Fr. Didier van Hecke, Les Miracles dans les évangiles, GB GSA, 2017/2018. 16 3

Fr. Didier van Hecke, Les Miracles dans les évangiles, GB GSA, 2017/2018. 16 3 LES RÉCITS D'EXORCISME 3 LES RÉCITS D'EXORCISME INTRODUCTION Dans le monde occidental moderne, le mot "exorcisme" fait naturellement remonter à la mémoire des images de films d'horreur. De plus, cette question de l'exorcisme révèle un abîme culturel particulièrement grand entre le Ier et le XXIe siècle ! Or, l'idée que des esprits mauvais pouvaient non seulement faire souffrir des gens mais qu'ils pouvaient aussi s'introduire en eux et s'emparer de leur corps était très répandue dans les cultures antiques (Babylonie, Assyrie, Egypte et tout le Moyen-Orient ancien). Par contre ces croyances et les rites qui les accompagnent sont généralement absents du canon hébraïque de l'Ancien Testament. L'esprit mauvais qui tourmentait le roi Saül est remarquable par l'exception qu'il constitue : 14L’esprit du SEIGNEUR s’était retiré de Saül et un esprit mauvais, venu du SEIGNEUR, le tourmentait. (1 Sm 16,14) – cf 1 Sm 16,15-23 ; 18,10-11 ; 19,9-10. Ce n'est que dans la littérature post-exilique que l'activité démoniaque devient un sujet d'une certaine importance : 7Alors le garçon posa à l’ange cette question : « Azarias, mon frère, quel remède y a-t-il donc dans le cœur et le foie du poisson, et dans son fiel ? » 8Il lui répondit : « Le cœur et le foie du poisson, tu en fais monter la fumée devant l’homme ou la femme qu’attaque un démon ou un esprit mauvais : toute attaque sera écartée, on sera débarrassé pour toujours. (Tb 6,7-8) Et, ce n'est que plus tard, dans la littérature juive de la période intertestamentaire, que la possession démoniaque devient un thème fréquent. Il n'est donc pas étonnant que les différentes traditions évangéliques attestent abondamment que Jésus a pratiqué des exorcismes. 1 LES MIRACLES DE JÉSUS ET LA DÉMONOLOGIE JUIVE 11 Démons et exorcismes au temps de Jésus 111 Un fait culturel commun La croyance aux démons et aux possessions démoniaques est un fait culturel commun sans conteste à tous les contemporains de Jésus. Les sources archaïques de cette croyance se trouvent sans doute dans l'animisme pour qui toutes les choses de la nature et toutes les manifestations des puissances que l'homme ressent comme supérieures à lui sont attribuées à des esprits favorables ou défavorables. La religion d'Israël, puis le judaïsme n'ont pas pris le contrepied de cet animisme mais l'ont discipliné pour l'accommoder à leurs propres exigences doctrinales. C'est ainsi que s'est élaborée peu à peu une doctrine des anges et des démons où on pourrait relever des éléments empruntés à toutes les civilisations d'alentour. La démonologie juive se démarque de ses parallèles païens. En effet, pour elle, la puissance du Dieu unique l'emporte absolument sur toute autre. Les forces obscures n'ont qu'un pouvoir limité et les esprits impurs restent en situation subordonnée. 112 Deux types de représentation L'exorcisme est à mettre en lien avec la notion de possession par le démon. Il s'agit de distinguer deux types de représentation : - L'attribution d'événements malheureux à des démons : Selon la conception du monde antique, le malheur, la maladie et la mort, et d'une façon plus générale, tout ce qui opprime et oppresse l'homme est considéré comme provenant d'esprits mauvais. La crainte des démons est érigée en principe de causalité. Fr. Didier van Hecke, Les Miracles dans les évangiles, GB GSA, 2017/2018. 17 L'état peu évolué de la médecine dans la Palestine du 1er siècle et les développements de la démonologie devaient entraîner presque nécessairement l'explication de nombreuses maladies par la possession diabolique. L'épilepsie est une des maladies qualifiées ainsi par les rabbins. De plus, la profession de médecin était mal considérée, parfois même assimilée au boucher ! C'est un métier qu'un père ne devait pas apprendre à son fils (Qiddushin, IV, 14). A côté du médecin, l'exorciste tient une place plus importante ! Il se réclame de Salomon et il exerce un métier noble et proche du sacerdoce. Ainsi, la maladie est souvent assimilée à la possession. - La possession proprement dite : Le démon ne provoque pas seulement maladie ou malheur, mais il prend possession de la personne. La caractéristique d'un tel état est la dépersonnalisation totale de la personne. L'exorcisme, au sens strict, correspond à cette définition de la possession. Le démon qui avait pris possession de l'homme est chassé et grâce à cette expulsion, l'homme est rendu à lui-même. 113 Guérison, exorcisme et théologie Il faut ensuite se poser la question de la signification des exorcismes et des guérisons réalisées par Jésus. Il est évident que la plupart d'entre elles ont un caractère théologique prononcé. Déjà, les prophètes de l'Ancien Testament, pour annoncer les temps messianiques, évoquaient poétiquement que les aveugles recouvreraient la vue, les sourds l'ouïe et que les boiteux bondiraient : 4Dites à ceux qui s’affolent : Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la rétribution de Dieu. Il vient lui-même vous sauver. 5Alors, les yeux des aveugles verront et les oreilles des sourds s’ouvriront. 6Alors, le boiteux bondira comme un cerf et la bouche du muet criera de joie. (Is 35,4-5) Il faut dès lors s'attendre à ce que certains récits d'exorcisme ou de guérison aient trouvé leur forme, leurs détails, sinon leur origine, dans les écrits de l'Ancien Testament : il s'agit en effet de montrer que Jésus est bien le Messie annoncé par les Prophètes. Ainsi, la guérison d'un aveugle sera l'occasion d'une catéchèse sur la foi dont les yeux permettent de reconnaître le Ressuscité. La guérison d'une surdité est un appel à être attentif à l'annonce de la Parole. La purification d'un lépreux accentue le pouvoir purificateur du Christ. Ce sens théologique des maladies devra toujours être présent dans l'exégèse des récits d'exorcisme et de guérison. 12 Les matériaux synoptiques concernant les exorcismes de Jésus Dans les évangiles synoptiques, on retrouve mention des exorcismes réalisés par Jésus dans des récits mais également dans des sommaires et dans des paroles de Jésus 121 Les récits d'exorcismes Les évangiles synoptiques présentent sept exemples distincts d'exorcisme accomplis par Jésus. Cela conforte l'idée que les exorcismes prennent une place importante dans le ministère de Jésus. 1 Démoniaque de Capharnaüm 2 Démoniaque de Gérasa 3 Lunatique 4 Démoniaque muet 5 Démoniaque aveugle-muet 6 Marie-Madeleine 7 Fille de la cananéenne Matthieu 8,26-34 17,14-21 9,32-34 12,22-24 15,21-28 Marc 1,23-28 5,1-20 9,14-29 7,24-30 Luc 4,33-37 8,26-39 9,37-43 11,14-15 (8,2) Jean On peut relever que l'Evangile de Jean n'en rapporte aucun ; sans doute pour des choix théologiques particuliers et que dans les Synoptiques, presque tous les récits d'exorcisme qui se présentent comme complets proviennent de la tradition marcienne. On peut ensuite faire une distinction entre des exorcismes qui s'accompagnent d'une guérison et des exorcismes sans guérison : - Les exorcismes seuls Les évangiles synoptiques nous rapportent trois récits présentant des expulsions de démons opérés par Jésus sans guérison : Fr. Didier van Hecke, Les Miracles dans les évangiles, GB GSA, 2017/2018. 18 - Le démoniaque de Capharnaüm : Mc 1,23-28 // Lc 4,33-37 - Le démoniaque de Gérasa : Mc 5,1-20 // Mt 8,26-34 // Lc 8,26-39 - La fille de la cananéenne : Mc 7,24-30 // Mt 15,21-28 - Les exorcismes avec guérison On trouve trois récits présentant un exorcisme et une guérison : - Le lunatique : Mc 9,14-29 // Mt 17,14-21 // Lc 9,37-43 - Le démoniaque aveugle-muet : Mt 12,22-24 // Lc 11,14-15 - Le démoniaque muet : Mt 9,32-34 La guérison de la femme voutée (Lc 13,10-17) sera étudiée dans les guérisons 122 Les sommaires Les sommaires mettent en relief le pouvoir qu'a Jésus de chasser les démons. Ces passages ont peu de portée historique car ils sont rédactionnels. Mais ils sont intéressants à un autre titre : on y découvre l'importance attachée à cet aspect de la vie de Jésus dans les milieux qui ont mis en forme de façon définitive les écrits évangéliques. Ils sont témoins d'une compréhension, comment on a interprété ce qu'on savait de la vie de Jésus. 32Le soir venu, après le coucher du soleil, on se mit à lui amener tous les malades et les démoniaques. 33La ville entière était rassemblée à la porte. 34Il guérit de nombreux malades souffrant de maux de toutes sortes et il chassa de nombreux démons ; et il ne laissait pas parler les démons, parce que ceux-ci le connaissaient... 39Et il alla par toute la Galilée ; il prêchait dans leurs synagogues et chassait les démons. (Mc 1,32-34.39 // Mt 8,16-17 // Lc 4,40-41) Ce sommaire marque la fin de la journée de Capharnaüm (Marc) et met en relief les deux aspects du ministère de Jésus : guérisons et exorcismes. 11Les esprits impurs, quand ils le voyaient, se jetaient à ses pieds et criaient : « Tu es le Fils de Dieu. » 12Et il leur commandait très sévèrement de ne pas le faire connaître. (Mc 3,11-12 // Mt 4,24-25 // Lc 6,17-19) Ce sommaire montre le succès du ministère de Jésus et mentionne les guérisons opérées par Jésus avant d'évoquer uploads/Litterature/ 3-recits-exorcisme-intro 1 .pdf

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