Licence eden-75-ffdee4c4f128426e-baf3ad4ed95b488d accordée le 07 novembre 2022

Licence eden-75-ffdee4c4f128426e-baf3ad4ed95b488d accordée le 07 novembre 2022 à E16-00989912-ziehli-myriam Licence eden-75-ffdee4c4f128426e-baf3ad4ed95b488d accordée le 07 novembre 2022 à E16-00989912-ziehli-myriam éditions syllepse (paris) éditions du remue-ménage (québec) APPRENDRE À TRANSGRESSER L’ÉDUCATION COMME PRATIQUE DE LA LIBERTÉ bell hooks traduit de l’anglais (États-Unis) par margaux portron m Éditeur (montréal) éditions syllepse (paris) © Pour la traduction française : Éditions Syllepse 2019 69, rue des Rigoles, 75020 Paris edition@syllepse.net www.syllepse.net ISBN Papier : 978-2-84950-715-5 M Éditeur C.P . 221 Saint-Joseph-du-Lac, Québec, J0N 1M0 (Canada) https ://m-editeur.info Publié en 1994 sous le titre Teaching to Transgress : Education as the Practice of Freedom. All rights reserved. Authorised translation from the english language edition published by Routledge, a member of the Taylor and Francis Group LLC Couverture : helios figuerola garcia / h@putsh.one NOUVELLES QUESTIONS FÉMINISTES Christine Delphy Christine Delphy et Diana Leonard, L’Exploitation domestique, 2019 Sandrine Ricci, Avant de tuer les femmes, vous devez les violer !, 2019 Andrea Dworkin, Coïts, 2019 Collectif Mwasi, Afrofem, 2018 Michaël Lessard et Suzanne Zaccour, Manuel de grammaire non sexiste et inclusive, 2018 Claudine Legardinier, Prostitution: une guerre contre les femmes, 2015 Trine Rogg Korsvik et Ane Stø (coord.), Elles ont fait reculer l’industrie du sexe, 2015 Christine Delphy, Pour une théorie générale de l’exploitation, 2015 John Stoltenberg, Refuser d’être un homme, 2013 Christine Delphy, L’Ennemi principal t. 1. L’Économie politique du patriarcat, 2013 (1997) t. 2. Penser le genre, 2013 (2001) Christine Delphy (coord.), Un Troussage de domestique, 2011 Irène Jonas, Moi Tarzan, toi Jane, 2011 Christine Delphy, Un Universalisme si particulier, 2010 Patrizia Romito, Un Silence de mortes, 2006 Efi Avdela, Le Genre entre classe et nation, 2006 Catherine Deudon, Un Mouvement à soi, 2003 Christine Delphy et Sylvie Chaperon, Cinquantenaire du Deuxième sexe, 2002 *** Partisanes de la lutte contre l’ordre patriarcal, les éditions Syllepse ont décidé d’adopter autant que faire se peut une écriture non sexiste, ­ respectueuse d’une représentation genrée. Cette rupture bouscule autant nos habitudes que celles de nos lecteurs et de nos lectrices. Cet apprentissage de l’écriture inclusive ne sera pas exempt d’erreurs et d’adaptations successives. Les nouvelles dispositions que nous adoptons sont inspirées du Manuel de grammaire non sexiste et inclusive de Michaël Lessard et Suzanne Zaccour (M Éditeur/Syllepse, 2018). *** Table des matières Introduction 7 Une pédagogie engagée 19 Une révolution de valeurs : la promesse d’un changement multiculturel 27 embrasser le changement : enseigner dans un monde multiculturel 37 Paulo Freire 47 La théorie comme pratique libératrice 59 Chapitre 6 Essentialisme et expérience 75 Chapitre 7 Tenir la main de ma sœur : solidarité féministe 89 Chapitre 8 Pensée féministe : dans la salle de cours, maintenant ! 105 Chapitre 9 Savoir féministe : les intellectuel·les Noir·es 113 Chapitre 10 Construire une communauté enseignante : une conversation 121 Chapitre 11 enseigner de nouveaux mondes, de nouveaux mots 155 chapitre 12 se mesurer à la notion de classe, dans la salle de classe 163 Chapitre 13 Éros, érotisme et processus pédagogique 175 Chapitre 14 Extase : enseigner et apprendre sans limites 183 7 Introduction Les semaines qui précédèrent la décision du département d’anglais de l’université d’Oberlin de m’accorder ou non un poste permanent, j’étais hantée par des rêves où je fuyais, où je disparaissais et même où je mourais. Ces rêves n’étaient pas une réponse à la peur de ne pas être titularisée, mais au contraire à celle de l’être 1. J’avais peur d’être enfer­ mée dans le monde universitaire pour toujours. Ainsi, au lieu d’être folle de joie d’être titularisée, je tombai dans une dépression profonde et mortifère. J’aurais dû, selon mon entourage, être soulagée, ravie, fière, et je me sentais « coupable2 » de ce que je ressentais « vraiment », et de ne pouvoir le partager avec personne. Mon parcours de conférences m’emmena sous le soleil de Californie, dans le monde New Age de la maison de ma sœur à Laguna Beach, où je pus me reposer un mois. Lorsque j’évoquais mon ressenti à ma sœur (elle est thérapeute), elle m’assura qu’il était entièrement justifié puisque, me dit-elle : « Tu n’as jamais voulu enseigner. Depuis que tu es toute petite, tu as toujours voulu écrire. » Elle avait raison. Tout le monde avait toujours pensé que je deviendrais enseignante. Dans le Sud ségré­ gué des ­ États-Unis, les jeunes filles noires des milieux ouvriers avaient trois choix de carrière. Nous pouvions nous marier. Nous pouvions travailler comme domestiques. Nous pouvions devenir institutrices. Et puisque, selon le sexisme de l’époque, les hommes ne désiraient pas vraiment les femmes « intelligentes », il était entendu que d’éventuels signes d’intelligence scellaient un destin. Dès l’école élémentaire, j’étais vouée à devenir institutrice. Mais le rêve de devenir autrice existait toujours en moi. Depuis l’en­ fance, j’étais convaincue que j’enseignerais et que j’écrirais. L’écriture serait mon travail important, alors qu’enseigner serait le « travail » ­ pas-si-important-dont-j’aurais-besoin-pour-vivre. Écrire, j’en étais alors convaincue, relevait du désir privé et de la gloire personnelle, mais 1. NdT : Les mots en italique ici le sont dans le texte original, sauf mention contraire. 2. NdT : Les mots entre guillemets le sont dans le texte original, sauf mention contraire. apprendre à transgresser 8 enseigner avait à voir avec le service public, avec le fait de redon­ ner à la communauté. Pour les Afro-Américain·es enseigner – édu­ quer – était fondamentalement politique, parce qu’ancré dans la lutte ­ antiraciste. Ainsi, les écoles élémentaires que je fréquentais, réservées aux Noir·es, devinrent les lieux où je découvrais l’apprentissage comme une révolution. Presque toustes3 nos enseignant·es au lycée Booker T. Washington étaient des femmes noires. Elles étaient dévouées et cherchaient à ­ nourrir notre intellect de manière à ce que nous puissions devenir des érudit·es, des intellectuel·les, et des travailleur·euses culturel·les – des Afro-Américain·es utilisant notre « esprit ». Nous apprîmes tôt que notre dévouement à l’apprentissage, à la vie de l’esprit, était un acte contre-hégémonique, une manière fondamentale de résister à toute stratégie de colonisation raciste blanche. Bien qu’elles n’aient jamais défini ou énoncé ces pratiques en termes théoriques, nos enseignant·es pratiquaient une pédagogie révolutionnaire de résistance, profondé­ ment anticoloniale. Au sein de ces écoles ségréguées, les élèves noir·es considéré·es exceptionel·les, doué·es, recevaient une attention particu­ lière. Les enseignant·es travaillaient avec et pour nous pour s’assurer que nous remplirions notre destin intellectuel, encourageant ainsi la race noire. Iels4 étaient investi·es d’une mission. Afin de remplir cette mission, mes institutrices s’assuraient de « savoir » qui nous étions. Elles connaissaient nos parents, notre statut économique, notre lieu de culte, à quoi ressemblaient nos maisons, et comment nous étions traité·es par nos familles. Je suis allée à l’école à un moment historique, où j’apprenais d’enseignantes qui avaient aussi ensigné à ma mère, ses sœurs et ses frères. Mes efforts et mon aptitude à apprendre étaient toujours contextualisés dans le cadre de l’expérience de géné­ rations de ma famille qui m’ont précédées. Certains comportements, gestes, ou façons d’être étaient retrouvés. Aller à l’école était une joie pure. J’adorais être élève. J’adorais apprendre. L’école était un lieu d’extase – de plaisir et de danger. Être changée par des idées était un plaisir absolu. Mais apprendre des idées qui allaient à l’encontre des valeurs et des croyances apprises à la maison était un risque, et nous mettait en danger. La maison était le lieu où je 3. NdE : T oustes, pour tous et toutes. 4. NdE : Iels, pour ils et elles. introduction 9 devais me conformer à l’image, définie par d’autres, de ce que j’étais censée être. L’école était l’endroit où je pouvais oublier cette image et, grâce aux idées, me réinventer. L’école changea catégoriquement avec l’intégration raciale. Le zèle messianique de transformer nos esprits et nos êtres, qui avait caracté­ risé nos enseignant·es et leurs pratiques pédagogiques dans nos écoles noires, avait disparu. Désormais la connaissance n’était plus que de l’information. Elle n’avait aucun lien avec notre façon de vivre, de nous comporter. Elle n’était plus connectée à la lutte antiraciste. Expédié·es en bus vers les écoles blanches, nous apprîmes rapidement qu’on atten­ dait de nous l’obéissance, et non une volonté zélée d’apprendre. Une trop grande soif d’apprendre était aisément perçue comme une menace à l’autorité blanche. Quand nous avons fait nos débuts dans les écoles racistes, déségréguées et blanches, nous avons abandonné un monde où les enseignant·es étaient convaincu·es qu’éduquer des enfants noir·es correctement demanderait un engagement politique. Les cours que nous suivions étaient désormais donnés par des enseignant·es blanc·hes, et renforçaient des stéréotypes racistes. Pour nous autres enfants noir·es, l’éducation n’était plus la pra­ tique de la liberté. En réalisant ceci, j’ai perdu mon amour de l’école. La salle de classe n’était plus un lieu de plaisir ou d’extase. C’était toujours un lieu politique, puisque nous devions nous battre contre les présuppo­ sés racistes que nous étions génétiquement inférieur·es, moins aptes que les Blanc·hes, ou même carrément incapables d’apprendre. Et pourtant, ces politiques n’étaient plus contre-hégémoniques ; nous ne faisions que réagir et répondre aux Blanc·hes. Ce passage d’une école exclusivement noire, adorée, à une école blanche où uploads/Litterature/ apprendre-a-transgresser.pdf

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