ANALYSE: Franz Schubert, Die Stadt , Schwanengesang D'après un poème d'Heinrich

ANALYSE: Franz Schubert, Die Stadt , Schwanengesang D'après un poème d'Heinrich Heine « L’éditeur (NDLR: Haslinger) du recueil posthume intitulé Le Chant du cygne, à qui l’on doit également ce titre et qui rassembla ces lieder en un cycle, a été, pour cette initiative, l’objet de bien des critiques : on lui a reproché d’avoir réuni des pièces qui n’avaient rien en commun, d’avoir arbitrairement, pour des raisons purement lucratives, rassemblé les derniers lieder de Schubert en une suite qui donne l’illusion d’une pensée cyclique, mais qui ne se justifie aucunement du point de vue dramatique. Contre un tel reproche, je ne puis que m’inscrire en faux. La suite de lieder proposée par l’éditeur possède un lien dramatique, qui témoigne d’une grande sensibilité théâtrale. Dans Le Chant du cygne est mis en œuvre un « caractère » dont la structure psychologique apparaît comme étonnamment cohérente. La tension qui, d’un bout à l’autre, soutient l’« action » est, dans ses moments dramatiques comme dans ses moments lyriques, ou encore dans ses aspects plus souriants, d’une immédiate efficacité. Le parcours commence par les stations du souvenir : souvenir d’un flot d’images, visions du vécu, moments douloureux, êtres aimés. Mémoire du désir. D’amours heureuses et malheureuses. Puis vient l’adieu : passage dans un autre monde, où le souvenir est figé et où, née de cette immobilité, la conscience de l’immuabilité et de l’irréversibilité de ce qui fut aboutit au désespoir. Vient enfin la découverte du désir, comme seul moyen de surmonter cette immobilité. » Dietrich Henschel 1.Introduction Franz Schubert est né à Vienne, le 31 janvier 1797. Fils d'une ancienne servante et d'un maître d'école, également violoncelliste amateur, il fait son apprentissage de la musique avec son père, puis avec l'organiste de la paroisse de Lichtental (près de Vienne). Doué d'une voix très pure, il entre en 1808 à la chapelle Impériale et commence ses études au StadtKonvikt : école de formation pour les chanteurs de cour. Il y est notamment l'élève d'Antonio Salieri et participe comme violoniste à l'orchestre de cette école. Il y compose sa première oeuvre à l'âge de 13 ans. Après avoir quitté le Stadkonvit, Franz Schubert devient instituteur, sur les conseils de son père, et compose parallèllement des œuvres musicales. Dénué de toute ambition, il vit pauvrement mais conscient de son génie, admirant Mozart, Haydn et Beethoven, et entouré de l'affection, souvent agissante, d'un petit cercle d'amis. Le chant du cygne ( Schwanengesang), composé en 1828, est un recueil posthume, considéré par beaucoup comme le testament de Schubert ( de ce fait on comprend aisément le choix du titre ), est le rassemblement de deux recueils, l'un sur des poèmes de Ludwig Rellstab, et l'autre sur des poèmes d'Heinrich Heine ( plus un lied isolé , Taupenpost). S'il est difficile de trouver une unité à ces 14 lieder, la continuité du recueil sur les poèmes d'Heine est plus évidente: la mélancolie, le rôle prépondérant de l'eau par exemple. Heinrich Heine, né juif allemand en 1797, mort en 1856 à Paris, est le poète romantique par excellence. Partagé entre la France et l'Allemagne, il sait transmettre sur papier la profonde mélancolie qui s'empare de lui lorsqu'il se trouve à Paris. Il est l'un des poètes les plus reconnus d'Europe, traduit dans un nombre de langues tout à fait impressionnant. On ne sait pas vraiment comment Schubert a pris connaissance de ses œuvres, sans doute qu'un de ses amis lui en a lu lors d'une rencontre des Schubertiades, le recueil de poème dont est tiré Die Stadt ayant été édité en 1827, soit un an auparavant. Nous sommes en 1828 quand Schubert compose les 6 lieder sur des poèmes de Heine. Il a écrit l'année précédente le tragique Winterreise , recueil véritablement visionnaire où le chant et le piano sont deux compagnons indissociables .En 1828 donc,son catalogue contenant déjà plus de mille œuvres, Schubert s'attelle à mettre en musique ces 6 poèmes, dont Die Stadt. 2.Au commencement, un poème Intéressons nous d'abord brièvement au texte en lui même. Am fernen Horizonte A l'horizon lointain erscheint,wie ein Nebelbild, apparaît comme un nuage vaporeux die Stadt mit ihren Thürmen la ville avec ses tours in Abenddämm'rung gehüllt. dans le crépuscule enveloppée. Ein feuchter Windzug kraüselt Un vent humide die graue WasserBahn; ride l'eau grise. Mit traurigem takte rudert Avec un rythme mélancolique der Schiffer in meinem Kahn. le rameur fait avancer ma barque Die Sonne hebt sich noch einmal Le soleil, une dernière fois, leuchtend vom Boden empor, embrase le couchant und zeigt mir jene Stelle, et me montre ce lieu wo ich das Liebste verlor. où j'ai perdu ma bien-aimée. Un homme, sur un bateau, conduit par à coups « pleurnichards » ( mélancolie) , et face à lui une ville qui se dresse dans le brouillard, et vers laquelle l'homme semble comme attiré (Schubert Studies, E.Badura-Skoda). Dans cette ville se trouvait l'être aimée, mais cette dernière n'est plus, la ville est embrumée, sans doute comme l'est le cœur de notre homme. Le vent est « humide », l'eau « grise » ( port d'Hambourg ? ), le paysage semble terne et triste à mourir. Le soleil couchant illumine la ville, et cela n'illumine en fait que le douloureux souvenir de sa bien-aimée. Devant une telle uniformité des sentiments ( du moins il me semble que ceux-ci n'évoluent que très peu entre les trois strophes), on aurait pu attendre de Schubert un lied de forme strophique simple. Encore une fois, il nous surprend en partant dans une autre direction. Étudions donc la forme de ce lied. 3.Structure générale De prime abord, si l'on étudie la partition en s'attachant principalement à la partie chantée, ce lied est de construction assez classique que l'on appellerait strophique libre (ou variée) : les trois strophes font chacune 8 mesures, découpée en deux phrases de 4 mesures. La première et la dernière sont très proches ( bien que justement ce sont leurs différences qui sont très importantes), la seconde strophe change un peu (toujours uniquement du point de vue du chant), mais reste tout de même assez identique aux autres. Les prélude, interludes et postlude du piano sont basés sur le même motif ,mais très irréguliers dans leur durée. En résumé: Prélude (piano) 6 mesures Interlude(piano) 2 mesures Strophe 1 8 mesures Strophe 3 8 mesures Interlude(piano) 3 mesures Postlude(piano) 5 mesures Strophe 2 8 mesures Seulement, nous avons vu que Schubert, surtout dans les lieder de la fin, amène le piano au même niveau d'importance que le chant. Ce n'est pas seulement un accompagnateur. Et cela est très frappant à l'écoute de ce lied. En effet, la seconde strophe se distingue nettement des autres par la présence au piano de ce motif d'une mesure, que l'on trouve dans tous les passages piano seul, qui sera répété en tout 17 fois ( ce qui n'est pas négligeable dans un lied de 40 mesures). La forme de ce lied n'est donc pas si évidente qu'il n'y paraît. Dans son livre Distant Cycles, Schubert and the conceiving of Song, Richard Kramer introduit donc le schéma suivant : A, B, A', B', A. Et il faut bien dire qu'à l'écoute, c'est plutôt cela qui ressort de ce lied que la forme strophique dont nous avons parlé précédemment. 4.Analyse détaillée Prélude Impressionniste avant l'heure, l'introduction au piano (6 premières mesures) de Die Stadt est un exemple récurent dans la théorie de la musique, car ce que Schubert fait là, personne n'en a encore eu l'idée. Il crée un sorte de toile de fond, indécise et sublime. Nous sommes en do mineur. Schubert instaure donc une pédale de do, trémolos graves, pianissimos, perdus dans la pédale comme l'est notre homme dans le brouillard. Entre la main droite, mesure 3, en un arpège de septième diminuée, mais qui , chose étrange, ne se situe pas sur la sensible comme elle devrait l'être, mais sur le quatrième degré... Cet accord semble étranger à notre tonalité: il ne tient pas de fonction particulière dans la gamme, et encore plus fort, il appelle une résolution vers do majeur voire mi mineur, mais ne sera jamais résolu. La pédale de do est toujours là, entêtante, et cette septième diminuée instable et irréelle persiste. A l'évidence , cette opposition entre régularité des trémolos et instabilité de la septième est intensément suggestive, même sans avoir lu le poème : l'évocation de l'eau, du vent et du brouillard . On pourra s'avancer plus sur cet aspect quand nous aurons étudié la seconde strophe. En résumé : deux premières mesures, pédale de do,puis des mesures 3 à 5, répétitions d'un même motif, basé sur un accord de septième diminuée ne répondant à aucune fonction tonale, présenté sous forme arpégée et d'accords plaqués accentués, avec toujours présente à la main gauche la pédale de do. Pas de cadence, ce prélude termine en suspens toujours sur la pédale de do. Strophe 1 Voici l'entrée du chant, noté « leise » (léger) . Nous sommes toujours en do mineur, la phrase débute sur uploads/Litterature/ analyse-dossier-2 2 .pdf

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