RHNT(}RI{}T]E OU DE LA flOI,IPOSITIOI{ ORÀT0NB ET IITTIRAIM, PAB A. DAAON. DEUx
RHNT(}RI{}T]E OU DE LA flOI,IPOSITIOI{ ORÀT0NB ET IITTIRAIM, PAB A. DAAON. DEUxrÈMp Éormolr. ? BRUTELLES, ttBRÀrRIE polyrncuNrQun t'eua. DËce, RtE DE'! utontrrns, 9. It63 P[TilFACH. La première édition de ee livre n'avait ni préface, ni avant-propos. II me semblait que mon intention, en le composant, s'expliquait assez d'elle-même, et je voulais que le public et ceux surtout auxquels l'ouvrage est plus spécialement destiné pussent se prononcer sur sa valeur sans apologie ni cqmneentaire préatrable. L'édition a été rapidemcnt épuisée; un jury cornposé des hommes Ies plus compétents lui a décerné le prix quinquennal de littérature française, et le conseil de per- fectionnementde l'enseignemént moyen I'a adopté comme livre elassique, I)'autre part, quelques personnes ont paru n'en avoir pas bien compris le dessein, et lui ont adressé des r€pro. ches plus ou moins fondés. Pour répondre à l'honneur que m'ont fait et mes juges et mes oitiques, je crois devoir faire précéder cette édi- tion nouvcllc de quelques lignes d'explieation. { 2 PnÉFAcE. lrente ,ns de ma vie se sont écoulés dans les fonctions cle professeur cle rhétorique. Cette longue expérience m'a permis, au moins je le pense, de bien connaltre la nature et les besoins intellectuels des jeunes gens qui suivent ce cours. Une remarque m'a frappé, et j'en appelle ici aux sou- venirs de tous ceux qui ont passé par les écoles publiques, c'est que I'immense majorité de ces jeunes gens éprouve une invincible répugnance pour les Mtr,nuels, Traités, Coars, et en général pouf tous les écrits élémentaires sur l'art qu'ils apprennent. Cette répugnance a deux causes : presque tous ees ouvrages affectent une forme sèche et exclusivement didactiquer.qui rebute l'élève. On dirait qu'auxyeux de leurs auteurs dépouiller un instant la robe doctorale et se faire quelque peu de leur temps pour Ia formé ou pour le fond soit une sorte de sacrilége. En second lieu, rôproduisant des préceptes déjà con- nus, la plupart négligent d'en faire ressortir le vrai sens, l'application réelle et présente. Assurément un traité de géométrie n?est pas une lecture plus récréative qu'un traité de rhétorique, mais l'élève comprend toujours Ia néces- sité du premier, rarement il voit aussi nettement celle de I'autre. Ainsi, ennuyeux et inutile : voilà les deux griefs qu'ar- ticulent contre les traités de rhétorique ceux même aux- quels ils sont destinés. . Et notez qu'il ne s'agit pas ici d'espiègles écoliers que tout livre didaetique ennuie par lui-même et quelle qtt'en PnÉFÂCr:. 5 soit la formel mais de jeunes gens qui comparent, dis- tinguent, choisissent, s'intéressent à ce qui es[ vraiment intéressant. Combien de fois n'en ai-je pas eu la preuve? Combien de fois n'ai-je pas retrouvé, danb la vie, d'an- ciens élèves, devenushommes, {ui se rappelaient etme rappelaien[ ayec dôlices non pas les récréations et les plaisirs, mais les leçons et les travaux de la rhétorique? Avant tout donc ce livre, dans mon idée, devait êre composé de façon que Ia lecture en firt, sinon amusante, du moins intéressante. Non pas que je sois de l'avis de M. Cousin, lorsqu'il disait, en sa qualité de ministre e[ dans une eirculaire officielle : u La rhétorique actuelle doit être un cours de littérature générale. u Je ne confonds point avec la théorie d'un art l'histoire universelle de cet art. Ce que j'aime en un traité de ce genre, coest une méthode régulière, mais se détournant à dessein en quel- ques digressions rapides, et s'écartant, sans s'égarer, des limites rigoureuses; c'est l'exposition des préceptes eonsa- crés, mais en les expliquant, en Ies modernant, cornme disent les architectes, en donnant toujours le cad bono actuel, en présentant une causerie avec des lecteurs, plutôt qu'une dictée à des élèvesl c'esr un style didacri- lluer saûic doute, mais animé quand le sujet le comporte, fleuri avec réserve, et qui garde cette couleur indivi- duelle, seul moyen de donner du relief et de la vie aux produits de I'art. Voilà ce que j'ai voulu; à d'autres de dire si je l,ai fait. $flais je I'ai voulu d'autant mieux que, dans ma pensée, ce livre n'est pas exclusivement destiné aux rhétoriciens, PNEFACE. et que je ne vois pas pgurquoi les étudian[s des univer- sités, les jeunes avocats, les homrnes du rnonde n'y pour- raient pas trouver plaisir et profit. Comnre cependanf l'ouvrage est redigé, avant tout, pour la jeunesse des écoles, j'ai voulu aussi avant tout qu'il fùt moral et féeond en bonnes e[ saines inspirations; je n'au- rais pu le vouloir autre. Mais entendons-nous bien, et que personne ne s'y trompe. Je cornprends par rnoralité cetrle du citoyenr- de l'hornrne d'ltonneur, de l'homme actif et pnaûique destiné à vivre et à comrnuniquer avec les auFes hornmes, celle qui nous donne une idée saine de nos droits comme de nos devoirs, qui inspire l'amour de la vérité, de la justice, de l'humanité, et cet[e dignité de bon goût qui repousse également la pruderie hypoerite et les sophisrnes de I'impudeur. .Ie n'ai point reculé devant certaines idées, certains faits et certains hommes. On trouvera dans ce livre, à côté des noms de Flaton, de Cicéron, de Fascal, de Eossuet, de Massillon, de Fléchiert ceux d'Arisûophane, deCatulle, deMolière, de Voltaire, tle Jean Jacques, de Béranger et de bien d'autnes; parce que, selon moi, il est ric{icule pour un homme bien élevé d'ignorer et de blârner ce que ces derniers ont de bien t comrne il lui serait, honteux de.rechercher et de:louer ce qu'ils ont de mal; parce qu'il vaut mieux que l'élèvevoie de telles choses avec le professeur qui saisira I'occasion de lui apprenclne ce qui est à fuir et ce qui es[ à suivre, que c{e les voir seull parce qu'un systèrne absolu de réti- cence, de dissimulation et de mensonge est, dans l'écluca- tion publique, le plus pernicieux, à mon gré, de totis les PIIT'FACE. systèmes. Car ce que vous croyez cacher à vol,re élève de clixJruit ans, il le sait déjà, àu le saura demain; mais, comme vous ne serez plus là, il s,en fera juge, et là est le danger. Que le professeur montre à l,élèvÀ lé md comme le bien, mais qu'il se réserve ctapprécier et de lui faire apprécier tr'un et I'autre, et l,élève s'en rapportera à lui, si le professcur est ce qu'il doit être, dest-a-àire honnête, franc et habile.. _ .Après cela, je n'ignore pas que cette franchise mêrne demande de la discrétion et cle la mes*re; mais, cette mesure, I'ai-je gardée? En dé{initive, Ie je*ne honnme sortira-t-il de cette lecturc avec de meilleurs sentirnents et un plus vif désir d'être homme cle bien? .tre m'en rap- porte là-dessus avec pleine conliance auxjuges impartiaux gt de bonne foi, les seuls que j,accepte, ies seuls qui ont droit de prononeer. Qu'il rne soit permis maintenant d,ajouter à ce peu de rnots quelques réflexions qui terminaient la premiêre édition, et auxguelles je n'ai rien à changer , n Je sais bien qu'il manque encore beaucoup à ce livre, t1u'il répond pal au travail que j? ,i dépense, qu'en un motr comme bien d'autres ehoses hurnaines, institutions, révolutions et plaisirs, il ne vaut pas ce quII a eoùté, .Ie rn'en console en disant avec euintilien qu'il sulTit à I'honnête hornme d'avoir eherehé à apprendr. ,u* autres ce gu'il savait z id, uiro bono sntis est, d,ocuisse quod, sciret.' ll y a ici peu de propositions réellement neuves, mais où trouver du neuf aujourcl'hui? $lotre âge innove beau- 4. 6 PRÉFac&. coup dans les faits, I'ignorance seule s'imaginerait qu'il innove dans les idées. Pour moi, en exposant ce que je savais, je n'ai point, je l'avoue, cherché à innover, et cela pour trois motifs. D'abord, je ne prétendais pas écrire poor ceux qui saYent, mais avant tout pour ceux qui apprennent : mos instî'tuti,onem professi non solurn scien' ti,bus ï,sta, sed, etiam discentibus tradimas. Ensuite, que bien des choses aient été clites, si je les ai pensées égale- ment, si surtout elles sont utiles et oubliées, pourquoi ne pas les redire? Rappelons-nous le mot de la Bruyère : * Horace ou Despréaux l'a dit avant vous. - Je le crois sur votre parole, mais je l'ai dit cornme mien. Ne puis'je pas penser aprês eux tlne chose vraie, et que d'au[res encorc penseront après moi? ,, Enfin, il est cles sujets fort anciens de leur nature, dans lesquels il n'est pas seulement pès-dilficile, mais très-hasardeux d'être neuf. Dans celui qui m'occupe, après avoir lu bien des an- ciens et des modernes, je me suis aperçu que ceux-ci suivaient presque toujours eeux-là, et que, lorsqu'ils s'en écartaient, le plus souvent ils faisaient fausse route. [Jn critique a loué Montesquieu en disant : il fut assez pro- fond pour n'être pas novateur. En certaines matières, si I'on ne veut pas s'égarer, I'innovation ne doit consister que dans une disposition différente, et dans les additions que réclament les besoins cle l'époque. u Il y a des gens, dit Fascal, {ui voudraient qu'un auteur ne parlât jamais des choses dont les autres ont parlé, autrement on I'ac- cuse de ne rien dire de nouYeau' Mais si les matières uploads/Litterature/ a-baron-de-la-rhetorique.pdf
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- Publié le Nov 09, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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