Recherches en comparatisme Bouchra CHOUGRANI : Mythes et émotions dans voyage a

Recherches en comparatisme Bouchra CHOUGRANI : Mythes et émotions dans voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 2019/ N° 1 Distribution électronique imist (https://revues.imist.ma/) pour Les Assises Littéraires Laboratoire de Littérature Générale et Comparée, Interculturalité Faculté des Lettres et Sciences Humaines Correspondances : Laboratoire de Littérature Générale et Comparée, Interculturalité Faculté des Lettres et Sciences Humaines BP : 457 Oujda | assiseslitteraires@gmail.com Les Assises Littéraires : Revue de Littérature, Traduction, Culture et Arts 2019/ N° 1 ISSN : 2605-6089 Mythes et émotions dans voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline Bouchra CHOUGRANI FLSH-OUJDA Résumé : Le roman, "Voyage au bout de la nuit" de Louis-Ferdinand Céline met en évidence les péripéties d’un personnage( Bardamu) en quête de savoir et de connaissance de sa condition précaire. Au cours de son voyage, Bardamu développe une réflexion épistémologique autour des différents sujets qui tourmentent la pensée humaine. La pérégrination lui permettra de découvrir la guerre, la colonisation, l’ailleurs (l’Amérique et la banlieue) et la personnalité de l’autre symbolisée par les ravages de l’amour de la peur et de la mélancolie. Ce roman est marqué par le renouveau du style de la langue et de l’écriture. Il s’inspire toutefois du mythe fondateur d’Ulysse. Les personnages du roman ont une quête à accomplir et leur devoir est de sillonner le monde pour acquérir la connaissance et pour sortir de l'angoisse. Nous essayerons ainsi à travers cet article de montrer les différentes formes de la réécriture dans l'ouvrage de Louis-Ferdinand Céline en révélant les diverses présences des émotions comme le dégoût, la peur et la mélancolie. Mots clés : Mythe , émotions, mélancolie, réécriture. Abstract : The novel, "Voyage au bout de la nuit" by Louis-Ferdinand Céline talk about the adventures of a character (Bardamu) in search of knowledge. During his journey, Bardamu develops an epistemological reflection on the various subjects that torment human thought. Peregrination will enable him to discover war, colonization, elsewhere (America and the suburbs) and the personality of the other symbolized by the ravages of the love of fear and melancholy. This novel is marked by the renewal of the style of language and writing. It is inspired by the founding myth of Ulysses. The characters of the novel have a quest to accomplish and their duty is to travel the world to acquire knowledge and to get out of the anguish. Through this article, we will try to show the different forms of rewriting in the work of Louis-Ferdinand Celine by revealing the various presences of emotions like disgust, fear and melancholy. Keywords : Myth, emotions, melancholy, rewriting 33 Mythes et émotions dans voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline Bouchra CHOUGRANI FLSH-OUJDA Introduction Voyage au bout de la nuit1 est le premier roman de Louis-Ferdinand Céline publié en 1932. L’écrivain y met en scène Ferdinand Bardamu, personne principal du roman, à la quête de l’inconnu. Les premiers chapitres peignent les cruautés de la première guerre mondiale. Ainsi, Bardamu dénonce la guerre et les cruautés humaines et décide à l’aide de son ami Robinson de déserter l’armée française pour sauver leurs vies. Après son retour à Paris blessé, Bardamu décide de voyager pour découvrir le monde. Son voyage lui permettra de découvrir la colonisation, l’Amérique, la misère et l’amour. Le voyage est également une quête du sens de la vie et de l’existence humaine. Cette pérégrination devient plus importante pour lui, elle sera une quête métaphysique qui s’interroge sur le destin de l’homme. Ce roman aux traits grossiers et au message sublime ne cesse d’intéresser aussi bien les critiques que les lecteurs grâce à l’originalité de sa création. Dans ce sens Henri Godard et Maurice Bardèche avancent que Voyage au bout de la nuit est une réécriture complète et originale du mythe d’Ulysse. Alors que Marie-Christine Bellosta affirme que Voyage au bout de la nuit est une réécriture de Candide et de Robinson Crusoé. Or, notre lecture de ce roman nous a permis de remarquer l’émergence du mythe Ulysse à travers le comportement et l’itinéraire du personnage principal qu’est Bardamu. Notre objectif donc, est de relever les éléments mythologiques qui attestent de l’acte de réécriture de ce mythe fondateur. Pour traiter de l’émergence de ce mythe et de sa transformation dans l’œuvre de Céline, nous avons choisi d’approcher le texte du point de vue mythocritique comme nous le suggère la théorie de Pierre Brunel à partir de ses travaux et ses ouvrages les plus importants qui ont eu le mérite de traiter du mythe et de sa présence dans le texte littéraire2. Nous essayerons donc de répondre à la problématique suivante : comment s’établit la réécriture du mythe d’Ulysse, dans Voyage au bout de la nuit et comment les émotions présentes dans ce mythe sont réécrites à l’époque moderne ? Pour répondre à cette problématique nous aborderons la réécriture du mythe d’Ulysse en mettant l’accent sur les ressemblances entre les deux personnages celui d’Homère et celui de Céline. Nous essaierons notamment de montrer que Bardamu est un héros moderne qui se distingue foncièrement du 34 héros mythique. Puis nous tenterons de voir à quel point Bardamu emprunte les émotions présentées par Ulysse. I- La « mythologisation » dans Voyage au bout de la nuit Par l’insertion des éléments mythiques dans le texte de voyage au bout de la nuit, apparait la pratique intertextuelle qui fait l'objet de cet article. La reprise d’un mythe littéraire ou de plusieurs, s’établit à travers la citation, l'imitation et la transformation des textes racontant ce mythe. Ce procédé est nommé palimpseste, puisqu’un texte premier a été effacé pour être par la suite rétabli au milieu d'un texte second. Ce procédé joue un rôle important dans le roman célinien, puisquedès son ouverture, le roman donne volontairement libre cours à une étude « mythocritique ». L’anamnèse est le procédé d’écriture qui range Céline au coté des écrivains qui ont recouru à la réécriture de la mythologie, car son attitude envers la mythologie et, encore plus, envers la réécriture de la mythologie traduit un certain besoin de se dérober à celles-ci. Dans voyage au bout de la nuit, c'est une autre relecture du mythe qui se donne à lire ; c'est celle qui dit le malaise ou même l’impossibilité de réécrire le mythe à une époque qui fut marquée par l’éthos la guerre. Celle-ci est d'une certaine manière apparue comme un remaniement des points de repère, des échelles de valeurs, y compris les valeurs littéraires, n'épargnant même pas les mythologies modernes. Ulysse, subit dans le roman une cure anamnestique qui se manifeste ouvertement comme un jeu avec les clichés littéraires, double de processus de déconstruction mélangeant d’autres corps de la mythologie avec des éléments de la réalité contemporaine. De tels signes de la présence mythologique signalent une forte aimantation par la réécriture du mythe que le récit romanesque veut s'approprier. Cette réécriture s'avère néanmoins marquée par la nécessité d'être mise en relation avec l’écriture du présent, c'est-à- dire d’être confrontée avec l’extrême modernité du monde contemporain. Le récit dit ouvertement qu'il lui est impossible d’ordonner dans une scène inaugurale, l’homme qui vit dans le monde moderne et qui a connu les excès de la politique. Ce sont les idées politiques, cette fois réelles, dont est question : « j’en suis, moi, pour l’ordre établi et je n’aime pas la politique. Et d’ailleurs le jour où la patrie me demandera de verser mon sang pour elle, elle me trouvera moi bien sûr, et pas fainéant, prêt à le donner 3 » qui laissent deviner une modernité latente qui se cache derrière la matière dont sont faites des considérations politiques à propos de la guerre. De même, des considérations politiques à l’ère hellénique ont poussé Ulysse vers la mésaventure de la guerre et de l’errance. 35 Ainsi Ulysse qui représente l’autre objet mythique, incarne en effet la lâcheté dissimulée derrière le mythe, cachant dans ses entrailles un appareil de projection sur l’entre- deux guerre. Le mythe devient inintelligible pour Céline la guerre ne serait ce qu’une raison de rapprochement qui le rejoint au mythe, ceci même est grâce l'immense effort de commentaire. Rejoindre le mythe est devenu possible, toute tentative de transgresser ce fait est préalablement condamnée à échouer. Le dessein de s'approcher du mythe par la voie de la réécriture, que ce soit sous forme d'une reproduction ou d'une réinterprétation moderne est latent. Or si, au départ, le mythe d’Ulysse se révèle comme un clin d’œil intertextuel au lecteur, il se voit cependant doté, en d'autres lieux, d'une dimension largement fonctionnelle, celle du lien thématique qui fait enchainer certains chapitres du roman. Le processus de codification que le roman met en exergue et auquel prend largement part également le procédé de réécriture a déplacé le mythe vers les circonstances du XXe siècle. Ici, la mythologie représentée dans une large mesure, le moyen d'augmenter la cohérence thématique du texte qui se décompose en une multitude de références intertextuelles. II serait intéressant de remarquer que le mythe d’Ulysse, nourrit par ces nombreux traits de caractère, le uploads/Litterature/ 2-pb.pdf

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