Union internationale des architectes (UIA) organisa un concours international sur le thème d’un palais impérial en Éthiopie. Henri Chomette y participa, n’obtint que la seconde place, mais ce concours lui ouvrit les portes de l’Afrique subsaharienne. Ce premier contact avec le continent fut décisif. L’architecte y trouva ce qu’il nomma plus tard sa « fuite »13, celle-ci étant synonyme pour lui d’une quête de liberté architecturale. Chomette estimait en effet que l’architecture française était alors empoisonnée « par la dictature des calculs sur l’art, des règlements sur l’esprit, des chiffres sur le cœur »14. Excédé par les conditions d’exercice de sa profession au cours de la reconstruction, exaspéré par les commissions de tout ordre, par la lourdeur administrative, par les structures décisionnaires, l’architecte perçut dans l’Afrique une véritable liberté créatrice, un continent qui offrait aux architectes l’occasion « de vivre le plein exercice et la totale responsabilité de leur métier »15. Henri Chomette et l’architecture des lieux de pouvoir en Afrique subsaharienne In Situ, 34 | 2018 4 9 L’Afrique subsaharienne lui ouvrit ainsi un nouveau champ des possibles. De l’après- guerre aux chocs pétroliers, Chomette y œuvra à travers un dispositif qu’il implanta dans vingt-trois pays : les Bureaux d’Études Henri Chomette (BEHC). Figure 3 Implantation des Bureaux d’Études Henri Chomette (archives des BEHC). Repro. Pierre Chomette. © Pierre Chomette. 10 uploads/Ingenierie_Lourd/ henri-chomette.pdf

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