78 VOCABULAIRE MATHÉMATIQUE 10.6. Espaces préhilbertiens Soit E un espace vecto

78 VOCABULAIRE MATHÉMATIQUE 10.6. Espaces préhilbertiens Soit E un espace vectoriel sur K. • Un produit scalaire (x, y) →⟨x, y⟩sur E est une application de E × E dans K qui est : – sesquilinéaire, i.e. linéaire par rapport à y (i.e. ⟨x, y1 + y2⟩= ⟨x, y1⟩+ ⟨x, y2⟩et ⟨x, λy⟩= λ⟨x, y⟩, si λ ∈K, x, y, y1, y2 ∈E), et semi-linéaire(44) par rapport à x (i.e. ⟨x1 + x2, y⟩= ⟨x1, y⟩+ ⟨x2, y⟩et ⟨λx, y⟩= λ⟨x, y⟩, si λ ∈K, x, y, x1, x2 ∈E) ; – symétrique, i.e. ⟨y, x⟩= ⟨x, y⟩, quels que soient x, y ∈E ; – définie positive, i.e ⟨x, x⟩⩾0, si x ∈E, et ⟨x, x⟩= 0, si et seulement si x = 0. • Un espace préhilbertien est un espace vectoriel muni d’un produit scalaire. Si E est préhilbertien, on définit ∥∥: E →R en posant ∥x∥= ⟨x, x⟩1/2. Alors ∥∥est une norme, et on a |⟨x, y⟩| ⩽∥x∥·∥y∥pour tous x, y ∈E (inégalite de Cauchy-Schwarz) : l’application R-bilinéaire (x, y) →⟨x, y⟩, de E × E dans K, est continue. ∥x + ty∥2 = ∥x∥2 + 2t Re(⟨x, y⟩) + t2∥y∥2 est toujours ⩾0, pour t ∈R ; son discriminant est donc ⩽0, ce qui se traduit par |Re(⟨x, y⟩)| ⩽∥x∥· ∥y∥pour tous x, y ∈E. Choisissons alors θ ∈R tel que e−iθ⟨x, y⟩∈R+. En utilisant la majoration précédente pour eiθx et y au lieu de x et y, on obtient |⟨x, y⟩| = Re(⟨eiθx, y⟩) ⩽∥eiθx∥· ∥y∥= ∥x∥· ∥y∥, ce qui prouve l’inégalité de Cauchy-Schwarz. L’inégalité triangulaire s’en déduit car ∥x + y∥2 = ∥x∥2 + 2Re(⟨x, y⟩) + ∥y∥2 ⩽∥x∥2 + 2∥x∥· ∥y∥+ ∥y∥2 = (∥x∥+ ∥y∥)2. L’identité ∥λ x∥= |λ| ∥x∥étant immédiate, ∥∥est une norme, ce qui permet de conclure. • On dit que x, y ∈E sont orthogonaux si ⟨x, y⟩= 0. Si x et y sont orthogonaux, ils vérifient la relation de Pythagore(45) ∥x + y∥2 = ∥x∥2 + ∥y∥2. Dans le cas général, ils vérifient l’identité de la médiane ∥x∥2 + ∥y∥2 = 2   x+y 2  2 + 1 2∥x −y∥2, qui se démontre sans problème en développant le membre de droite. • Si F est un sous-espace vectoriel de E, et si x ∈E, il existe au plus un élément pF(x) de F, appelé (s’il existe) projection orthogonale de x sur F, tel que x −pF(x) soit orthogonal à F tout entier. De plus, on a pF(x) = x, si x ∈F, et pF est linéaire et 1-lipschitzien sur son ensemble de définition. Si y1, y2 ∈F sont tels que x −y1 et x −y2 sont orthogonaux à F tout entier, alors y1 −y2 = (x −y1) −(x −y2) est orthogonal à F, et comme y1 −y2 ∈F, on a ⟨y1 −y2, y1 −y2⟩= 0, ce qui implique y1 = y2. On en déduit l’unicité de pF. La linéarité de pF et la formule pF(x) = x, si x ∈F, en sont des conséquences immédiates. Enfin, x −pF(x) et pF(x) étant orthogonaux, on a ∥pF(x)∥2 = ∥x∥2 −∥x −pF(x)∥2, et donc ∥pF(x)∥⩽∥x∥. Ceci permet de conclure. • Une famille (ei)i∈I d’éléments de E est dite orthonormale, si ∥ei∥= 1 pour tout i, et si ei et ej sont orthogonaux si i ̸= j. On a alors ∥ i∈J xiei∥2 =  i∈J |xi|2, pour toute famille finie (xi)i∈J de nombres complexes. (44)Si K = R, on a x = x, et donc la sesquilinérarité n’est autre que la bilinéarité. (45)Si K = R, la relation de Pythagore entraîne l’orthogonalité (« théorème » de Pythagore, pauvre Pythagore...) ; ce n’est plus le cas si K = C. ÉCOLE POLYTECHNIQUE ÉCOLE POLYTECHNIQUE ÉCOLE POLYTECHNIQUE 11. TÉRATOLOGIE 79 • Si F est un sous-espace de dimension finie de E muni d’une base orthonormale (e1, . . . , ed), alors pF est partout définie, et pF(x) = d i=1⟨ei, x⟩ei. En particulier, si x ∈F, ses coor- données dans la base (e1, . . . , ed) sont les ⟨ei, x⟩, et ∥x∥2 = d i=1 |⟨ei, x⟩|2. Soit y = d i=1⟨ei, x⟩ei. Alors ⟨ej, x −y⟩= ⟨ej, x⟩−d i=1⟨ei, x⟩⟨ej, ei⟩= 0, pour tout j. On en déduit que x −y est orthogonal à chacun des ej, et donc à F tout entier par linéarité. De plus, y ∈F par construction, et donc y = pF(x). On en déduit le résultat. • Le procédé d’orthonormalisation de Schmidt, décrit ci-dessous, permet, si (fi)i∈I est une famille libre d’éléments de E, avec I dénombrable, de fabriquer une base orthonormale de l’espace F engendré par les fi. On se ramène, en numérotant les éléments de I, au cas où I est un intervalle de N contenant 0. On note Fn le sous-espace de F engendré par les fi, pour i ⩽n. On construit par récurrence une famille orthonormale ei d’éléments de F telle que (e0, . . . , en) soit une base (orthonormale) de Fn, pour tout n. Pour cela, on pose e0 = 1 ∥f0∥f0, et en supposant e0, . . . , en−1 construits (et donc Fn−1 muni d’une base orthonormale), on note gn = fn −pFn−1(fn). On a gn ̸= 0 puisque fn / ∈Fn−1, la famille des fj étant supposée libre. On pose en = 1 ∥gn∥gn. Par construction, gn (et donc aussi en) est orthogonal à chacun des ei, pour i ⩽n −1, et comme ∥en∥= 1, cela permet de faire marcher la récurrence. • Tout sous-espace de dimension finie de E possède une base orthonormale. Il suffit d’appliquer le procédé d’orthonormalisation de Schmidt à une base quelconque. 11. Tératologie Ce § rassemble un certain nombre de monstres mathématiques. 11.1. Fonctions continues dérivables nulle part Jusqu’au début du XIXe siècle (au moins), il était évident pour tout le monde qu’une fonction continue de R dans R était dérivable, et même somme de sa série de Taylor, sauf en des points isolés. C’est malheureusement loin d’être le cas puisque Weierstrass (1875) a construit une fonction continue dérivable nulle part, et Banach a montré que l’ensemble de ces fonctions était dense dans celui des fonctions continues. Soit E = C 0([0, 1], ∥∥∞). Nous nous proposons de construire un sous-ensemble X, dense dans E, constitué de fonctions dérivables nulle part. Pour ce faire, fixons a ∈]1 2, 1[. Si n ∈N, et si k ∈{0, 1, . . . , 2n −1}, soit Un,k =  φ ∈E,  φ k + 1 2n  −φ  k 2n   > an . • Un,k est un ouvert de E : en effet φ →  φ  k+1 2n  −φ  k 2n   est continue sur E comme composée de l’application linéaire continue φ →Λn,k(φ) = φ  k+1 2n  −φ  k 2n  (la continuité de Λn,k suit de la majoration |Λn,k(φ)| ⩽2∥φ∥∞), et de la valeur absolue. On en déduit que Un = ∩2n−1 k=0 Un,k et Vn = ∪m⩾nUm sont des ouverts de E. ÉCOLE POLYTECHNIQUE ÉCOLE POLYTECHNIQUE ÉCOLE POLYTECHNIQUE 80 VOCABULAIRE MATHÉMATIQUE • Vn est dense dans E. En effet, soit φ ∈E, et soit ε > 0. Comme [0, 1] est compact, φ est uniformément continue, et il existe n0 ∈N tel que |φ  k+1 2n  −φ  k 2n   ⩽ε, quels que soient n ⩾n0 et k ∈{0, 1, . . . , 2n −1}. Soit m ⩾sup(n0, n) tel que am < ε, et soit ψ ∈E définie par ψ(x) = φ(x) + ε sin(2mπx). Si k ∈{0, 1, . . . , 2m −1}, on a ∥ψ −φ∥∞⩽ε et  ψ k + 1 2m  −ψ  k 2m   =   ± 2ε + φ k + 1 2m  −φ  k 2m   ⩾2ε −ε > am, ce qui prouve que ψ ∈Um ⊂Vn. On en déduit que, pour tout φ ∈E, on peut trouver un élément de Vn dans tout voisinage de φ, et donc que Vn est effectivement dense dans E. Comme E est complet, il résulte du lemme de Baire que X = ∩n∈NVn est dense dans E, et pour conclure, il suffit donc de prouver que, si φ ∈X, et si x0 ∈[0, 1], alors φ n’est pas dérivable en x0. Pour cela, remarquons que φ ∈X signifie que φ appartient à une infinité de Un, et donc qu’il existe b : N →N, tendant vers +∞en +∞, telle que |φ  k+1 2b(n)  −φ  k 2b(n)   > ab(n), pour tout n ∈N et tout k ∈{0, 1, . . . , 2b(n) −1}. Soient kn la partie entière de 2b(n)x0, et un = kn 2b(n), vn = kn+1 2b(n) (si x0 = 1, on pose un = 1 − 1 2b(n) et vn = 1). Par construction, un ⩽x0 ⩽vn et vn −un = 1 2b(n) ; en particulier, un →x0 et vn →x0. Par ailleurs, pour tout n ∈N, on a uploads/Litterature/ analyse-et-d-algebre-3.pdf

  • 36
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager