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www.comptoirlitteraire.com André Durand présente une nouvelle de seize pages de Prosper MÉRIMÉE ‘’La chambre bleue’’ (1871) pour laquelle on trouve un résumé (page 1) des notes (pages 1-5) puis un commentaire Bonne lecture ! Résumé Un couple de jeunes amants clandestins fuit la ville en prenant un train, voyageant en compagnie d'un Anglais dont ils constatent qu'il est importuné par un jeune homme inquiétant. Ils s’installent dans «la chambre bleue» d’une auberge, tandis que l’Anglais loge dans une chambre contiguë, et qu’ailleurs se trouvent des soldats. Alors que la jeune femme dort, Léon, le jeune homme, entend un grand bruit, et voit un liquide sombre passer sous la porte. Sûr que l'Anglais a été assassiné, pour préserver leur incognito et l’honneur de sa compagne qui est une femme mariée, il ne dit rien, la réveille, et ils s'apprêtent à partir le plus rapidement possible quand ils apprennent que l’Anglais a simplement cassé une bouteille de vin ! 1 Notes (la pagination est celle de l’édition du Livre de poche, ‘’Mérimée, nouvelles complètes, tome 2’’) Page 209 : - La nouvelle fut dédiée à Madame de la Rhune, nom donné par Mérimée à l'impératrice Eugénie. La Rhune est une montagne de 900 m de haut, située à la frontière espagnole, à 25 km de Biarritz. On pouvait l'apercevoir du palais de I'impératrice. Page 210 : - «la station» : La gare. Page 211 : - «Daumont» : Nom qui rappelle celui du duc d'Aumont. - «À la bonne heure !» : «C’est très bien», approbation marquée d’une manière ironique par antiphrase. - «la cloche sonna» : Le départ des trains était alors annoncé par une cloche. - «une diligence» : Voiture de première classe qui avait, en effet, la forme d’une diligence. - «Jud» : M. Poinsot, président de la quatrième chambre à la Cour impériale de Paris, avait été assassiné le 6 décembre 1860 dans un wagon de première classe. Charles Jud, l'assassin présumé, fut arrêté, mais iI réussit à s'échapper, et les vaines recherches de la police pour le retrouver furent I'occasion de nombreuses plaisanteries. Page 212 : - «banknotes» : Mérimée employa ce mot anglais sans raison puisqu’auparavant il avait parlé de «billets de banque ». Page 213 : - «la plateforme» : Le quai. - «Leave me alone, you wrecht !» : Laissez-moi tranquille, misérable !» - «Don’t drive me to despair» : Ne me poussez pas au désespoir. - «perse» : Toile peinte ou imprimée qui passait pour avoir été fabriquée en Perse. Page 214 : - «Pyrame et Thisbé» : L'histoire tragique des deux amoureux fut racontée par Ovide (‘’Métamorphoses’’, IV, 55 ss.) : un lion surprend Thisbé qui attend Pyrame ; elle réussit à s'enfuir, laissant son voile entre les griffes de la bête ; à la vue de ce voile, Pyrame croit qu'elle est morte, et il se tue ; Thisbé revient, voit le cadavre de son amant et se donne la mort. L'allusion à cette série de malentendus n'est pas sans importance dans la nouvelle de Mérimée. - «’’Louis-Philippe prêtant serment à la Charte de 1830’’» : Gravure d'après le tableau d'Eugène Devéria. - «’’La Première entrevue de Julie et de Saint-Preux’’» : Cette scène de ‘’La nouvelle Héloïse’’ de Rousseau avait été souvent représentée par les peintres. - «’’L’Attente du bonheur et Les Regrets’’, d’après M. Dubuffe» : ‘’Souvenirs’’ et ‘’Regrets’’ de Claude- Marie Dubufe, tableaux exposés au Salon de 1827, souvent reproduits au XIXe siècle. - «sa rhétorique» : Ses moyens d’expression et de persuasion. - «hussards […] chasseurs» : Deux corps de militaires qui font garnison à N***, les seconds remplaçant les premiers. Page 215 : - «pas médiocrement» : Pas peu. 2 - «combien de gens se croient isolés du monde dans un fiacre» : Ce pourrait être une allusion à la scène du fiacre dans ‘’Madame Bovary’’. Mais, dans ‘’La double méprise’’, Mérimée lui-même avait décrit une scène d'amour dans une voiture. - «absinthe» : Liqueur alcoolique toxique, très en vogue à la fin du XIXe siècle. - «Johnson […] heureux.» : Samuel Johnson, moraliste et critique anglais (1709-1784), raconta dans ‘’The rambler’’ (‘’Le rôdeur’’) l'histoire de Seged, empereur d'Éthiopie, qui, s'étant accordé dix jours de repos après la guerre, vit sa fille mourir le dixième jour. «C'est lui-même qui en a fait le récit qu'il a légué à la postérité pour exciter à l'avenir les réflexions de tout homme assez présomptueux pour dire : ‘’Demain, je serai heureux’’.» - «il l’avait pris à un Grec» : Ce peut être Solon ou Sophocle ou un autre, I'adage cité étant fort répandu dans I'Antiquité. Page 216 : - «représenter» : Faire savoir. - «corps» : Troupes. - «ratafia» : Liqueur artisanale obtenue par macération d’ingrédients divers dans de l’eau-de-vie additionnée de sucre. - «faire la noce» : Faire une partie de plaisir, se livrer à la débauche. Page 217 : - «trinquer» : Boire avec quelqu’un après que les verres aient été entrechoqués. - «éperons» : Les militaires sont des cavaliers. - «l’empire» : La puissance, le pouvoir. Page 218 : - «monde sublunaire» : Situé sous la lune ; façon plaisante de désigner la Terre. - «’’La victoire est à nous !’’» : Air très populaire, tiré de ‘’La caravane du Caire’’, opéra de Grétry, créé en 1783. - «le drôle» : Le mauvais sujet. - «indiscrètement» : Sans y avoir fait attention. - «carillonner les gens de l’hôtel» : Le verbe «carillonner» est habituellement intransitif. - «J’en donne en dix» : Autrefois (l’expression fut souvent employée par Molière), on disait «donner en dix, en cent (coups) quelque chose à deviner». - «Qu’allais-je faire dans cette galère?» : Adaptation de la question de Géronte dans ‘’Les fourberies de Scapin’’ : «Qu’allait-il faire dans cette galère?» - «l’indicateur» : L’indicateur des chemins de fer. - «’’la botte’’» : La distribution de fourrage aux chevaux. - «circonlocutions» : Expressions de la pensée d’une façon indirecte, par des détours prudents. - «euphémismes» : Expressions atténuées de notions dont l’expression directe aurait quelque chose de déplaisant, de choquant. - «du meilleur» : Du vin de la meilleure qualité. - «pingre» : Avare particulièrement mesquin. Commentaire En septembre 1866, Mérimée accompagna I'impératrice Eugénie à Biarritz. Il relata, dans une lettre à Jenny Dacquin (5 novembre 1866), que, comme on s'ennuyait, «on disputa, un jour, sur les situations difficiles où on peut se trouver, comme par exemple Rodrigue entre son papa et Chimène, Mlle Camille entre son frère et son Curiace. La nuit, ayant pris un thé trop fort, j'écrivis une quinzaine de pages sur une situation de ce genre. […] Ce n'est pas, je pense, ce que j'ai écrit de plus mal, bien que cela ait été écrit fort à la hâte. J'ai lu cela à la dame du logis. […] La chose est fort morale au fond, mais il y a des détails qui pourraient être désapprouvés par Monseigneur Dupanloup.» Il confia à Tourgueniev : «J'avais conçu mon sujet très tragique, et j'avais fait une préparation en style à quinze 3 pour mieux surprendre le lecteur. Comme la chose tirait en longueur et m'ennuyait, j'ai terminé par une bouffonnerie, ce qui est mauvais.» (lettre du 25 septembre 1866). En effet, il écrivit à la fin de la nouvelle : «Composé et écrit par Pr Mérimée, fou de S.M. l’impératrice». Cette «bluette», comme on a coutume de I'appeler, cette petite satire sociale, émaillée d'équivoques érotiques, est d’abord comique, exploitant la situation boulevardière d’amants clandestins (Mérimée s’amusant d’ailleurs à noter : «Ce qu’il y avait de déplorable, c’est qu’ils n’étaient pas mariés») qui sont gênés pour leurs ébats en dépit de toutes les précautions qui ont été prises. La nouvelle devient policière en ce sens qu’il y a un mystère (les «choses extraordinaires» dont parle l’auteur), qu’il y a le soupçon d’un crime du fait du jeune homme inquiétant. Mais ce n’en est que le soupçon, le drame est finalement escamoté, et la nouvelle redevient comique. Le comte d'Haussonville rapporta que l’auteur y voyait «un grand défaut, qui tient à ce que j'ai changé le dénoûment ; je comptais d'abord donner à mon récit un dénoûment tragique, et, naturellement, j'avais raconté I'histoire sur un ton plaisant ; puis j'ai changé d'idée et j'ai terminé par un dénoûment plaisant. Il aurait fallu recommencer et raconter l'histoire sur un ton tragique, mais cela m'a ennuyé et je l'ai laissée là.» Il semble que c'est à I'impératrice que l'Anglais doit de n'avoir pas été assassiné. Ainsi, le mécanisme de ‘’La chambre bleue’’ est le même que celui d’’’Il viccolo di Madama Lucrezia’’ : on redoute le pire, et tout s'arrange au mieux. Mais il y a dans le ‘’Viccolo’’ combien plus de grâce, d'invention, d'art en un mot l Mérimée s’amusa aussi au traditionnel tableau des mœurs de province comparées à celles de Paris, de celles des militaires par rapport à celles des civils, de celles de la France («Nous sommes la nation la plus polie de l’Europe») par rapport à celles de l’Angleterre (les Anglais uploads/Litterature/ 379-merimee-la-chambre-bleue.pdf

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