Brill Chapter Title: Le contexte grec : démons, δαίμονες et δαιμόνια dans les t

Brill Chapter Title: Le contexte grec : démons, δαίμονες et δαιμόνια dans les traditions grecques et hellénistiques Book Title: L’imaginaire du démoniaque dans la Septante Book Subtitle: Une analyse comparée de la notion de “démon" dans la Septante et dans la Bible Hébraïque Book Author(s): Anna Angelini Published by: Brill. (2021) Stable URL: https://www.jstor.org/stable/10.1163/j.ctv29sfq5d.8 JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. 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Brill is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to L’imaginaire du démoniaque dans la Septante This content downloaded from 194.254.129.28 on Tue, 21 Mar 2023 15:01:47 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms © Anna Angelini, 2021 | doi:10.1163/9789004468474_004 This is an open access chapter distributed under the terms of the CC BY-NC-ND 4.0 license. chapitre 2 Le contexte grec : démons, δαίμονες et δαιμόνια dans les traditions grecques et hellénistiques Dans une communication datant de la fin des années 80, et afin de mieux saisir la complexité religieuse de cette notion, Vinciane Pirenne soulignait la nécessité d’approcher l’étude du δαίμων grec en analysant ce terme dans cha- cun des contextes d’usage dans le cadre de l’histoire de la langue et de la litté- rature grecque1. Les études récentes semblent encore poursuivre cette ligne de recherche car nombre d’ouvrages se penchent sur l’analyse du terme dans des contextes littéraires spécifiques, à savoir : la poésie archaïque, la philosophie platonicienne et post-platonicienne, les papyri magiques, etc.2 Le but de ce chapitre n’est donc pas de retracer une histoire de la notion du δαίμων dans la pensée grecque, sur laquelle il existe désormais une littérature spécifique, ni d’offrir un répertoire complet des démons de la Grèce ancienne (bien que celui-ci reste un sujet qui mériterait peut-être une nouvelle vue d’ensemble). J’essayerai plutôt de fournir le cadre culturel et religieux dans lequel situer et comprendre l’apport de la LXX à la discussion sur les démons dans l’Antiquité classique et tardive. Ma réflexion portera notamment sur trois aspects. En pre- mier lieu, j’essayerai de voir dans quelle mesure les traits qui caractérisent les démons au Levant apparaissent également dans la tradition grecque et quelles sont, en revanche, les configurations propres à la catégorie de démon en Grèce ancienne. Deuxièmement, j’explorerai les relations entre la catégorie de δαίμων et celle de démon, telles qu’elles se configurent à l’époque hellénistique. En conclusion, j’analyserai les traits spécifiques de la notion de δαιμόνιον, qui est le mot le plus fréquemment employé dans la LXX à l’époque hellénistique, ainsi que les rapports entre δαίμων et δαιμόνιον. À cet égard, deux constats nous servirons de point de départ. D’un côté, il y a un manque de correspondance en grec classique entre δαίμων et démon. Comme cela a été mis en évidence depuis longtemps, le premier terme est sou- vent utilisé comme synonyme de θεός tout au long de l’histoire de la langue grecque. D’un autre côté, comparé à la stabilité de θεός, δαίμων et les mots qui lui sont apparentés ont une histoire sémantique beaucoup plus complexe et 1 Pirenne-Delforge 1989, p. 224. 2 Voir, par exemple, Sfameni Gasparro 1997, id. 2001, 2009, p. 87–118, 2015 ; Timotin 2012 ; Pachoumi 2013 ; Crossignani 2015 ; Greenbaum 2016 ; Pan 2016. This content downloaded from 194.254.129.28 on Tue, 21 Mar 2023 15:01:47 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 52 chapitre 2 variable. Non seulement ils connaissent une série d’évolutions et de change- ments selon les périodes et les genres littéraires3, mais la polysémie du terme δαίμων opère à l’intérieur d’un même contexte littéraire, et ce, depuis le début de l’histoire du mot. Un exemple, parmi les nombreux d’une telle polysémie déjà à l’œuvre dans la lyrique archaïque, est représenté par le nouveau fragment de Sappho publié par Dirk Obbink4. Là, la poétesse, en attendant le retour de son frère qui a pris la mer, confie son voyage aux dieux (δαιμόνεσσι), selon une formule assez typique de la poésie lyrique : τὰ δ’ ἄλλα πάντα δαιμόνεϲϲ̣ιν ἐπι̣τ̣ρό- πωμεν, « pour tout le reste, il faut nous en remettre aux dieux ». Quelques vers plus tard, δαίμων apparaît encore au singulier dans une expression de compré- hension plus difficile, dont le sens est encore débattu : τῶν κε βόλληται βαϲίλευϲ Ὀλύμπω δαίμον’ ἐκ πόνων ἐπάρ{η}’ω’γον ἤδη περτρόπην. Le problème dérive du fait que la leçon du papyrus présente un oméga en correction suscrite sur l’êta. L’expression pourrait alors être comprise comme : « parmi ceux à qui le souve- rain de l’Olympe souhaite à présent une divinité comme adjuvante, pour les défendre contre des difficultés », ou « de ceux à qui le souverain de l’Olympe souhaite maintenant retourner le sort, des difficultés vers le mieux ». En tout cas, il paraît clair que le terme peut être compris dans un sens partiellement ou radicalement différent du précédent, soit comme « esprit protecteur », « puis- sance adjuvante », ou tout simplement comme « fortune », « sort »5. De la complexité de cette notion relève, à certains égards, un croisement entre la catégorie de δαίμων et celle de démon, qu’il vaut la peine d’explorer. Marcel Detienne comprenait ces changements dans le sens d’un alignement progressif entre les deux notions qui correspondrait au passage d’une pen- sée religieuse à une pensée philosophique : il parlait d’un signifiant à l’origine flottant qui ne correspondrait plus qu’à un seul signifié6. De ce point de vue, l’usage du mot δαιμόνιον chez les auteurs chrétiens représenterait l’évolution ultime de ce parcours. Il faudra toutefois considérer la possibilité de nuancer 3 Voir François 1957, p. 53, et p. 313 ; mais déjà Hild 1892, p. 9–19. 4 P. Sapph. Obbink 1–20, vers 10 et 13–14 (je reprends la transcription proposée par Obbink 2014, p. 37). Voir également Ferrari 2014 ; West 2014 ; Bierl et Lardinois 2016. 5 La leçon avec oméga est retenue par Obbink (2014, p. 44) qui lit : « δαίμον’ ἐπάρωγον », à savoir « une puissance adjuvante » (pour des arguments supplémentaires voir id. 2015, p. 6, et éga- lement Lidov 2016, p. 82, note 42). Il comprend cette expression comme se référant à une divinité adjuvante envoyée par Zeus pour libérer les hommes des maux. Un δαίμων ἐπάρωγος est attesté en Eur., Hec. 164. Cette reconstruction, qui a le mérite de préserver le texte ancien, se heurte néanmoins à des difficultés syntaxiques. West (2014, p. 9), suivi par Ferrari (2014, p. 2–3), corrige le texte en δαίμον ἐκ πόνων ἔπ’άρηον, en comprenant δαίμων dans le sens de « fortune ». La traduction serait alors : « Ceux dont le seigneur de l’Olympe veut enfin tourner le sort vers le mieux ». 6 Detienne 1963, p. 170. This content downloaded from 194.254.129.28 on Tue, 21 Mar 2023 15:01:47 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 53 Le contexte grec quelque peu cette affirmation, notamment au vu de la richesse portée par la notion de δαίμων tout au long de son histoire sémantique. La documentation à ce sujet est abondante et, comme je l’ai déjà dit plus haut, diversifiée. À côté des sources que l’on peut qualifier génériquement de littéraires, nous disposons de textes philosophiques, de témoignages épigraphiques et de papyri, dont un certain nombre de defixiones et papyri magiques. En essayant de recons- truire les représentations du δαίμων, notamment à l’époque hellénistique, il s’agira donc de distinguer les éléments ressortant de spéculations purement philosophiques – où cette notion joue un rôle de premier rang – du reste des croyances et pratiques qui ont pu avoir une diffusion plus large au niveau culturel et social. À cet égard, la possibilité de croiser différentes typologies de sources sera probante. 1 La représentation des démons en Grèce entre pratique et discours Dans un passage de son discours adressé à Philippe de Macédoine, Isocrate exhorte le souverain à être clément et bienveillant à l’égard de ses sujets. Pour illustrer les avantages dérivés d’une telle conduite, il fait mention de deux catégories de divinités auxquelles le souverain est implicitement comparé : les unes, bienfaisantes pour les hommes, sont appelées « olympiennes » et sont destinataires de sacrifices, prières, autels et temples dans le culte privé et public ; les autres, responsables des disgrâces et des punitions, ont des appel- lations plus désagréables (δυσχερεστέρας τὰς ἐπωνυμίας) et sont éloignées de la communauté humaine par des expiations7. Cette différenciation interne au monde divin posée par l’auteur nous amène à nous interroger sur la nature de ces puissances « non-olympiennes », bien attestées dans la tradition grecque. Elles peuvent être qualifiées de « démoniaques », dans un sens assez proche de celui uploads/Litterature/ le-contexte-grec-demons-daimones-et-daimonia-dans-les-traditions 1 .pdf

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