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Tous droits réservés © Les Presses de l’Université de Montréal, 2008 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 21 mars 2022 20:37 Meta Journal des traducteurs Translators' Journal La démarche de l’expert-traducteur face à un problème de reformulation Antin Fougner Rydning Volume 53, numéro 4, décembre 2008 URI : https://id.erudit.org/iderudit/019645ar DOI : https://doi.org/10.7202/019645ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Presses de l'Université de Montréal ISSN 0026-0452 (imprimé) 1492-1421 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Rydning, A. F. (2008). La démarche de l’expert-traducteur face à un problème de reformulation. Meta, 53(4), 748–764. https://doi.org/10.7202/019645ar Résumé de l'article Dans quels cas et pour quelles raisons l’expert-traducteur ressent-il un blocage dans la phase de reformulation ? Comment s’y prend-il pour débloquer la situation ? Une analyse des données in vivo de trois professionnelles norvégiennes de la traduction aux prises avec trois énoncés extraits d’un texte original français permet de montrer que la visualisation du sens joue un rôle essentiel dans la démarche cognitive de déblocage. Meta LIII, 4, 2008 La démarche de l’expert-traducteur face à un problème de reformulation antin fougner rydning Université d’Oslo, Oslo, Norvège a.f.rydning@ilos.uio.no RÉSUMÉ Dans quels cas et pour quelles raisons l’expert-traducteur ressent-il un blocage dans la phase de reformulation ? Comment s’y prend-il pour débloquer la situation ? Une analyse des données in vivo de trois professionnelles norvégiennes de la traduction aux prises avec trois énoncés extraits d’un texte original français permet de montrer que la visuali- sation du sens joue un rôle essentiel dans la démarche cognitive de déblocage. ABSTRACT When and why does the professional translator experience problems when rendering the sense of utterances in his translation? How does he go about solving a reformulation problem? An analysis of on-line process data from three experienced Norwegian profes- sional translators grappling with three utterances in a French original text shows that visualisation plays a key role in problem-solving on the level of reformulation. MOTS-CLÉS/KEYWORDS Analyse in vivo de données processuelles, visualisation du sens, concepts métaphoriques et métonymiques, processus complexe de résolution de problèmes de reformulation 1. La traduction : un processus complexe de résolution de problèmes La traduction est par définition une activité intellectuelle complexe de résolution de problèmes. Même si le traducteur ne se heurte pas toujours à des problèmes – certains passages du texte à traduire ne demandant aucun effort apparent, ils peuvent en conséquence être traduits de manière automatique –, il arrive que des passages soient ressentis comme problématiques et nécessitent une réflexion poussée. C’est précisé- ment la traduction réfléchie qui a retenu mon attention, et dont il sera question ici. Dans le cadre de cet article, je propose de cerner de plus près la démarche du traducteur professionnel face à un problème de reformulation. Je tiens en particulier à observer dans quels cas et pour quelles raisons l’expert-traducteur ressent un blo- cage au moment de la reformulation de ce qu’il a compris, et comment il s’y prend pour débloquer la situation. Me basant sur les données processuelles de trois experts- traducteurs attestant chacune plus de 15 ans d’expérience active de la traduction professionnelle, je souhaite montrer que pour se sortir d’un blocage, le traducteur n’effectue pas une comparaison interlinguistique, mais adjoint des compléments notionnels au sémantisme du texte original (Lederer 1994 : 52). Pour pouvoir suivre les zigzags de la pensée réfléchie susceptible de déclencher les mécanismes cognitifs qui conduisent à un déclic, je prends appui sur les données processuelles in vivo de ces trois experts-traducteurs norvégiens aux prises avec leur traduction en norvégien d’un texte français. L’accent est mis sur trois énoncés qui ont donné lieu à un blocage. Le blocage se reconnaît d’une part aux pauses excédant 10 secondes enregistrées dans les données Translog des sujets traduisants – durée assimilable à un effort cognitif soutenu (Schilperoord 1996 : 18 ; Jakobsen 2000 : 167 ; Jensen 2000 : 101 ; Rydning 2005 : 102) – et d’autre part aux commentaires recueillis dans leur protocole de verbalisation. 2. Méthodes d’observation in vivo de l’activité traduisante À défaut de pouvoir accéder directement à l’activité mentale déployée par le sujet traduisant, force est de recourir à des méthodes d’observation indirectes de la façon dont il s’acquitte de sa tâche. Partant du principe que la traduction se prête particu- lièrement bien à l’observation, puisque le traducteur se livre à une activité mentale poussée – laquelle peut être décelée par son protocole de verbalisation et/ou par sa façon de se mouvoir dans son texte, j’ai combiné deux méthodes d’observation in vivo des indices liés à son activité cognitive. Ces deux méthodes génèrent de riches données prises sur le vif pendant l’opération tradui­sante, qui lorsqu’elles sont étudiées en complémen­tarité, permettent d’obtenir des informations précieuses sur le chemi- nement cognitif du traducteur. (i) Il s’agit d’une part des protocoles de verbalisation, mieux connus sous l’appellation de think-aloud protocols, couramment abrégés : TAPs, qui est une méthode d’enre­ gistre­ment des réflexions du sujet traduisant aux prises avec son texte. Celui-ci est prié de verbaliser toutes les pensées qui lui passent par la tête au fur et à mesure qu’il exécute sa tâche. Ses réflexions enregistrées sur vidéo sont ensuite transcrites en proto­coles de verbalisation. L’enregistrement vidéo permet d’observer un certain nombre d’activités cognitives, telles la lecture, l’écriture, la réflexion, la relecture, les corrections, la consultation de dictionnaires, la révision ainsi que ses états d’âme se manifestant aussi bien sous forme de données non verbales que de données auditives (Rydning 2004 : 863), révélatrices d’efforts cognitifs. Importée de la psychologie cognitive (Ericsson et Simon 1980), la méthode TAPs est d’abord appliquée à la tra- duction pédagogique au milieu des années 1980 (Gerloff 1986 ; Krings 1986 ; Lörscher 1986), puis à la traduction professionnelle vers la fin des années 1980 (Jääskeläinen 1987 ; Séguinot 1989 ; Tirkkonen-Condit 1989) jusqu’à nos jours (Ericsson and Simon 1993 ; Jääskeläinen 2000 ; Tirkkonen-Condit 2002 ; Rydning 2002, 2005). (ii) Il s’agit d’autre part de Translog – un logiciel développé par Jakobsen et Schou (Jakobsen 1999), qui permet d’enregistrer toutes les activités d’écriture du sujet, correspondant aux touches du clavier de l’ordinateur sur lesquelles a appuyé le tra- ducteur, aux mouvements de la souris reliée à son ordinateur ainsi qu’aux pauses entre les activités d’écriture. L’avantage de Translog est qu’il permet d’observer ce que fait le traducteur sans pour autant le gêner dans l’accomplissement de sa tâche. Bien qu’il ait été prévenu que ses activités d’écriture et ses pauses seront enregistrées par le logiciel, l’enregistrement se fait à son insu. Par ailleurs, aucune compétence préa- lable n’est requise pour manier le programme Translog, qui se présente comme un simple programme de traitement de texte. Le texte original s’affiche dans la partie supérieure de l’écran, alors que la partie inférieure est réservée à la traduction. Les données informatisées sont stockées dans un fichier qu’il est possible de faire appa- raître sur l’écran en deux versions : play-back cinématique et graphique. Dans le cadre l’expert-traducteur face à un problème de reformulation 749 750 Meta, LIII, 4, 2008 du présent article, c’est la version graphique qui sera mise à profit. Celle-ci permet de visualiser non seulement les lettres correspondant aux touches sur lesquelles a appuyé le traducteur, mais aussi les lettres correspondant aux touches du clavier autres que celles qui renvoient aux lettres de l’alphabet ainsi qu’aux mouvements de la souris. Les deux méthodes de collection des données processuelles in vivo se combinent par­faite­ment. Bien que le logiciel Translog ne soit pas équipé d’une fonction de syn- chronisation électronique permettant d’aligner les données Translog aux données TAPs, la synchronisation manuelle permet au chercheur de suivre les activités d’écri- ture en parallèle avec les commentaires verbaux, ce qui facilite l’interprétation qua- litative des données. Aux termes de l’analyse de la démarche cognitive de l’expert-traducteur, j’ai retenu les trois énoncés ci-dessous (en italique). L’énoncé 1) est la retombée linguis- tique d’une métaphore conceptuelle vue sous l’aspect de la personnification, c’est-à- dire d’une extension de la métaphore ontologique qui consiste à percevoir une idée ou un objet comme une personne. L’énoncé 2) relève d’une métonymie, à savoir d’une relation qui implique une substitution que l’on peut conceptuellement représenter comme X REPRÉSENTE Y. L’énoncé 3) relève d’une « métaphtonymie », c’est-à-dire d’une méta­phore fondée sur une métonymie : 1) Le retour des bonnes manières. 2) Mais elles restent aussi, plus sournoisement, un mode de tri social. 3) S’il est désormais bien vu de laisser au placard cravate et costume trois pièces le vendredi […]. Ces trois énoncés figurent en caractères gras dans le texte ci-dessous extrait de l’Ex- press, Société, du 4-11 janvier 2000 : Le retour des bonnes manières uploads/Litterature/ 019645ar-article-reformulation.pdf

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