NOTE SUR L'ARC DIT DE TRAJAN A TIMGAD Dans une collection qui s'intitule << arc

NOTE SUR L'ARC DIT DE TRAJAN A TIMGAD Dans une collection qui s'intitule << architecture universelle )) a paru en 1965 un volume consacré à l'Empire romain (1). Nous nous limiterons ici à l'examen du para- graphe consacré à l'arc de Timgad, dit de Trajan, un monument sur lequel l'auteur du texte émet une opinion qui diffère de celles de ses devanciers (2). On admettait généralement jusqu'ici que cet arc ne pouvait être attribué à l'époque de la fondation de la colonie. Il aurait été construit plus tard, mais toutefois avant le règne de Septime Sévère (3). Gilbert Picard croit pouvoir affirmer pour sa part que l'arc est bel et bien contem- porain de la création de la ville en 100 de notre ère (4). D'après lui il existerait une relation étroite entre cette porte monumentale et le decumanus maximus qui y aboutit. La rue est bordée de portiques qu'il compare à ceux des avenues à colonnes des cités orientales. Les trois baies de l'arc donneraient respectivement passage à la chaussée et aux trottoirs abrités par ces galeries. La composition du monument ne s'expliquerait en outre qu'en fonction de la rue. <<Pour mieux établir la liaison)) nous dit-on<< l'archi- t ect e a encadré chacune des portes mineures dans un édicule qui se détache en avant corps sur la masse du pylône. Celles qui étaient tournées vers l'intérieur de la ville servaient ainsi de décor de fond à chacun des portiques )) (5). Ces interprétations reposent sur une fausse impression (6) et montrent que toute la documentation existante sur ce monument n 'a pas été consultée. En premier lieu, les portiques du decumanus de Timgad ne sauraient être comparés aux grandes colonnades orientales (7). Ces dernières appartiennent à des galeries ( 1\ Empire romain , texte de G. Picard, photos de Y van Butler, préface de Paolo Portoghesi, Oflice du livre, Fribourg, 1965. Cet ouvrage a fait l'objet de critiques pertinentes : cf. A. Corboz, dans Bull. mensuel d'inf'ormalion de la S .A.D. G, avril1966, no 146, qui relève notamment certains points de vue " extravagants» de l'auteur du texte, p. 140. (2) P. 17-18, 19-25 (photographie), p. 174-175. On notera que l'orientation du plan, p. 17-18, est fausse. (3) Chr. Courtois, Timgad, anlique Thamugadi , Alger, 195 1 (avec bibliographie antérieure, p. 100-101 ), p. 48-50. (4) Op. 1. p. 174. (5) Ibid. (6) Et aussi sur l'adoption sans critique d'une opinion de L. Crema, L 'archillelura romana, 1959, p. 442 (prétendue relation étroite de l'arc avec la rue). (7) On trouve aussi de grandes colonnades en Afrique septentrionale, à Lepcis Magna et aussi à Utique, cf. A. Lézine, Utique, notes de topographie, dans Mélanges A. Piganiol, Paris, 1966, p. 1241 sq. www.cnra.dz 124 A . LÉZ INE _j!L ;-----1 '-......... ' ). -----: ........... 1 . .. , : ....... 1 1 ...... j 1 Fig. 1. www.cnra.dz NOTE SUR L 'ARC DIT DE TRAJAN A TIMGAD 125 Fig. 2. continues. Les portiques de Timgad se limitent à la largeur des insulae devant lesquelles ils se trouvent (1) (fig. 2). Ils sont interrompus au passage de toutes les rues dirigées du nord au sud. Ils n'ont aucun contact avec l'arc étant donné qu'un cardo passe précisément devant ce monument (fig. 2). Il est donc inexact de prétendre que les ouvertures latérales donnent passage aux trottoirs des portiques du decumanus . ( 1) Plans à grande échelle dans A. Ballu, Théâtre et forum de Timgad. État actuel el r estauration , Paris, 1902. Chr. Courtois, op. l. : dépliant. Ils se composent de 7 travées soit 6 colonnes el '2 piliers carrés aux extré- mités. cf. 1 -1. Wimmer, M. Vi limkova, Tloman arl in A(rica, London, 1963, fig. '27. - On trouve des portiques discontinus analogues à ceux-ci à Tipasa, Volubilis, etc. www.cnra.dz 126 A. LÉZINE La direction de l'arc est très différente de celle des rues de la colonie, comme il est fa cile de le voir en consultant les plans publiés depuis plus d'un demi-siècle (1). Mais il n'est même pas besoin d'avoir recours à ces ouvrages anciens pour s'en convain- cre. La grande photographie qui illustre le paragraphe incriminé en fait elle-même la démonstration (2). Notre fig. 1 est un calque exact de cette image. Nous y avons ajouté la restitution de l'un des portiques du decumanus. La recherche des points de fuite de la perspective apporte la preuve mathématique de la différence d'orientation de l'arc et de la rue (3) . Le plan de l'ouvrage n 'est pas parallèle aux cardines, il s'incline davantage vers le nord-ouest. On contrôle ce résultat sur les plans de A. Ballu. La différence est de l'ordre de 4°5. L 'importance de l'écart permet d'exclure toute idée d'une erreur d'implantation (4). Au-delà de la limite occidentale de la colonie, on trouve le prolongement du decumanus qui traverse le <<faubourg>> (5) de l'ouest en s'infléchissant fortement vers le nord. L'orientation donnée à l'arc constitue ainsi une transition entre les tracés tout à fait différents du decumanus de la colonie et celui du <<faubourg>>. Or l'aménagement de ce dernier est sûrement postérieur à la fondation de la ville (6). Si les deux axes de circulation avaient été contemporains, le constructeur de l'arc aurait adopté un parti difTérent. En effet, il est arrivé aux Romains de construire des portes monumentales au point de jonction de deux axes de circulation préexistants et difTéremment orientés. Le plan de l'arc a pris alors une forme triangulaire de façon à rendre chacun des grands côtés perpendiculaires à l'axe de circulation correspondant (7). Il en existe un exemple à Palmyre (8) et un autre à Gerasa qui date précisément de l'époque de Trajan (9). Venons-en maintenant au prétendu<< décor de fond>> que constitueraient pour les portiques du decumanus les compositions architecturales encadrant les deux passages latéraux. Nous avons déj à vu que les portiques n'avaient aucune liaison avec l'arc : les supports extrêmes vers l'ouest des colonnades en sont distants de 12,50 m. En prolongeant jusqu'à sa rencontre avec l'arc l'alignement intérieur de la colon- nade d'un portique on verrait qu 'il tombe à l'intérieur de la petite porte (ligne AB, fig. 1) tandis que la sous-face de l'épistyle arriverait un peu au-dessus de l'allège de la niche rectangulaire. A moins de se placer près de son extrémité occidentale, un pas- sant circulant sous le portique aperçoit donc une surface très réduite et sans grand intérêt du décor dont on voudrait nous faire croire qu'il a été spécialement créé pour lui. (1) A. Ballu, op. l. (2) P. 25. (3) Les poin ts de fuite est-ouest de l'arc sont obtenus par la recherche des fuyantes des tableaux de baies. A cet effet on a construit les rectangles exinscrits aux images des ouvertures terminées par des arcs. (4) Une hypothèse que l'on pouvait exclure a priori en raison de la rigueur géométrique du tracé d'en- semble de la colonie. (5) Appellation traditionnelle quoique impropre des agrandissements que la ville a subi vers le milieu du ne siècle. Il s'agit en fait de quartiers de la nouvelle ville, dont la Colonie de Trajan ne constitue plus qu'un noyau ancien. (6) Cf. infra. (7) Ce type de plan est représenté en pointillé sur notre fig. 2. (8) L. Crema, op. l., p. 445, fig. 562, 563. (9) Ibid., p. 445; fig. 560: il date de 11 5 après J.-C. www.cnra.dz NOTE SUR L'AR C DIT D E TRAJAN A TIM GAD 127 Comme on vient de le voir, il ne reste rien des arguments avancés en faveur d'une attribution de l'arc à Trajan, étant démontré qu'il n 'a aucune liaison organique avec des compositions architecturales datant effectivement de la colonie ( 1 ). On connaît, à Timgad, plusieurs autres arcs ou portes monumentales. A l'opposé de celui qui nous occupe, on trouve, à la limite de la Colonie, une porte monumentale datée de 146 (2) . De cette porte un prolongement du decumanus conduit à un autre arc, situé à l'extrémité orientale du <<faubourg >>. Il date de 171 (3), soit de la même époque que la porte du<< faubourg>> occidental, construite entre 166 et 169 (4). Au nord, subsistent des vestiges d'une porte placée à l'entrée du cardo max imus (5) Elle est d'une architecture tout à fait différente des quatre autres. Il en reste peu de chose, mais assez pourtant pour voir que son ouverture centrale était flanquée de demi-colonnes engagées à fûts lisses et reposant sur des bases attiques (6). On estime à juste raison que cette porte est la seule des cinq qu'il soit possible d'attribuer à l'époque de Trajan. Elle aurait d'ailleurs été restaurée en 149. Les autres portes, datées de 146 à 171 , sont d'une architecture homogène. Elles comportent des colonnes de marbre détachées et dont les fûts sont cannelés et rudentés. Les éléments qui en subsistent sont tout à fait semblables à leurs homologues de l'arc dit de Trajan (modénature des socles, bases, fûts de colonne cannelés et rudentés, pris dans deux uploads/Litterature/ 5-note-sur-larc-dit-de-trajan-a-timgad.pdf

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