SEQUENCE N°II : THERESE RAQUIN D’EMILE ZOLA : UN ROMAN NATURALISTE ? Objet d’
SEQUENCE N°II : THERESE RAQUIN D’EMILE ZOLA : UN ROMAN NATURALISTE ? Objet d’étude : - le roman et la nouvelle au XIXe siècle : réalisme et naturalisme Objectifs : - découvrir les caractéristiques d’un mouvement littéraire - lire une oeuvre romanesque longue : en repérer la structure, les grandes thématiques Problématique de séquence : en quoi le roman d’Emile Zola respecte-t-il les grands principes naturalistes ? Volume horaire de la séquence : environ 18 heures 30 SEANCE N° 1 : LECTURE ANALYTIQUE N°1 : L’incipit du roman (2 heures) Objectifs : - rappeler les fonctions de l’incipit romanesque - montrer en quoi le roman naturaliste est créateur d’atmosphère Texte d’étude : extrait du premier chapitre « Au bout de la rue Guénégaud, lorsqu’on vient des quais, on trouve le passage du Pont-Neuf, une sorte de corridor étroit et sombre qui va de la rue Mazarine à la rue de Seine. Ce passage a trente pas de long et deux de large, au plus ; il est pavé de dalles jaunâtres, usées, descellées, suant toujours une humidité âcre ; le vitrage qui le couvre, coupé à angle droit, est noir de crasse. Par les beaux jours d’été, quand un lourd soleil brûle les rues, une clarté blanchâtre tombe des vitres sales et traîne misérablement dans le passage. Par les vilains jours d’hiver, par les matinées de brouillard, les vitres ne jettent que de la nuit sur les dalles gluantes, de la nuit salie et ignoble. À gauche, se creusent des boutiques obscures, basses, écrasées, laissant échapper des souffles froids de caveau. Il y a là des bouquinistes, des marchands de jouets d’enfant, des cartonniers, dont les étalages gris de poussière dorment vaguement dans l’ombre ; les vitrines, faites de petits carreaux, moirent étrangement les marchandises de reflets verdâtres ; au-delà, derrière les étalages, les boutiques pleines de ténèbres sont autant de trous lugubres dans lesquels s’agitent des formes bizarres. À droite, sur toute la longueur du passage, s’étend une muraille contre laquelle les boutiquiers d’en face ont plaqué d’étroites armoires ; des objets sans nom, des marchandises oubliées là depuis vingt ans s’y étalent le long de minces planches peintes d’une horrible couleur brune. Une marchande de bijoux faux s’est établie dans une des armoires ; elle y vend des bagues de quinze sous, délicatement posées sur un lit de velours bleu, au fond d’une boîte en acajou. Au-dessus du vitrage, la muraille monte, noire, grossièrement crépie, comme couverte d’une lèpre et toute couturée de cicatrices. » Confrontation du texte avec le tableau de Camille Pissaro, Le Pont de Rouen, 1896 45_pissaro55.jpg Prolongements : lecture des chapitres I à XI du roman : apprendre la séance 1 (interrogation orale) effectuer une courte recherche biographique sur Emile Zola, en faire une fiche synthétique SEANCE N°2 : LECTURE CURSIVE : chapitres IX à XI : la marche vers le crime (1 heure) Objectifs : - montrer comment le romancier met en scène une véritable marche vers le crime - analyser la tension qui traverse le roman, et donner l’envie aux élèves de poursuivre leur lecture SEANCE N° 3 : LECTURE ANALYTIQUE N°2 (1 heure 30) Objectifs : - étudier une scène cruciale du roman, et son impact sur l’action romanesque - analyser le réalisme de la scène du crime Texte d’étude : extrait du chapitre XI « Alors Laurent se leva et prit Camille à bras-le-corps. Le commis éclata de rire. « Ah ! non, tu me chatouilles, dit-il, pas de ces plaisanteries-là… Voyons, finis : tu vas me faire tomber. Laurent serra plus fort, donna une secousse. Camille se tourna et vit la figure effrayante de son ami, toute convulsionnée. Il ne comprit pas ; une épouvante vague le saisit. Il voulut crier, et sentit une main rude qui le serrait à la gorge. Avec l’instinct d’une bête qui se défend, il se dressa sur les genoux, se cramponnant au bord de la barque. Il lutta ainsi pendant quelques secondes. « Thérèse ! Thérèse ! » appela-t-il d’une voix étouffée et sifflante. La jeune femme regardait, se tenant des deux mains à un banc du canot qui craquait et dansait sur la rivière. Elle ne pouvait fermer les yeux ; une effrayante contraction les tenait grands ouverts, fixés sur le spectacle horrible de la lutte. Elle était rigide, muette. « Thérèse ! Thérèse ! » appela de nouveau le malheureux qui râlait. À ce dernier appel, Thérèse éclata en sanglots. Ses nerfs se détendaient. La crise qu’elle redoutait la jeta toute frémissante au fond de la barque. Elle y resta pliée, pâmée, morte. Laurent secouait toujours Camille, en le serrant d’une main à la gorge. Il finit par l’arracher de la barque à l’aide de son autre main. Il le tenait en l’air, ainsi qu’un enfant, au bout de ses bras vigoureux. Comme il penchait la tête, découvrant le cou, sa victime, folle de rage et d’épouvante, se tordit, avança les dents et les enfonça dans ce cou. Et lorsque le meurtrier, retenant un cri de souffrance, lança brusquement le commis à la rivière, les dents de celui-ci lui emportèrent un morceau de chair. Camille tomba en poussant un hurlement. Il revint deux ou trois fois sur l’eau, jetant des cris de plus en plus sourds. Laurent ne perdit pas une seconde. Il releva le collet de son paletot pour cacher sa blessure. Puis, il saisit entre ses bras Thérèse évanouie, fit chavirer le canot d’un coup de pied, et se laissa tomber dans la Seine en tenant sa maîtresse. Il la soutint sur l’eau, appelant au secours d’une voix lamentable. » Prolongement : lecture des chapitres XII à XVIII du roman ----------------------------------------------------------------------------------- ---- SEANCE N°4 : QU’APPELLE-T-ON « NATURALISME » ? (2 heures) Objectifs : - découvrir les principes du mouvement naturaliste à travers la préface de Térèse Raquin et quelques textes complémentaires d’Emile Zola - Rédaction d’une fiche d’histoire littéraire sur le naturalisme : la sélection d’informations 1 Etude de la préface de Thérèse Raquin Objectifs : - étudier le projet de l’auteur et s’interroger sur la notion de « tempérament » Texte d’étude : « J'avais naïvement cru que ce roman pouvait se passer de préface. Ayant l'habitude de dire tout haut ma pensée, d'appuyer même sur les moindres détails de ce que j'écris, j'espérais être compris et jugé sans explication préalable. Il paraît que je me suis trompé. La critique a accueilli ce livre d'une voix brutale et indignée. Certaines gens vertueux, dans des journaux non moins vertueux, ont fait une grimace de dégoût, en le prenant avec des pincettes pour le jeter au feu. Les petites feuilles littéraires elles-mêmes, ces petites feuilles qui donnent chaque soir la gazette des alcôves et des cabinets particuliers, se sont bouché le nez en parlant d'ordure et de puanteur. Je ne me plains nullement de cet accueil; au contraire, je suis charmé de constater que mes confrères ont des nerfs sensibles de jeune fille. Il est bien évident que mon oeuvre appartient à mes juges, et qu'ils peuvent la trouver nauséabonde sans que j'aie le droit de réclamer. Ce dont je me plains, c'est que pas un des pudiques journalistes qui ont rougi en lisant Thérèse Raquin ne me paraît avoir compris ce roman. S'ils l'avaient compris, peut-être auraient-ils rougi davantage, mais au moins je goûterais à cette heure l'intime satisfaction de les voir écoeurés à juste titre. Rien n'est plus irritant que d'entendre d'honnêtes écrivains crier à la dépravation, lorsqu'on est intimement persuadé qu'ils crient cela sans savoir à propos de quoi ils le crient. Donc il faut que je présente moi-même mon oeuvre à mes juges. Je le ferai en quelques lignes, uniquement pour éviter à l'avenir tout malentendu. Dans Thérèse Raquin, j'ai voulu étudier des tempéraments et non des caractères. Là est le livre entier. J'ai choisi des personnages souverainement dominés par leurs nerfs et leur sang, dépourvus de libre arbitre, entraînés à chaque acte de leur vie par les fatalités de leur chair. Thérèse et Laurent sont des brutes humaines, rien de plus. J'ai cherché à suivre pas à pas dans ces brutes le travail sourd des passions, les poussées de l'instinct, les détraquements cérébraux survenus à la suite d'une crise nerveuse. Les amours de mes deux héros sont le contentement d'un besoin; le meurtre qu'ils commettent est une conséquence de leur adultère, conséquence qu'ils acceptent comme les loups acceptent l'assassinat des moutons; enfin, ce que j'ai été obligé d'appeler leurs remords, consiste en un simple désordre organique, et une rébellion du système nerveux tendu à se rompre. L'âme est parfaitement absente, j'en conviens aisément, puisque je l'ai voulu ainsi. On commence, j'espère, à comprendre que mon but a été un but scientifique avant tout. Lorsque mes deux personnages, Thérèse et Laurent, ont été créés, je me suis plu à me poser et à résoudre certains problèmes : ainsi, j'ai tenté d'expliquer l'union étrange qui peut se produire entre deux tempéraments différents, j'ai montré les uploads/Litterature/ 2nde-therese-raquin.pdf
Documents similaires
-
22
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0452MB