Sigmund FREUD (1913) “ Le thème des trois coffrets ” (Traduit de l’Allemand par

Sigmund FREUD (1913) “ Le thème des trois coffrets ” (Traduit de l’Allemand par Marie Bonaparte et Mme E. Marty, 1927). Un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: jmt_sociologue@videotron.ca Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Sigmund Freud, “ Le thème des trois coffrets ” (1913) 2 Cette édition électronique a été réalisée par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi à partir de : Sigmund FREUD (1913) “ Le thème des trois coffrets” Une édition électronique réalisée à partir de l’article de Sigmund Freud, “ Le thème des trois coffrets ”. Texte publié originalement en 1913. Traduit de l’Allemand par Marie Bonaparte et Mme E. Marty, 1927. Cette traduction a paru une première fois dans La Revue française de psychanalyse, Paris, Doin, 1927. tome I, fascicules 1, 2 et 3. L’article est aussi publié dans l’ouvrage intitulé : Essais de psychanalyse appliquée. Paris : Éditions Gallimard, 1933. Réimpression, 1971. Collection Idées, nrf, n˚ 263, 254 pages (pp. 87 à 103). Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points. Pour les citations : Times 10 points. Pour les notes de bas de page : Times, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001 pour Macintosh. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 20 août 2002 à Chicoutimi, Québec. Sigmund Freud, “ Le thème des trois coffrets ” (1913) 3 Table des matières I II Retour à la table des matières Sigmund Freud, “ Le thème des trois coffrets ” (1913) 4 Éditions Gallimard, 1933, pour la traduction française. Les traductrices se sont servies des textes contenus dans le Xe volume des Gesammelte Schriften (Œuvres complètes) de Sigmund Freud, paru en 19211 à l' « Internationaler Psychoanalytischer Verlag », Leipzig, Vienne, Zurich. Les traductions du Moïse de Michel-Ange, d'Une névrose démoniaque au XVIIe siècle et du Thème des trois coffrets ont paru une première fois dans la Revue française de Psychanalyse (Paris, Doin, 1927, t. I, fasc. 1, 2 et 3). Elles ont été ici reprises et revues. Sigmund Freud Essais de psychanalyse appliquée Traduit de l'allemand Par Marie Bonaparte et Mme E. Marty Gallimard, 1933, pour la traduction française. Paris: réimpression, Gallimard, collection idées nrf, n˚ 263, 1971, 254 pages. Retour à la table des matières Sigmund Freud, “ Le thème des trois coffrets ” (1913) 5 “ Le thème des trois coffrets ” 1 (1913) I Retour à la table des matières Deux scènes de Shakespeare, l'une gaie, l'autre tragique, m'ont donné dernière- ment l'occasion de poser un petit problème et de le résoudre. La scène gaie est celle du choix que les prétendants, dans Le Marchand de Venise, doivent faire entre trois coffrets. La jeune et sage Portia est obligée, par la volonté de son père, de ne prendre pour époux parmi ses prétendants que celui qui, de trois coffrets qu'on lui présente, saura choisir le bon. Les trois ,coffrets sont d'or, d'argent et de plomb ; le bon est celui qui contient le portrait de la jeune fille. Deux des con- currents se sont déjà retirés sans succès, ils avaient choisi l'or et l'argent. Bassanio, le 1 A paru d'abord dans Imago, Il (1913), puis dans la quatrième série de la Sammlung kleiner Schriften zur Neurosenlehre. Sigmund Freud, “ Le thème des trois coffrets ” (1913) 6 troisième, se décide pour le plomb; par là, il obtient la fiancée qui, avant même l'épreuve du sort, avait éprouvé un penchant pour lui. Chacun des prétendants avait, dans un discours, donné les motifs de son choix vantant le métal préféré et diminuant le mérite des deux autres. La plus difficile des tâches était par là échue à l'heureux concurrent ; ce qu'il trouve à dire pour magnifier le plomb par rapport à l'or et à l'argent est peu de chose et semble forcé. Si, dans la pratique de la psychanalyse, nous rencontrions un discours de ce genre, nous ne manquerions pas de flairer, derrière ces raisons peu satisfaisantes, des motifs secrètement dissimulés. Shakespeare n'a pas, lui-même, inventé le thème des trois coffrets ; il l'a pris dans un récit des Gesta Romanorum, où une jeune fille tente ce même choix pour con- quérir le fils de l'empereur 1. Et, là aussi, c'est le troisième métal, le plomb, qui porte la chance. Il n'est pas difficile de deviner qu'il s'agit ici d'un vieux thème, dont il y a lieu de chercher l'interprétation, la dérivation, et ce à quoi il faut le ramener. Une première conjecture sur ce que peut bien signifier ce choix entre l'or, l'argent et le plomb trouve son expression dans une remarque de Ed. Stucken 2, lequel s'est occupé de cette même matière dans une dissertation étendue. Voici ce qu'il en dit : « Ce que sont les trois prétendants de Portia, leur choix le montre clairement : le prince du Maroc choisit le coffre d'or : il est le soleil; le prince d'Aragon choisit le coffret d'ar- gent : il est la lune ; Bassanio choisit le coffret de plomb : il est l'enfant des étoiles. » Pour soutenir cette interprétation, il cite un épisode du poème épique populaire esthonien Kalewipoeg, dans lequel les trois prétendants sont représentés sans aucun déguisement comme soleil, lune et fils des étoiles (« le fils de l'étoile polaire ») et où, de même, la fiancée est accordée au troisième. Notre petit problème nous aurait-il ainsi orientés vers un mythe astral? Quel dommage de ne pouvoir nous contenter de cette explication! Le problème continue à se poser, car nous ne croyons pas, ainsi que le font tant de mythologues, que les mythes aient été lus dans le ciel et en descendent ; nous jugeons plutôt, avec O. Rank 3, qu'ils ont été projetés au ciel après avoir surgi ailleurs dans des conditions purement humaines. Et c'est à ce fond humain que va notre intérêt. Revenons-en à notre sujet. Dans le poème esthonien comme dans le récit des Gesta Romanorum, il s'agit du choix que fait une jeune fille entre trois prétendants. Dans la scène du Marchand de Venise, il semble que ce soit le même thème, mais, en même temps, apparaît ici une sorte de renversement de ce thème : c'est un homme qui choisit entre trois coffrets. Si nous avions affaire à un rêve, nous penserions aussitôt que ces coffrets sont des femmes, des symboles de l'essentiel chez la femme, donc de la femme elle-même, comme il en est en général des boîtes, cassettes, corbeilles, etc. Si nous nous permettons d'admettre dans notre mythe aussi ce remplacement symbo- lique, la scène des coffrets dans Le Marchand de Venise aura vraiment subi le renver- sement que nous avons suppose. D'un seul coup, et comme il n'arrive d'ordinaire que dans les contes de fées, nous avons dépouillé notre thème de son revêtement astral, et nous voyons à présent qu'il traite un thème humain : le choix que fait un homme entre trois femmes. 1 G. Brandès, William Shakespeare, 1896. 2 Ed. Stucken, Astralmythen (Mythes astraux), p. 655, Leipzig, 1907. 3 O. Rank, Der Mythus von der Geburt des Helden (Le mythe de la naissance du héros), 1909, p. 8 sq. Sigmund Freud, “ Le thème des trois coffrets ” (1913) 7 Mais tel est le sujet même d'une autre scène de Shakespeare dans l'un de ses drames les plus émouvants ; il ne s'agit plus cette fois du choix d'une fiancée et, néanmoins, on retrouve ici de secrètes analogies avec le choix des coffrets dans le Marchand de Venise. Le vieux roi Lear se décide, de son vivant encore, à partager son royaume entre ses trois filles, et ceci en proportion de l'amour qu'elles sauront lui manifester. Les deux aînées, Goneril et Régane, s'épuisent en protestations d'amour et en vantardises ; la troisième, Cordélia, s'y refuse. Le père devrait reconnaître et ré- compenser cet amour silencieux et effacé de la troisième, mais il le méconnaît, il re- pousse Cordélia et partage le royaume entre les deux autres, pour son propre malheur et celui de tous. N'y a-t-il pas là de nouveau une scène représentant le choix entre trois femmes, dont la plus jeune se trouve être la meilleure et la plus parfaite ? Aussitôt nous viennent à l'esprit d'autres scènes prises dans des mythes, des contes ou des poèmes, lesquelles ont pour sujet cette même situation. Ainsi, le berger Pâris a le choix entre trois déesses dont il déclare la troisième la plus belle. Cendrillon, de même, est, elle aussi, la plus jeune des sœurs, que le fils du roi préfère aux deux autres. Psyché, dans la fable d’Apulée, est la plus belle et la plus jeune des trois sœurs, Psyché, d'une part, révérée comme une Aphrodite devenue femme, d'autre part, traitée par cette uploads/Litterature/ theme-trois-coffrets-sigmund-freud.pdf

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