Marie-Christine Villanueva Puig A propos de quelques noms de ménades attiques i

Marie-Christine Villanueva Puig A propos de quelques noms de ménades attiques inscrits In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 13, 1998. pp. 159-171. Résumé A propos de quelques noms de ménades attiques inscrits (pp. 159-171) Ont été sélectionnés parmi les nombreux noms de ménades inscrits sur les vases attiques, quelques exemples susceptibles d'une traduction visuelle dans l'apparence, la gestuelle, l'activité des personnages représentés. Trois types de relation peuvent s'instaurer entre la figure et son nom inscrit. Ce dernier peut être en harmonie avec ce que le peintre représente, cette coïncidence vient renforcer l'image. Il peut n'entretenir aucun lien précis avec la représentation et constitue dans ce cas comme un ajout à l'image, une résonance supplémentaire. Enfin, et c'est l'usage le plus rare, il se présente comme en décalage manifeste par rapport à la représentation, comme un commentaire fort à l'image dont il accentue les caractéristiques par opposition. Citer ce document / Cite this document : Villanueva Puig Marie-Christine. A propos de quelques noms de ménades attiques inscrits. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 13, 1998. pp. 159-171. doi : 10.3406/metis.1998.1080 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1998_num_13_1_1080 A PROPOS DE QUELQUES NOMS DE MÉNADES ATTIQUES INSCRITS Ma participation à ce débat consiste dans la présentation d'un court dossier concernant les représentations de ménades portant un nom inscrit par le peintre. Elles posent la question du rapport entre ce nom, son contenu sémantique et l'aspect de la compagne du dieu tel qu'il apparaît sur le vase, attributs, attitudes, activités, une forme des échanges entre le texte et l'image qui constitue le thème de cette réunion. Trois remarques préliminaires s'imposent : D'abord, des noms multiples attestés dans les textes littéraires, ménades et bacchantes bien sûr mais aussi thyiades, lenai, bassarides, mimallones, klodones, seuls les deux premiers, de loin les plus courants, sont utilisés par les peintres de vases. De plus, ces noms de bacchantes et de ménades ne figurent pas sur les vases comme pluriel collectif. Les ménades comme groupes ne sont pas nommées par les peintres alors que Sophilos utilise le collectif Nusai. Il s'agit d'un dinos fragmentaire de l'Acropole d'Athènes daté vers 580 et représentant le cortège de divinités se rendant aux noces de Thétis et de Pelée'. Trois visages féminins sont conservés avec l'inscription Nusai qu'on a parfois voulu corriger en Nuphai. Personnellement, j'ai tendance à garder le texte Nusai, désignant des nymphes spécialement liées à Dionysos2. En ce 1. Acr 587 : AB V 39/15 ; G. Bakir, Sophilos, Mayence, 1981, pp. 64-65 A2 : «NUSAI wohl fiir NUFAI cf. dinos de Londres 1971.1 1-1.1», T. H. Carpenter, Dionysian Imagery in Archaic Greek Art, Oxford, 1986, pp. 9, 82, note 25 : «case of mispelling» ; A. Henrichs, «Myth vizualized : Dionysos and his Circle in Sixth Century Attic Vase-Painting», in Papers on the Amasis Painters and His World, Malibu, 1987, p. 117, note 41 : Nusai ; H. R. Immerwahr, Attic Script a Survey, Londres, 1990, p. 21, no 61 «Nus(s)ai»; LIMC VIII, s. v. Nysai, no 2 et pi. 598. 2. Outre les nymphes de Nysa considérées comme les nourrices de Dionysos (Hymne homérique à Dionysos II v.3-5), Terpandre aurait fait de Nussa la nourrice de Dionysos : Greek Lyric, II éd. Loeb, 1988, p. 319, no 9. 1 60 Marie-Christine villanueva puig qui concerne notre propos, nous avons un nom collectif de femmes sans doute liées à Dionysos. La situation se reproduit sur le vase François3 dans les années 570 sur la frise du retour d'Héphaïstos dans l'Olympe Le dieu est suivi des membres du thiase aux noms inscrits silenoi et nuphai. Elles sont identifiées comme «nymphes» tout en ayant déjà les caractéristiques de proto-ménades. Des deux qui sont partiellement conservées, l'une joue des cymbales, l'autre est enlevée par un satyre. A ma connaissance, les peintres n'usent pas de collectif de ce type pour les ménades. Lorsqu'ils emploient mainas ou bakche, c'est au singulier comme un nom propre qui caractérise une figure comme de nombreux autres noms relevés par A Kossatz-Deissmann dans son étude de 19914. Ces noms sont nombreux et il n'est pas question de les énumérer tous. En opérant un classement un peu schématique, je dirai qu'un premier groupe tourne autour de la beauté de la femme représentée : Kalé, Kalis ou des expressions plus complexes célébrant la blancheur de son teint par exemple. Un deuxième groupe de noms tourne autour des liens du personnage avec le monde végétal : Kissé, Kissiné, Ampélis, Antheia, etc. D'autres reçoivent leur nom d'un type de lieu avec lequel elles ont un rapport privilégié : Antro, Oreias. L'univers de la vigne et du vin fournit plusieurs appellations. La musique donne leur nom à Eumolpé et à Melousa, tandis que la danse est représentée par de nombreux noms : Choranthé, Choreia, Choro, etc. Les genres théâtraux ont fourni Komodia et Tragodia. Enfin, des noms de satyres apparaissent féminisés : on connaît la ménadé Satyra ou encore Simé féminin de simos «au nez camus». «Bacchante» et «ménade» sont utilisés exactement de la même manière, comme nom propre d'une figure. J'ai opéré parmi ces nombreuses appellations un choix de quelques noms susceptibles d'une traduction visuelle dans l'apparence, la gestuelle, l'activité des personnages représentés. J'ai sélectionné Ménade et Bacchante qui expriment tous deux un état paroxystique de folie ou de possession par Bacchos, les noms qui on trait à la danse : Choranthé, Choreia, Choro, Dina qui expriment le tourbillonnement et Terpsikomé, «qui se plait au komos» et un troisième groupe qui a trait à la consommation du vin et à ses effets : Philopos pour philoposia indiquant l'amour de la boisson, Méthysé qui 3. Florence 4209 : ABV 76/\ ; H. R. Immerwahr, op. cit., pp. 24-25 ; Bôlletino d'Arte, série spéciale 1, 1977, fig. 137, 243 et 244. 4. A. Kossatz-Deissmann, «Satyr- und Manadennamen auf Vasenbilder des Getty- Museums und der Sammlung Cahn (Basel) mit Addenda zu Charlotte Frankel, Satyr- und Bakchennamen auf Vasenbildern (Halle, 1912)», in Greek Vases in the J. Paul Getty Muséum, 5, 1991, pp. 131-199 (ci -après Manadennamen). A PROPOS DE QUELQUES NOMS DE MÉNADES ATTIQUES INSCRITS 161 exprime l'ivresse et Kraipalé plus précis désignant la tête lourde après boire. Enfin j'ai retenu deux noms qui sont pure provocation comme noms de ménades : GaJéné, la calme et Eiréné, la paix, même s'il s'agit de deux exemples qui fonctionnent très différemment sur les images. En schématisant, je dirais que trois types de relation peuvent s'instaurer entre la figure et son nom inscrit. Ce dernier peut être en harmonie avec ce que le peintre représente, cette coïncidence vient renforcer l'image. Il peut n'entretenir aucun lien précis avec la représentation et constitue dans ce cas comme un ajout à l'image, une résonance supplémentaire. Enfin, et c'est l'usage le plus rare, il se présente comme en décalage manifeste par rapport à la représentation, comme un commentaire fort à l'image, dont il accentue les caractéristiques, par opposition. Je vais donc présenter ces quelques exemples5. Il est clair qu'une telle étude ne peut être menée que dans un cadre chronologique tant les habitudes varient dans l'esprit et la composition des scènes comme dans l'usage des inscriptions qui, pour une part, en découle. Les peintres attiques à figures noires nomment très rarement les figures dionysiaques. Les peintres du début de la figure rouge et les Pionniers se distinguent par un usage particulier de l'inscription par rapport au personnage représenté. Les exemples sont peu nombreux mais riches de signification. Le milieu et le troisième quart du Ve siècle connaissent des thiases calmes et voient se multiplier les exemples : grande variété de noms et rapport différent entre ceux-ci et l'image. Enfin la dernière partie du Ve siècle voit un changement des usages. Le thiase s'anime à nouveau. L'usage de l'inscription est assez fréquent, mais la relation entre le nom et le personnage a changé. Je dirai d'abord un mot des noms très rares de ménades à figures noires, avant de présenter les quelques noms que j'ai retenus dans l'ordre chronologique de leur apparition mais en regroupant, pour la clarté de l'exposition, tous les exemples d'un même nom. Les peintres à figures noires nomment peu souvent les ménades. L'usage d'un pluriel collectif, nous l'avons vu, n'est pas attesté. Un cratère à colonnettes fragmentaire de Lydos naguère au Musée Getty6 et maintenant au Metropolitan Muséum de New York, daté vers 550-540, traite, comme le cratère conservé dans son ensemble à New York7, du retour d'Héphaïstos dans l'Olympe. Une ménade porte le nom de Philopos où l'on restitue 5. Les lectures qui n'ont pu être vérifiées sur le vase lui-même ou sur une publication particulière de l'objet sont empruntées à A. Kossatz, Manadennamen. 6. L 87 AE 120 4 : A. Kossatz, Manadennamen, pp. 136-137, fig. 2. 7. New York 31.1 1.1 1, D. von Bothmer, Greek Vase Painting, no 7. 1 62 MARIE-CHRISTINE VlLLANUEVA PUIG Philoposia, amour de la boisson sans que rien dans l'attitude du personnage, tel qu'il est conservé du moins, ne dénote ce penchant. Le nom inscrit ici fonctionne comme un ajout à l'image, uploads/Litterature/ a-propos-de-quelques-noms-de-menades-attiques-inscrits.pdf

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