www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’Les rayons et les ombres’’ (

www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’Les rayons et les ombres’’ (1840) recueil de poèmes de Victor Hugo pour lequel on trouve ici les analyses de ‘’Fonction du poète’’ (page 3) ‘’Tristesse d’Olympio’’ (page 9) ‘’Oceano nox’’ (page 13) Bonne lecture ! 1 “Fonction du poète” Dieu le veut, dans les temps contraires, Chacun travaille et chacun sert Malheur à qui dit à ses frères Je retourne dans le désert ! Malheur à qui prend ses sandales Quand les haines et les scandales Tourmentent le peuple agité ! Honte au penseur qui se mutile Et s'en va, chanteur inutile, 10 Par la porte de la cité ! Le poète en des jours impies Vient préparer des jours meilleurs. Il est l'homme des utopies, Les pieds ici, les yeux ailleurs. C'est lui qui sur toutes les têtes, En tout temps, pareil aux prophètes, Dans sa main, où tout peut tenir, Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue, Comme une torche qu'il secoue, 20 Faire flamboyer l'avenir ! Il voit, quand les peuples végètent ! Ses rêves, toujours pleins d'amour, Sont faits des ombres que lui jettent Les choses qui seront un jour. On le raille. Qu'importe ! il pense. Plus d'une âme inscrit en silence Ce que la foule n'entend pas. Il plaint ses contempteurs frivoles Et maint faux sage à ses paroles 30 Rit tout haut et songe tout bas ! ... Peuples ! écoutez le poète ! Écoutez le rêveur sacré ! Dans votre nuit, sans lui complète, Lui seul a le front éclairé. Des temps futurs perçant les ombres, Lui seul distingue en leurs flancs sombres Le germe qui n'est pas éclos. Homme, il est doux comme une femme. Dieu parle à voix basse à son âme 40 Comme aux forêts et comme aux flots. C'est lui qui, malgré les épines, L'envie et la dérision, Marche, courbé dans vos ruines, Ramassant la tradition. De la tradition féconde Sort tout ce qui couvre le monde, Tout ce que le ciel peut bénir. 2 Toute idée, humaine ou divine, Qui prend le passé pour racine 50 A pour feuillage l'avenir. Il rayonne ! il jette sa flamme Sur l'éternelle vérité ! Il la fait resplendir pour l'âme D'une merveilleuse clarté. Il inonde de sa lumière Ville et désert, Louvre et chaumière, Et les plaines et les hauteurs ; À tous d'en haut il la dévoile ; Car la poésie est l'étoile 80 Qui mène à Dieu rois et pasteurs. Analyse Dans la Préface des "Voix Intérieures", Hugo avait déjà parlé de la «fonction sérieuse» du poète, de sa mission civilisatrice. L'idée s'affirme et se précise ici : sans descendre dans l'arène politique, le poète doit guider les peuples ; il est l'annonciateur de l'avenir, inspiré par l'éternelle vérité, et ne saurait sans trahir sa mission se limiter à la poésie pure. Cette conviction caractérise la tendance dominante du romantisme après 1830, mais elle est aussi tout à fait personnelle à Hugo chez qui elle ira s'amplifiant ; dès cette date, quelques formules frappantes (v. 21, 32) révèlent sa conception du poète mage, du poète voyant. Ce poème liminaire donne à tout le recueil son sens, son écho profond. Hugo y affirme que le poète est différent des autres êtres, qu’il est l'homme des utopies, le rêveur sacré, l'homme de l'avenir. Sa fonction est sociale : prêtre des temps nouveaux, il doit servir, être un intermédiaire entre Dieu et les êtres. Le penseur qui se mutile n’est qu’un inutile chanteur retranché dans l'individualisme : l’image de l'automutilation montre donc que l'utilité est intrinsèque à sa nature. La solennité de ce texte didactique repose sur une structure très régulière, fondée sur de nombreuses reprises. On remarque une volonté de généralisation, l’insistance dans les définitions, les nombreuses exclamations laudatives, les impératifs, apostrophes et injonctions aux peuples. - Au début, le poète répond à un interlocuteur qui lui conseille d’abandonner l’action politique : «Va dans les bois ! va sur les plages !... Dans les champs tout vibre et soupirre. La nature est la grande lyre. Le poète est l’archet divin !» Dans le premier dizain, marqué par les trois verbes : «retourne», «prend ses sandales», «s'en va», Hugo condamne la démission des poètes par trois imprécations en anaphore («Malheur», «Malheur», «Honte») enchaînées dans une gradation ternaire. Les images qui évoquent la défection à laquelle le poète se refuse sont à apprécier. Les oppositions « frère » / « désert », « sandales » / « scandales » sont renforcées par la rime riche et la paronymie Le poète est un élu de Dieu, le poème commençant par « Dieu le veut » et se terminant par « mène à Dieu », Dieu étant l’origine et la fin. « Pareil aux prophètes » (à rapprocher des “Mages” [“Les contemplations”, VI, 23]), il « voit » là où les autres « végètent », il « inscrit » « ce que la foule n'entend pas » : fortes oppositions. Dieu parle à voix basse à son âme. Des anaphores insistent : « Lui seul a le front éclairé », « Lui seul distingue ». Cette mise en valeur du front peut être illustrée par les caricatures donnant à Hugo un large front. 3 Le comportement du poète peut être comparé à celui du Christ avec « ses rêves toujours pleins d'amour ». Il montre de la constance et du courage malgré les obstacles : « qu'on l'insulte ou qu’on le loue » qu'importe ! « Il plaint ses contempteurs frivoles », montrant ainsi une acceptation de l’adversité. « Les épines » peuvent être vues comme celles du Christ : les références sont nombeuses à la souffrance, au martyre enduré. À la fin du texte, le poète acquiert une stature quasi divine : « À tous d'en haut il la dévoile ». Le poète agit donc pour tous : « Ville et désert, Louvre et chaumière, / Et les plaines et les hauteurs ». « Louvre et chaumière » / « plaines et hauteurs » sont des métonymies incluses dans un chiasme qui efface l'opposition. Ancré dans le présent, le poète est le pont entre le passé et l'avenir. La force du texte se maifeste par des images mêlant temps, germination, lumière surgissant de l'ombre. Les difficultés qu’impose le temps présent est marqué au début de chacun des trois premiers dizains : « temps contraires », « les haines et les scandales », « des jours impies », « quand les peuples végètent », « dans votre nuit », « dans vos ruines » Le poète a la mission de recueillir le passé, d’où l’image de la récolte : « Marche courbé dans vos ruines / ramassant la tradition. » L’anadiplose « De la tradition féconde / Sort » est un lien stylistique qui établit un lien temporel). Avec «Qui prend le passé pour racine», Hugo affirme une fidélité à la tradition qui devrait être propre à rassurer ceux qui craindraient de voir en lui un révolutionnaire. Le poète annonce un avenir de lumière : « A pour feuillage l'avenir ». C’est qu’il est « l'homme des utopies / Les pieds ici, les yeux ailleurs ». Il cultive le rêve : « Ses rêves toujours pleins d'amour » - « le rêveur sacré ». La tâche est difficile : s’il a le don de voyance, il lui est nécessaire de scruter « les ombres des choses qui seront un jour » - « des temps futurs perçant les ombres ». On remarque l’image végétale de la germination : « en leurs flancs sombres le germe qui n'est pas éclos » Le but du poète est de « faire flamboyer l'avenir », illumination sur un fond d'ombre. Les hyperboles et les accumulation dans le dernier dizain traduisent la réussite de la mission sacrée : « Il rayonne ! » - « Il jette sa flamme » - « fait resplendir » - « merveilleuse clarté » - « inonde de sa lumière ». À partir de «Peuples ! écoutez le poète !», commence la conclusion : Hugo s'adresse directement au public. La fin qui fait de la poésie « l'étoile» est mystique : elle rappelle l'étoile qui guida bergers et rois mages vers l'étable de Bethléem. Vigny aussi a dit du poète : «Il lit dans les astres la route que nous montre le doigt du Seigneur». ("Chatterton"). Ce texte qui est didactique possède une force intérieure, une puissance évocatrice, par la profusion des images souvent religieuses. Hugo privilégie dans la fonction du poète la communion avec les autres et avec leurs souffrances, leurs problèmes. Il confie au poète la mission d'orienter l'Histoire, de guider vers la lumière, vers le progrès. _________________________________________________________________________________ 4 “Tristesse d'Olympio” Les champs n'étaient point noirs, les cieux n'étaient pas mornes. Non, le jour rayonnait dans un azur sans bornes Sur la terre étendu, L'air était plein d'encens et les prés de verdures 5 Quand il revit ces lieux où par tant de blessures Son cœur s'est répandu ! L'automne souriait ; les coteaux vers la uploads/Litterature/ 167-hugo-les-rayons-et-les-ombres.pdf

  • 36
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager