ANTONIO SOMAINI LES POSSIBILITÉS DU MONTAGE Balázs, Benjamin, Eisenstein MIMESI

ANTONIO SOMAINI LES POSSIBILITÉS DU MONTAGE Balázs, Benjamin, Eisenstein MIMESIS Philosophie © 2012 – Mimesis France maison d’édition 13, rue Ramey 75018 Paris contact@mimesisfrance.org www.mimesisfrance.org tel. +39.380.3524400 Diffusion et distribution Librairie Philosophique J. Vrin 6, Place de la Sorbonne, F-65005 Paris Téléphone : (33) 01 43540347 Télécopie : (33) 01 43544818 www.vrin.fr E-mail : contact@vrin.fr Traductions de l’italien de : Stéphane Resche (Introduction, Chapitres 1, 2, 3, 4, 5), Laëtitia Dumont-Lewi (Chapitre 6). TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION p. 7 I. BÉLA BALÁZS 1. « UNE NOUVELLE CULTURE VISUELLE ». CINÉMA, « ATMOSPHÈRES », « VISAGE DES CHOSES » p. 13 II. WALTER BENJAMIN 2. « REPRENDRE DANS L’HISTOIRE LE PRINCIPE DU MONTAGE ». LE RÔLE ÉPISTÉMOLOGIQUE DE LA PHOTOGRAPHIE, DU CINÉMA ET DES MÉDIAS OPTIQUES DANS LE PASSAGENWERK p. 45 III. SERGUEÏ M. EISENSTEIN 3. « LA MAISON DE VERRE – CONTRE L’AUTOMATISME ! ». GLASS HOUSE, LES UTOPIES DE LA TRANSPARENCE ET LE CINÉMATISME DE L’ARCHITECTURE DE VERRE p. 69 4. « LIRE ET ÉCRIRE DES LIVRES EN FORME DE SPHÈRES TOURNANTES ». EISENSTEIN, MOHOLY-NAGY ET EL LISSITZKY AUTOUR DE FILM UND FOTO (1929) p. 115 5. « L’URPHÄNOMEN CINÉMATOGRAPHIQUE » ET SES MANIFESTATIONS. EISENSTEIN ET LE FUTURISME ITALIEN p. 131 6. « LE MONTAGE EST LUI AUSSI UNE ACTIVITÉ COMPARATIVE ». MONTAGE, THÉORIE ET HISTOIRE DANS LES ÉCRITS D’EISENSTEIN p. 157 INTRODUCTION Les six essais rassemblés dans ce volume présentent six approches dif- férentes d’un même thème : la réfl exion, dans les théories du cinéma des années vingt et trente, sur les « possibilités du montage », procédé qui, alors qu’il avait été exploré à partir de la fi n des années dix par les auteurs des premiers photomontages, et qu’il avait été théorisé au sein des premiers textes sur la théorie du cinéma, va se diffuser de manière transversale dans les cultures allemande et soviétique au cours des deux décennies suivantes. Extrait du champ lexical du domaine mécanique et de l’espace de l’usine, le terme montage est employé dès la fi n des années dix par des représen- tants du dadaïsme berlinois comme George Grosz, John Heartfi eld et Raoul Hausmann, pour décrire les « photomontages » grâce auxquels ils mettent en scène le chaos d’une culture réduite en lambeaux par la catastrophe de la Première guerre mondiale, alors qu’au cours des mêmes années, le réali- sateur Lev Koulechov identifi e dans le montazh la modalité de composition qui distingue le cinéma du théâtre, de la peinture et de la musique, et le relie à l’inverse au monde des machines et de l’électricité. Au cours des an- nées vingt, une série de pratiques et de réfl exions théoriques se développe à partir de cette double origine, permettant ainsi d’explorer le potentiel du montage dans différentes directions. La technique du photomontage, conçue comme l’évolution du processus du collage qui avait déjà été expérimenté par Picasso et par Braque au dé- but des années dix, est utilisée d’une manière différente par les constructi- vistes russes, les artistes proches du Bauhaus et les surréalistes. Tour à tour, le photomontage s’impose comme un nouvel outil de communication et de propagande, comme une forme de représentation capable de restituer l’in- tensité et la fragmentation de l’expérience de vie au sein de la métropole moderne, ou comme le symptôme du désordre d’un monde dans lequel l’inconscient a fait irruption. Progressivement, et à partir des expérimenta- tions artistiques des avant-gardes, le photomontage est étendu aux champs du graphisme, de la publicité, des installations d’exposition, et fi nit même 8 Les possibilités du montage par s’imposer comme un trait distinctif de la culture visuelle de cette pé- riode. Le montage cinématographique traverse le même processus d’ex- pansion. Après avoir été défi ni par Koulechov comme une technique de représentation dans laquelle réside la spécifi cité du cinéma, le montage commence à être abordé dès le début des années vingt comme un outil de réorganisation du visible et de manipulation du temps et de l’espace doté d’une portée épistémologique encore inexplorée. Grâce au montage, des espaces imaginaires peuvent être créés à partir de fragments d’espaces réels, l’écoulement du temps peut être arrêté, accéléré, ralenti, inversé. Le cinéma semble ainsi promettre une possible domination de toutes les coor- données de l’expérience. Au milieu des années vingt, la conviction selon laquelle l’effi cacité cri- tique et épistémique du montage peut et doit être expérimentée au-delà des frontières du photomontage et du cinéma est désormais monnaie courante. Dans une culture où le liant qui maintenait tous les éléments de manière unitaire semble avoir disparu, le montage apparaît comme l’un des outils à employer d’une part pour la déconstruction de l’ordre existant en vue de sa reconstruction dans des confi gurations nouvelles, d’autre part dans le prélèvement des formes de l’histoire, dans leur confrontation et leur clas- sifi cation, et dans la découverte des liens cachés, des affi nités et des res- semblances là même où seules la différence et le chaos semblaient régner. Les six études recueillies dans ce volume se réfèrent à ce contexte élargi. Elles cherchent à reconstruire les « possibilités » attribuées au montage par trois auteurs dont les œuvres ont profondément marqué la théorie du cinéma dans les années vingt et trente. Béla Balázs, dans Der sichtbare Mensch [L’homme visible] (1924), confère au cinéma, et en particulier à la Großaufnahme, le gros plan, la possibilité de redécouvrir une dimension du visible qui avait été progres- sivement oubliée par la culture moderne : dans un monde constitué d’« at- mosphères » [Atmosphären], de « tonalités émotives » [Stimmungen], et d’« aura » [Aura], les choses et les espaces auraient un « visage » [Gesicht] que seul le regard « physiognomonique » de la caméra serait en mesure de saisir. Un regard, une nouvelle « technique de vision et de présentation » qui aurait transformé la culture des années vingt en une « culture visuelle ». Les possibilités attribuées par Balázs au cinéma et en particulier à la Großaufnahme sont d’ordre expressif et compositif, mais aussi épistemo- logique. Le cinéma est en mesure de nous faire connaître le monde d’une manière différente, révélant une composante essentielle de sa structure on- tologique : les « atmosphères », entités médianes, subjectivo-objectives. Introduction 9 Dans les fragments qui structurent le Passagenwerk, et ce dès la pre- mière phase d’élaboration (1927-28) de ce grand projet destiné à rester ina- chevé, Walter Benjamin affi rme vouloir adopter la « méthode » du « mon- tage littéraire », et de vouloir « reprendre dans l’histoire le principe du montage ». Après avoir expérimenté personnellement une forme d’écriture conçue en termes de montage dans Sens unique, (publié en 1928), Benja- min explore dans le Passagenwerk tout le potentiel cognitif du procédé qui semble s’adapter parfaitement à sa propre conception de l’historiogra- phie. En effet, cette dernière doit pouvoir traduire de manière adéquate le caractère discontinu et non linéaire de l’histoire, et doit viser la produc- tion, par l’intermédiaire du montage, des « fulgurantes » rencontres entre le passé et le présent au sein de ce qu’il nomme les « images dialectiques », c’est-à-dire des images « éclatantes » [aufblitzend] où tout « ce qui a été » devient soudainement « lisible » [lesbar]. L’outil que Benjamin envisage d’employer afi n de théoriser et de pratiquer cette forme d’historiographie est précisément le montage, procédé auquel il attribue une véritable fonc- tion épistémique qui, dans le Passagenwerk, est insérée au sein des propos concernant le bilan général du rôle cognitif que l’auteur confère à toute une série de médiums optiques (le cinéma et la photographie, mais également le télescope, le microscope, le kaléidoscope ou encore le stéréoscope). La réfl exion sur le montage, menée par Eisenstein au cours des trois décennies de son parcours créatif et théorique qui ont précédé sa mort en février 1948, s’insère dans ce large contexte. À force d’allers et retours incessant entre la pratique et la théorie, Eisenstein développe une explo- ration très vaste du montage à travers les spectacles théâtraux, les fi lms réalisés ou restés au stade de projet, les dessins et les essais théoriques. Le montage est considéré à la fois comme un procédé de composition ayant pour but de produire des œuvres effi caces et capables d’agir sur le contexte dans lequel elles s’insèrent, et comme un moyen en mesure de participer de la déconstruction, puis de la reconstruction des formes héritées de l’his- toire. Au sein des quatre essais présentés dans cet ouvrage, nous analy- sons quatre moments importants de la réfl exion d’Eisenstein sur le sens du montage : les notes et les dessins consacrés au projet pour un fi lm intitulé Glass House, dans lesquels Eisenstein envisage une redéfi nition totale de l’espace cinématographique en travaillant sur le cinématisme de l’archi- tecture de verre ; le projet de rassembler ses propres essais dans un « livre sphérique », formulé au cours de l’été 1929 après avoir été invité par El Lissitzky à participer à l’exposition internationale Film und Foto, qui lui donne l’occasion uploads/Litterature/ antonio-somaini-les-possibilites-du-mont-pdf 1 .pdf

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