Capes externe Lettres Composition française Devoirs autocorrectifs Christine Pi

Capes externe Lettres Composition française Devoirs autocorrectifs Christine Pigné, Antony Soron 1-1028-TC-WB-01-16 MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE DEVOIR AUTOCORRECTIF N°1 « Ce qui me séduit, c’est l’appréhension d’une histoire immédiatement achevée peu de temps après qu’on l’a commencée. Tout ce qui est arrivé est relaté en quelques pages qui ne laissent attendre nulle péripétie supplémentaire. Le récit bref forme à lui-même un univers clos, autonome, un microcosme événementiel ». Daniel Grojnowski, Lire la nouvelle, Paris, Nathan, 2000, p.57. Vous analyserez et discuterez ces propos en vous appuyant sur des exemples précis empruntés à vos lectures. Eléments de réflexion sur le sujet proposé. 1. Redisons-le une fois de plus, un sujet de composition française se présente « toujours » comme un énoncé « tronqué ». Et c’est sans doute cette « coupure » qui contribue à alimenter la discussion. 2. S’il n’est pas nécessaire de restituer un « cours » de littérature dans une composition française, le correcteur est tout de même attentif : - au dévoilement d’une certaine culture littéraire (ne pas négliger de ce point de vue notamment les œuvres étudiées au lycée). - au caractère « référencé » du développement (recours nécessaire à un minimum de textes « critique »). 3. Retenez dans le cas présent (à titre d’explicitation de l’attente du correcteur) que le sujet aurait pu être introduit comme suit : « Sans forcément vous limiter au « genre » de la nouvelle, vous analyserez... ». 2 *** Le corrigé qui suit possède un objectif méthodologique. Il est donc entièrement rédigé tout en insérant (en italique) des éléments relevant du conseil quant à la conception ou à la rédaction. Il a par ailleurs été écrit, pour démontrer la faisabilité de l’exercice imposé, dans un « temps » raisonnable, soit à peine supérieur à celui du concours. * Le lectorat peut avoir des goûts littéraires d’une grande variété. Ainsi à l’heure actuelle, la mode des grandes sagas en plusieurs tomes où le fantastique vient se mêler à l’historique tend à concurrencer le succès continu des romans courts tels que ceux de David Foekinos pour ne donner qu’un seul exemple d’un « faiseur » de « best-sellers ». Même s’il ne s’agit là que d’une concurrence au sein du « champ large » pour reprendre la terminologie du sociologue Pierre Bourdieu et non du « champ restreint » davantage adepte de livres à la « littérarité » plus affirmée, cette opposition permet de mesurer l’attrait intemporel des lecteurs pour les formes narratives brèves dont la « nouvelle » constitue incontestablement dans l’histoire littéraire le porte-drapeau. Il est toujours difficile de démarrer une dissertation ; pour votre « serviteur » comme pour tout « capétien » qui doit ouvrir le feu ! Il n’est pas sûr que commencer par une citation – comme c’est pourtant souvent le cas à la lumière de la grande quantité de copies corrigées – constitue la meilleure des solutions -. En effet, cela aura tendance à redoubler les énoncés « supports ». En clair, c’est la citation « donnée » qui justifie d’être exclusive. En revanche, même s’il s’agit ici simplement d’un conseil et non d’une obligation, il peut être intéressant d’ancrer « le débat » à venir sur l’actualité du « livre » ou de la lecture : votre correcteur ayant là, d’emblée, l’occasion de voir que vous avez une conception « ouverte » et « vivante » de la littérature. N’oublions pas, en outre, que cette année, c’est une écrivaine bien vivante, Annie Ernaux, qui était l’auteure de la citation « sujet » (écrivaine entre parenthèses spécialiste du « récit bref ») ! A ce titre, et même si le prestige de la nouvelle a quelque peu décliné au profit du roman court, il apparaît fructueux de s’interroger sur ses caractéristiques propres afin d’en dégager une définition « genrée » satisfaisante. Or, c’est bien cette finalité que se donne Daniel Grojnowski dans son ouvrage, Lire la nouvelle, publié aux éditions Nathan en 2000. Spécialiste universitaire reconnu du « genre », l’auteur de la citation soumet au lecteur une appréciation de lecture globale du « récit bref ». S’il va de soi que son propos implique de façon prioritaire la nouvelle, il n’en demeure pas moins que l’emploi dans l’énoncé qui suit du syntagme nominal, « récit bref », tend à quelque peu ouvrir le champ de l’analyse qui s’impose à nous : 3 « Ce qui me séduit, c’est l’appréhension d’une histoire immédiatement achevée peu de temps après qu’on l’a commencée. Tout ce qui est arrivé est relaté en quelques pages qui ne laissent attendre nulle péripétie supplémentaire. Le récit bref forme à lui-même un univers clos, autonome, un microcosme événementiel ». En construisant la caractérisation du « genre » à partir de sa réception « subjective », Daniel Grojnowski a le mérite de la clarté et de la concision tout en ne succombant pas a priori à un excès de théorisation. Néanmoins, et le caractère « tronqué » de son propos ne faisant qu’amplifier le phénomène, ce point de vue de lecteur qui va dans le sens de la doxa (en ce qui concerne l’appréhension que le lecteur moyen peut avoir du « récit bref ») n’a-t-il pas tendance, même incidemment, à en réduire l’ambition esthétique ? Sur cette base de questionnement, nous déclinerons notre argumentaire selon trois axes. Nous invitons à méditer sur deux termes employés dans le paragraphe qui précède : énoncé « tronqué » et « doxa ». Ce sont en effet deux éléments fondamentaux dans une dissertation littéraire car ils peuvent conditionner le raisonnement. - Il s’agit en premier lieu toujours d’un énoncé « tronqué », soit coupé de tout un contexte et d’une suite. La conséquence, forcément, reste que le point de vue exprimé apparaît nettement plus marqué, ou si l’on préfère, moins nuancé que dans la réalité de son énonciation. - Deuxième élément, le terme « doxa ». Ne nous y trompons pas, le choix d’un sujet correspond nécessairement au choix d’une expression « esthétique », « littéraire » singulière... Autrement dit, d’une façon ou d’une autre, au choix d’un énoncé qui combat les idées reçues sur tel ou tel point. Une citation, en clair, demeure, peu ou prou « para-doxale » ! D’où l’importance de la remettre dans son contexte en terme d’Histoire et d’Histoire littéraire. En premier lieu, il s’agira d’examiner en quoi la citation permet de mettre en perspective la caractéristique saillante de la nouvelle en tant que catégorie symbolique parmi les écrits narratifs courts. Dans un deuxième temps, il faudra se demander dans quelle mesure le « récit bref » s’accommode, autant que l’auteur de la citation peut le laisser penser, de l’idée de « fermeture ». Dans le cadre du dernier mouvement de l’analyse, il pourra s’avérer pertinent d’interroger le paradoxe définitionnel du « genre ». 4 Nulle prétention « modélisante » dans cette introduction. Juste le respect des contraintes de l’exercice. Remarquez que la problématique précède la citation tandis que l’annonce du plan (en trois parties) clôt l’introduction. Remarquez aussi que l’introduction ne cherche pas d’emblée à répondre aux questions. La dissertation doit être comprise comme une forme de démonstration. A ce stade du « devoir », on est encore loin de la synthèse. Il faut simplement « ouvrir les portes du sujet ». Dès le 17ème siècle, la nouvelle a ses adeptes et déjà, oserions-nous dire, ses maîtres. N’est-ce pas le cas de Madame de La Fayette, qui, avec La Princesse de Montpensier – que l’adaptation cinématographique récente de Bertrand tavernier a par ailleurs remis au goût du jour – donne au « genre » ses premières véritables lettres de noblesse. Sans faire étalage de sa culture, ne pas hésiter à aller dans une dissertation littéraire du côté de l’histoire des arts : les rapports de jury sont très explicites à ce sujet. Comme le fait remarquer l’auteur de la citation, il apparaît évident que la qualité d’un « récit bref » à l’image de celui de cette grande plume du siècle classique consiste en peu de pages à captiver le lecteur en polarisant son attention sur une aventure, un destin, tout en élaguant la multitude de détails qui pourraient encombrer le cheminement narratif orienté, dans une certaine mesure au moins, d’un point A vers un point B. En clair, le « récit bref » (nous préfèrerons, comme nous y invite le libellé du sujet, cette désignation à celle de nouvelle pour ne pas limiter la perspective du propos) tend à privilégier au moins en première analyse, la densité, l’unité et la concision sur l’amplification, la digression et le détail. A ce titre, il est commode d’opposer sa faible étendue « paginale » à celle du roman dont les légitimateurs tels Balzac ou Zola au dix-neuvième siècle avaient coutume d’accorder au bas mot une « quatre centaines » de pages. Comme l’exemple de La Princesse de Montpensier tend à l’attester, le récit bref fait le choix de l’efficacité en accordant une uploads/Litterature/ 1028-compositionfrancaisedevoirsautocorrectifs.pdf

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