L’ALCHIMIE HISTOIRE – THEHNOLOGIE – PRATIQUE Emil Ernst Ploss, Heinz Roosen-Run

L’ALCHIMIE HISTOIRE – THEHNOLOGIE – PRATIQUE Emil Ernst Ploss, Heinz Roosen-Runge, Heinrich Schipperges, Herwig Buntz Paru en Allemand sous le Titre ALCHEMIA Editions Pierre Belfond, Paris 1972 AVANT-PROPOS L'avant-propos et la conclusion sont les descendants éloignés, dans la longue évolution formelle du livre, du prologue et de l'épilogue. Il incombait à ces derniers, dans le drame antique, de présenter les personnages, d'exposer l'action, et d'en tirer finalement un enseignement. Nous procéderons ici de façon analogue. Quatre auteurs ont collaboré ici, et leurs points de départ étaient fort divers : Heinz Roosen-Runge est historien de l'art à l'université de Wûrzburg, et s'est occupé pendant plusieurs dizaines d'années de technique picturale. De ce fait, il s'est familiarisé, mieux que tout autre, avec la riche littérature technologique pictoriale du Moyen Âge. On ne peut comprendre les débuts de l'alchimie si l'on méconnaît et néglige cette tradition. Heinrich Schipperges, en qualité d'historien de la médecine, a particulièrement étudié la diffusion de la science arabe dans le monde médiéval européen. Dans ce domaine, l'alchimie et la médecine ont eu maints contacts. La figure de Paracelse en fournit une illustration typique pour la tradition ultérieure. Au cours de mon professorat à l'université de Munich, je réussis à gagner mon élève Herwig Buntz à l'idée de composer une dissertation germanistique sur les problèmes de l'alchimie. On la rencontre déjà dans la poésie orale du haut allemand ancien. Son influence, outre Jacob Boehme et maint poète du XVIe au xXVIIIe siècle, s'exerce jusque sur Novalis. Herwig Buntz a prolongé ici l'étude qu'il avait entreprise sur le thème que je lui avais alors proposé. Il a introduit des notions capitales dans notre œuvre commune, dont il a, du reste, assumé la part principale. Quant à moi, j'ai tenté d'ouvrir une double perspective à l'introduction en ce domaine: pendant quelque temps, j'ai pu travailler dans l'industrie chi- mique en qualité de conseiller technique philologue, et me suis ainsi familiarisé avec bien des problèmes pratiques. Au cours de leurs tentatives et de l'expérimentation de leurs recettes, les alchimistes ne se sont pas essayés à la seule fabrication de l'or : ils ont fait bien des découvertes, et ces découvertes appartiennent aux débuts de la chimie proprement dite. L'autre perspective a eu pour objet d'associer à l'histoire de l'art et de la littérature des acquis ethnologiques, folkloriques, et des données appartenant à l'histoire de la philosophie et de la religion, pour cerner le phénomène alchimie. On l'a orthographié ici alchimie, et non alchemie (C'est l'orthographe allemande actuelle, correspondant à celle du vocable allemand Chemie, chimie (N.d.T.).), parce que la première forme prévaut dans les textes anciens. Cette remarque en appelle une autre, touchant également à l'histoire. Ce qui fait le plus défaut dans le domaine de l'alchimie ancienne, c'est un réseau de coordonnées sûres concernant les dates et l'attribution certaine des textes à des auteurs identifiés. A quelle époque situer les débuts de l'alchimie européenne ? Les réponses à cette question sont très variées. Le faiseur d'or isolé de l'archevêque Adalbert de Hambourg, dont fait état Adam de Brème dans sa chronique, remonte déjà à l'an 1060 ; il s'appelait Paulus et avait converti sa foi mosaïque au christianisme. N'évoque-t-il pas ces lettrés Tolédans qui inaugureront, un siècle plus tard, l'époque de l'alchimie médiévale? Un siècle encore, et Robert de Chester, dit-on, communique les connaissances alchimiques des Arabes à l'Occident dans son Liber de compositione alchimiae. Il est prétendu, dans la préface au célèbre traité latin de Morien, que le même Robertus Castrensis en aurait entrepris la version à partir de l'arabe. A Byzance, Michel Psellos (1018-1078) a éveillé l'intérêt d'un public d'élite pour les traités alchimiques antiques. C'était un intermédiaire et un continuateur; le néo-platonisme, en tant qu'instigateur de cénacles intellectuels, nous impose de regarder plus loin encore derrière nous. Le manuscrit alchimique grec bien connu de la bibliothèque Saint-Marc à Venise (XIe siècle) devait proprement susciter le même intérêt passionné. Les premières connaissances grecques se seraient-elles propagées en Europe centrale et occidentale dès l'an 1000 ? Quiconque a connaissance des manuscrits latins qui nous sont parvenus ne pourra que s'élever contre cette hypothèse à laquelle s'oppose également le problème depuis si longtemps discuté de l'identité et des écrits de Geber. Le lecteur s'expliquera, de ce fait, le chevauchement de certaines dates indiquées dans le présent ouvrage. Vouloir les faire concorder serait ascientifique dans l'état présent des recherches. Un avant-propos doit aussi susciter des recherches ultérieures. Celles-ci devraient principalement s'exercer dans le domaine de la philologie: répertoire des manuscrits, explication philologique des textes, des symboles et allégories, sans négliger les problèmes d'attribution d'auteurs et de datations. Il serait également souhaitable d'entreprendre des essais en laboratoire pour expérimenter ce qui se passe réellement au cours de certains processus. La couleur et la consistance des mélanges et des combinaisons obtenus amèneraient à une meilleure compréhension des «erreurs» des alchimistes. Les lignes directrices de ces investigations devraient être, dans l'ensemble, la structure de la tradition, des idées et des matériaux. Ce sont, aussi bien, celles du présent ouvrage. Emil Ernst PLOSS Erlangen, juillet 1970 L’alchimie Essai de détermination caractéristique. Laboratoire d’un alchimiste vers 1600. Reconstitution du Deutsches Museum de Munich. Département de la chimie. Beaucoup des ustensiles sont des pièces d’époque. Issac Newton (1643-1727) Gravure de J. Houbraken, d’après G. Kneller, 1702 LE XVIIIe SIÈCLE ET L'ALCHIMIE La mort accuse généralement les traits caractéristiques d'une physionomie. Il en sera peut-être ainsi pour l'alchimie, science éteinte à jamais, dont nous allons nous efforcer de retracer les aspects les plus frappants. C'est au XVIIIe siècle qu'elle jette ses derniers feux. Que résulte- t-il de sa confrontation, qui ne saurait d'ailleurs être qu'approximative, avec les tendances et les courants d'idées de cette époque ? Et d'abord, le XVIIIe siècle a-t-il jamais vu dans l'alchimie une science, comme l'étaient la physique ou la médecine ? (1) Le rationalisme de ses esprits les plus éminents a-t-il pu mieux et plus complètement soulever le voile de mystère qui entoure les faiseurs d'or, au point de lasser la curiosité du public ? Toujours est-il que l'alchimie atteint son apogée en touchant à sa fin. Aussi bien, cette fin pourrait bien résulter d'autres causes que de celles que nous imputons ordinairement à l'esprit critique du Siècle des Lumières. Sans doute, même, simplifions-nous trop les choses lorsque nous envisageons un concept scientifique problématique en l'enfermant à l'intérieur d'une période temporelle définie. En fait, à l'analyse, les moyens dont nous disposons effectivement pour marquer les différentes périodes de cette époque apparaissent inadéquats. Quel est, par exemple, le moment considéré du XVIIIe siècle lorsqu'on parle de haut-baroque, de rococo, de pré-classicisme, de Siècle des Lumières, de « Sturni und Drang »? La vie sociale et artistique, en effet, détermine des périodes caractérisées (2) dont l'utilisation n'est nullement valable en d'autres domaines. L'absence de rigueur d'une telle classification apparaît nettement lorsqu'on aborde le domaine scientifique des mathématiques, des sciences naturelles et de la technique. A cet égard, le XVIIIe siècle, plus qu'aucune autre époque avant lui, se présente sous de multiples aspects. Quelques noms, en petit nombre, vont permettre de montrer certaines de ses facettes: en 1699, on offrit à un savant de Londres une sinécure qui devait lui permettre de poursuivre ses recherches mathématiques et physiques, tout en assumant sa charge. Ce savant était Isaac Newton: il fut nommé maître de la Monnaie du royaume. Quatre ans plus tard, il obtenait le titre de président de la Royal Society. Cette récompense saluait la publication de ses Philosophiae naturalis principia mathematica qui fournissaient une base mathématique à la physique (3). Il fallut ensuite attendre les travaux d'Albert Einstein pour que s'ouvrissent des vues fondamentalement nouvelles dans le domaine de la mécanique générale. Et cependant, ce même Newton, ce savant incontesté, a laissé une masse d'études alchimiques et astrologiques. Sans doute nous sont-elles à peine accessibles aujourd'hui; il nous faudrait, au préalable, envisager qu'elles sont issues d'une science, apprendre les modalités d'action des influx planétaires sur la matière à l'état dissous et sur les mutations qu'elle est susceptible d'éprouver dans cet état, toutes choses que l'esprit de notre siècle nous empêche de considérer. C'est cependant dans ce contexte qu'étaient recherchées des lois cosmiques régissant le dualisme « esprit-corps » (4). En 1794, un homme dont les découvertes devaient modifier plus complètement encore notre représentation de l'univers trouva la mort sur la guillotine : Antoine Laurent Lavoisier (5). Dès 1775, il avait élaboré une théorie complète de la combustion - on parlerait simplement aujourd'hui d'oxydation. Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794) d'après une gravure inédite. Friedrich Wohler (1800-1882) Détail de la peinture de K. Kardorff, 1936. Le travail de Wohler sur l'urée dans les « Pöggendorff's Annalen der Physik und Chemie», 1828. Le premier échantillon d'urée synthétique. Lavoisier était parti du fait qu'il fallait peser 1' «air déphlogistiqué » dont le prédicateur anglais John Priestley avait reconnu l'existence en chauffant le «mercurius praecipitatus per se» (oxyde de mercure, HgO). C'est ainsi qu'il découvrit l'oxygène et développa l'analyse quantitative en chimie. Poursuivons notre examen des étapes de l'histoire des sciences jusqu'au uploads/Litterature/ alchimie 1 .pdf

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