226 Français 1re – Livre du professeur CHAPITRE 4 Séquence 1 Le projet humanist

226 Français 1re – Livre du professeur CHAPITRE 4 Séquence 1 Le projet humaniste de Montaigne p. 314 Problématiques : Quel est le projet des Essais ? Comment cette œuvre s’inscrit-elle dans le courant humaniste ? Quelles interrogations Montaigne partage-t-il avec ses lecteurs ? Éclairages : En faisant de son œuvre l’essai de son entendement dans son œuvre, en examinant, le monde dans lequel il vit et les hommes qui l’entourent, en doutant du savoir d’hier et d’aujourd’hui, Mon- taigne s’interroge sur la condition de l’homme, à travers la sienne. Penseur humaniste, il réfléchit à la possibilité pour l’homme de se développer dans l’autonomie de la pensée et du jugement moral et fait de l’éducation la voie à une existence singulière, assumée et lucide. Texte 1 – « Au lecteur » ; « De l’affection des pères aux enfants » ; « Du repentir » p. 314 OBJECTIFS ET ENJEUX – – Décliner le pacte de lecture des Essais. – – Évaluer les enjeux pour Montaigne de l’écriture de son œuvre. LECTURE ANALYTIQUE Ces extraits permettent d’approcher la question du rapport à soi de Montaigne et la manière dont un projet émerge d’un processus d’écriture et de réé- criture, le projet des Essais. Un projet paradoxal Dans la préface, pourtant adressée « Au lecteur », Montaigne explique les raisons qui lui ont fait écrire son livre et à qui il le destine. Ce faisant, il développe une série d’oppositions. Dès la première ligne, il attache son texte à la sphère privée en le destinant à sa famille et ses amis afin qu’ils gardent le souve- nir de lui après sa disparition et qu’ils le voient « sur le vif » (l. 9), c’est-à-dire encore vivant. Il répétera cette idée en prenant congé de son lecteur à la fin de la préface avec un « adieu donc » définitif, et en qualifiant son livre de sujet « si frivole et si vain » (l. 15) que rien ne justifierait qu’on s’y attache. Cette préface est donc consacrée à développer un projet aussi qualifié de « bizarre et extravagant » (l. 23), d’idée folle » (l. 20), dans l’essai « De l’affection des pères aux enfants ». Loin de toute volonté mon- daine, Montaigne apparaît sous sa forme « simple, naturelle et quotidienne » (l. 8), trois adjectifs qui caractérisent son état domestique. Et ce n’est pas sans humour qu’il insiste sur son « naturel » qui aurait pu sous d’autres cieux le faire poser nu. Une définition de la nature se lit ici qui implique que l’on ne cache pas ses défauts ni qu’on ne pose ou n’adopte une démarche étudiée, tous signes de la mondanité, de la recherche de la « gloire » (l. 3) ou de la « faveur du monde » (l. 6). La métaphore du peintre Dans ces extraits, Montaigne inscrit son livre dans le genre de l’autoportrait, un genre pictural qui émerge à la Renaissance et qu’il définit parfaitement en écri- vant « je suis moi-même la matière de mon livre » (l. 13-14) ou « je me suis offert à moi-même comme sujet », (l. 21-22), « car c’est moi que je peins » (l. 9) ajoute-t-il, et non sans ironie ou facétie il prévient : « je me serais très volontiers peint tout entier dans mon livre et tout nu » (l. 12‑13). On retrouve égale- ment son souci de ne pas chercher à donner une image idéale de soi : « Je peins un homme particu- lier bien mal formé » (l. 27-28). Un projet philosophique La dernière phrase (l. 38-41) dit la tension de la vision humaniste, entre la singularité de l’être et son carac- tère irréductible et dans le même temps la valeur générale de la qualité d’humain mesure de tout, qui est celle de l’homme en général. Cette tension se résout en partie dans l’idée du mouvement, qualité intrinsèque à l’humanité. « Le monde n’est qu’une balançoire perpétuelle » (l. 30). À cette image s’ajoute celle du passage, un passage qui n’est pas celui des âges de la vie mais celui du changement rapide « de jour en jour, de minute en minute » (l. 33) ; c’est par cette articulation entre le temps et le mouvement que se trouve résolue l’aporie de la vérité, immuable et constante. Chaque moment, chaque mouvement est le signe d’une vérité qui ne se contredit pas avec la précédente. Le second paradoxe veut que l’on puisse saisir l’humanité, la dimension morale de cha- cun quelle que soit sa valeur personnelle, sa place dans la hiérarchie ou sa qualité sociale : une « vie ordinaire et privée » permet de témoigner d’une exis- tence morale tout autant qu’une vie illustre. Synthèse Montaigne fait passer l’homme de sa condition d’être indifférencié et soumis par la société, par le pouvoir ou la religion à celle d’individu autonome doté d’une vie morale. C’est cette autonomie qui fait son essence universelle. Dans le même temps il perçoit sa propre singularité et la revendique pour dire que l’humanité se décline sous toutes ses formes, variées et originales.  227 La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, du xvie siècle à nos jours – Séquence 1 GRAMMAIRE La préface est par définition un texte adressé et l’énonciation que choisit Montaigne en témoigne. Le lecteur est le « tu » qu’il apostrophe, « lecteur » (l. 1) et quitte, « Adieu donc » (l. 15), qu’il prend à témoin dans un présent du discours « je t’assure », pour lui donner un dernier conseil « il n’est pas raisonnable que tu emploies ton loisir à un sujet si vain » (l. 14‑15) dans des énoncés qui sont autant d’actes de langage. Texte 2 – « De l’éducation des enfants » p. 316 OBJECTIFS ET ENJEUX – – Lire une dénonciation du pédantisme. – – Reconstruire un programme d’éducation humaniste. LECTURE ANALYTIQUE Contre les maîtres et leurs usages Un « enfant de famille » issu d’une famille illustre comme l’est le fils de la comtesse de Foix est édu- qué par un précepteur. Dans cet extrait Montaigne définit les qualités de celui qui doit exercer une telle charge. Et l’on voit que l’adage devenu commun aujourd’hui qui veut qu’on préfère une tête bien faite à une tête bien pleine concerne d’abord le maître, un maître dont on attend autant de qualités morales qu’intellectuelles. « On ne cesse de criailler à nos oreilles », (l. 5) se plaint Montaigne dans le deuxième paragraphe s’impliquant dans ce reproche fait aux maîtres par l’utilisation d’adjectifs et de pronoms de la première personne du pluriel. Et l’utilisation du verbe composé d’un suffixe aux connotations péjo- ratives et à la sonorité cacophonique, « criailler » introduit par un verbe inchoatif qui souligne la répé- tition et la durée, et insiste sur le caractère très déplaisant de la méthode en usage, « usuelle ». Cette méthode que l’image de l’entonnoir rapproche du gavage est réduite à la répétition d’un savoir ingurgité de force. Montaigne propose une autre façon de faire, avec la métaphore de la conduite, « mettre sur la piste » (l. 8-9), « lui ouvrant […] le chemin » (l. 10). La citation empruntée à Socrate insiste sur la nécessité de laisser l’élève découvrir le savoir avant de le lui exposer. Et dans le paragraphe qui suit cette métaphore de la conduite de l’élève permet d’aborder la question de la « juste mesure » (l. 19) de l’allure à adopter, une allure adaptée à la force de l’élève. Montaigne insiste sur le paradoxe que constitue cette adaptation « aux allures puériles du disciple » (l. 20) car se mettre à son niveau est plus difficile que de le faire monter à soi, comme le rappelle la dernière phrase. Une éducation « nouvelle » Le lecteur de Montaigne s’étonne aujourd’hui d’une réflexion sur l’éducation qui semble décrire les enjeux de l’enseignement du début du troisième mil- lénaire. Mais il s’agit de remettre cette réflexion dans son contexte et de se souvenir qu’il ne s’agit pas ici d’une éducation généralisée, ouverte à tous mais de celle qui est réservée à la part infime de ceux qui sont bien nés, « des enfants de maison ». Comme on le note, l’éducation clairement condamnée est celle qui ne vise qu’à l’accumulation de connais- sances, « la science » (l. 3), un mot au sens plus res- treint au xvie siècle et synonyme de savoir. C’est d’une éducation complète, intellectuelle et morale qu’il s’agit. Les méthodes préconisées rejettent le par cœur, la répétition au profit de découvertes pro- gressives de l’élève invité à « goûter les choses, les choisir et les discerner » (l. 9) avec l’aide d’un maître qui sait se mettre à sa portée et le guider quand il le faut. On voit l’importance portée à adapter l’éduca- tion à chaque enfant, une idée largement dévelop- pée dans le quatrième paragraphe qui présuppose également le caractère profondément original de chacun. Montaigne entre dans le détail des méthodes pour uploads/Litterature/ argumentation-livre-prof-c04-ldp-empreintes-litt-1re.pdf

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