Sanford A. Schane L'élision et la liaison en français In: Langages, 2e année, n
Sanford A. Schane L'élision et la liaison en français In: Langages, 2e année, n°8, 1967. pp. 37-59. Citer ce document / Cite this document : Schane Sanford A. L'élision et la liaison en français. In: Langages, 2e année, n°8, 1967. pp. 37-59. doi : 10.3406/lgge.1967.2891 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1967_num_2_8_2891 SANFORD A. SGHANE Université de Californie, San Diego L'ÉLISION ET LA LIAISON EN FRANÇAIS* 1. Truncation. 1.1. Truncation entre mots. On appelle élision et liaison les ajustements phonologiques faits entre un mot et celui qui le suit. Dans la plupart des grammaires et des manuels qui traitent de la prononciation française on les a, en général, étudiées comme deux phénomènes distincts 1. L'élision est définie comme la sup pression ou l'effacement de la voyelle finale d'un mot devant un autre mot commençant aussi par un son vocalique : le ami mais le camarade /lami/ /lekamarad/ La liaison, par contre, a été définie comme l'attachement de la consonne finale d'un mot à un mot commençant par un son vocalique, la consonne étant, sinon, muette ou amuie : les amis /lezami/ mais les camarades /lekamarad/ Une telle façon de considérer ce phénomène admet implicitement que la forme de base de ces mots qui subissent la liaison doit se terminer, dans * Cet article est une adaptation du chapitre I de French Phonology and Mor phology (à paraître). 1. Grevisse donne les définitions suivantes de l'élision et de la liaison : «L'élision est l'amuissement d'une des voyelles finales a, e, i, devant une initiale vocalique. L'éli sion n'est pas toujours marquée dans l'écriture; quand elle l'est, la voyelle qui s'élide est remplacée par une apostrophe » (p. 60). « Une consonne finale, muette dans un mot isolé, se prononce dans certains cas, devant la voyelle ou l'A muet initial du mot suivant et s'appuie même si intimement sur ce mot que, pour la division en syllabes, elle lui appartient : c'est ce qui s'appelle faire une liaison. » (Grevisse, Le bon usage, p. 56.) 38 tous les cas, par une consonne et que cette consonne s'efface chaque fois qu'il y a absence de liaison : par exemple, en position finale d'énoncé ou devant un mot commençant par un son consonantique 2. Supposons que ce point de vue concernant les formes de base et la nature de la liaison soit correct. On peut alors considérer comme un même processus l'élision des voyelles et l'absence de liaison des consonnes : ce ne serait en somme que l'amuïssement d'un segment occupant une position finale dans le mot; c'est-à-dire qu'une voyelle finale sera omise ou tronquée devant un autre mot commençant par une voyelle, alors qu'une consonne finale est omise devant un autre mot commençant par une consonne. De manière à adopter une position neutre entre les deux termes, élision et absence de liaison, nous donnerons le plus souvent à ces deux processus apparentés le nom de troncation 3. Un mot peut commencer, en dehors d'une voyelle ou d'une consonne, par une liquide, ou par ce que l'on appelle souvent une semi-voyelle (en anglais glide). Les effets de la troncation sur ces deux dernières classes de sons ont été généralement ignorés, dans la mesure où on admettait que les liquides ne sont qu'un type de consonne et les glides qu'une sous- classe des voyelles. Ce point de vue n'est pas entièrement incorrect mais il est cependant nécessaire de traiter les liquides et les glides séparément puisqu'en position finale, comme nous le montrerons, les liquides ne se conduisent pas comme des consonnes ni les glides comme des voyelles. Étant donné qu'un mot peut se terminer par une consonne, par une voyelle, par une liquide ou par une glide, et que le mot suivant peut aussi commencer par l'une de ces quatre classes de sons, il s'offre donc à nous un total de seize possibilités. Ces seize combinaisons, avec des exemples appropriés, sont exposées dans le tableau suivant. (# indique la limite du mot et C, V, L, G signalent consonne, voyelle, liquide et glide respectivement. Les colonnes verticales représentent la position initiale du mot et les horizontales la position finale.) La troncation a été indiquée par une ligne oblique en travers de la lettre appropriée 4. 2. « La liaison consiste par conséquent à prononcer devant un mot commençant par une voyelle une consonne finale, muette en dehors de cette condition » [italiques de SAS] (Fouché, Traité de prononciation française, p. 434.) 3. Meigret (xvie siècle) avait reconnu la similarité qui existe entre élision et liaison : « Si une voyelle se retranche devant une autre voyelle, une consonne qui ne se prononce pas devra se supprimer devant une autre consonne. » (Livret, La grammaire française et les grammairiens du XVIe siècle, p. 62.) La remarque de Meigret a trait à la réforme orthographique qu'il proposait. 4. Des formes telles que petit ami /patit ami/, petit oiseau /patit wazo/ établissent l'obligation qu'il y a à représenter le morphème petit avec une consonne radicale finale (i. e. |petit|). Cependant, cette consonne est supprimée chaque fois que le mot suivant commence par une consonne ou une liquide : petit camarade /pati kamarad/, petit rabbin /pati rabë/. D'un autre côté, la voyelle finale de mot est supprimée non pas quand le mot suivant commence par une consonne ou une liquide mais quand il com mence par une voyelle ou une glide : admirable camarade /admirabla kamarad/, admi rable rabbin /admirabla rabi/, admirable ami /admirabl ami/, admirable oiseau /admirabl wazo/. Cependant les liquides et les « glides » en finale de mot ne se suppriment pas : cher camarade /ser kamarad/, cher rabbin jler rabë/, cher ami /ssr ami/, cher oiseau 39 # C # L # G C # petit camarade petit ami peti; rabbin petit oiseau V # admirable camarade admirabl6 ami admirable rabbin admirabl6 oiseau L # cher camarade cher ami cher rabbin cher oiseau G # pareil camarade pareil ami pareil rabbin pareil oiseau D'après les données ci-dessus nous pouvons formuler les règles sui vantes : 1) En position finale : a) Les consonnes sont tronquées devant les consonnes et les liquides. b) Les voyelles sont tronquées devant les voyelles et les glides. c) Les liquides et les glides ne sont jamais tronquées. En termes de traits distinctifs, les quatre classes de segments ment ionnés ci-dessus peuvent être différenciés les uns des autres en tirant parti au maximum de seulement deux traits : consonantique et vocalique; chaque trait ayant la valeur + ou — 5. Consonne + cons — voc Liquide -f- cons -f- voc Voyelle — cons + voc Glide — cons — voc De l'examen de la distribution des traits ci-dessus, il apparaît que les consonnes et les liquides ont en commun le trait [+ cons], alors que les voyelles et les glides, elles, se partagent le trait [ — cons]. En nous servant des traits distinctifs, la règle énoncée ci-dessus peut s'écrire de la façon suivante : 2) En position finale : a) Les consonnes sont tronquées devant les segments [-f- cons]. b) Les voyelles sont tronquées devant les segments [ — cons]. c) Les liquides et les glides ne sont jamais tronquées. /ssr wazo/, pareil camarade /parej kamarad/, pareil rabbin /parej rabs/, pareil ami /parej ami/, pareil oiseau /parej wazo/. Le t renversé et le e renversé à droite équivalent a t et e barrés. 5. Cf. Jakobson, Fant, Halle, Preliminaries to Speech Analysis, pp. 18-20. 40 Les segments tronqués peuvent se représenter également dans la notation des traits distinctifs : En position finale : + cons — voc — cons + voc a) Les segments b) Les segments sont tronqués devant les segments [-j- cons], sont tronqués devant les segments [ — cons]. En utilisant les traits, il n'est pas nécessaire de commenter le fait que les liquides et les glides ne se tronquent pas; car le troisième énoncé de la règle 2 se déduit automatiquement de la règle 3. Des règles telles que la règle 3 — à la différence des énoncés tels que 1 — traduisent des général isations importantes existant dans une langue. Ainsi la règle 3 énonce explicitement de quelle manière consonnes et liquides s'apparentent et comment elles définissent une classe de segments qui tronquent une consonne précédente; autrement dit les consonnes et les liquides à l'ini tiale du mot sont apparentées d'une tout autre façon que les consonnes et les liquides en finale du mot ne le sont. On peut faire une remarque semblable au sujet des voyelles et des glides. Les deux parties de la règle 3 sont très similaires et on est donc amené à se demander si la règle ne pourrait pas être simplifiée encore davantage et conduire à une généralisation importante. Nous pouvons observer que partout où nous avons un + dans la partie (a) de la règle nous avons un — dans la partie (b) et vice versa; autrement dit, (a) et (b) ne diffèrent que par la valeur assignée à chaque trait mais non par les traits eux- mêmes. C'est sur cette complète symétrie des deux uploads/Litterature/ article-lgge-0458-726x-1967-num-2-8-2891.pdf
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- Publié le Oct 12, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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