SOMMAIRE Introduction générale 11 I – Contexte 1I L’œuvre I19 1. Polysémie 19 2

SOMMAIRE Introduction générale 11 I – Contexte 1I L’œuvre I19 1. Polysémie 19 2. Approches critiques 22 3. La naissance de l’œuvre 26 4. L’œuvre et ses limites 27 4.1 L’œuvre, système clos 27 4.2 L’œuvre ouverte 28 5. Lectures 29 5.1 Un programme poétique 29 5.2 Le discours de l’hommage 31 2I L’auteur I35 1. Une défi nition complexe 35 1.1 Une reconnaissance problématique 35 1.2 Une fonction sociale 36 1.3 Qu’est-ce qu’un auteur ? 37 2. Le nom d’auteur 38 3. Le personnage de l’auteur 39 4. Lectures 40 4.1 Une mise en scène auctoriale 40 4.2 « Ah ! Insensé qui crois que je ne suis pas toi ! » 41 3I La lecture I47 1. Une activité plurielle 47 2. Théories de la lecture 49 3. Lectures du lecteur : « C’est en lisant qu’on devient liseron » (R. Queneau) 51 3.1 Qu’est-ce qu’un lecteur ? 51 3.2 L’auteur, l’œuvre, le lecteur 53 3.3 Du legendum (à lire) au dialogue 54 4. Lectures 55 4.1 L’avis au lecteur 55 4.2 Ruses du roman 57 Christine Marcandier. L’auteur in L’analyse littéraire, notions et repères, sous la direction d’Éric Bordas, Paris, Nathan, “ Université ”, 2011 (1° édition en 2002) CHAPITRE 2 L’AUTEUR 1. UNE DÉFINITION COMPLEXE 2. LE NOM DE L’AUTEUR 3. LE PERSONNAGE DE L’AUTEUR 4. LECTURES 1. UNE DÉFINITION COMPLEXE 1.1 UNE RECONNAISSANCE PROBLÉMATIQUE Une perspective historique et sociologique est nécessaire à une saisie réelle de la notion d’auteur. En effet, si l’auteur est, selon l’étymologie même du terme, l’agent de l’œuvre – du latin auctor (celui qui augmente, fait croître, garant d’une vente) –, s’il en est la signature et presque la caution, sa reconnaissance ne va pas de soi. Notion d’abord inconnue (en Grèce antique ou au Moyen Âge), mise en question en 1968 par Roland Barthes qui déclare l’auteur « mort » – et de fait le mue en objet de l’écriture –, la défi nition de l’auteur évolue selon les siècles et les cultures. Dans l’Antiquité, l’auteur n’est reconnu que si son œuvre se soumet aux exigences d’un genre et aux codes de la rhétorique. Dans les textes grecs les plus anciens, comme les épopées homériques, l’aède déclare recevoir sa parole des dieux : « Muse, dis-moi le héros aux mille ruses », « La muse lui donna le chant doux » (l’Odyssée, I, 1 et VIII). Le « je » écrivant reçoit sa parole, s’efface en tant qu’individu et se donne le strict rôle de vecteur d’une inspiration et de porte-parole d’une communauté et non de ses propres valeurs. La fi gure de l’auteur ne peut donc apparaître que dès lors que celui-ci se déclare signataire de l’œuvre, engageant sa responsabilité morale et idéologique, et s’affi rmant comme le dépositaire d’un savoir-faire, d’une technique et d’une pensée. En France, ce n’est qu’à l’époque moderne que l’auteur acquiert une légitimité sociale et une reconnaissance juridique (xviiie siècle). Les écrivains réclament la reconnais- sance de leurs droits d’auteur : Beaumarchais est à l’origine de la Société des auteurs 36 L’ANALYSE LITTÉRAIRE L’AUTEUR et compositeurs dramatiques, en 1791, fi xant les tarifs des droits de représentation, et la Société des gens de lettres est fondée en 1838 par Louis Desnoyers, sous l’impulsion de Balzac. Le xixe siècle voit l’auteur acquérir un statut symbolique inégalé : phare, mage, prophète, l’écrivain se mue progressivement en intellectuel, à travers d’abord la « fi gure romantique, superbe et solitaire de l’auteur souverain dont l’intention (pre- mière ou dernière) enferme la signifi cation de l’œuvre et dont la biographie commande la transparente immédiateté », comme l’écrit Roger Chartier (1996, p. 48), puis celle d’un Zola, engagé, accusateur politique. Quant au xxe siècle, ce dernier redéfi nit, déconstruit et même conteste la fi gure de l’auteur. Ainsi, à rebours de lectures critiques qui plaçaient l’auteur au centre de leurs réfl exions sur l’œuvre, le formalisme russe, le New Criticism américain ou le structuralisme français ont signé la « mort » de l’au- teur, dont l’intention, fondatrice du sens de l’œuvre, est contestée. Les New Critics parlent ainsi d’intentional fallacy1 ou « illusion intentionnelle ». Aujourd’hui, comme le note Antoine Compagnon (1998, p. 49), à l’auteur ou à l’œuvre, on substitue « le lec- teur comme critère de la signifi cation littéraire », toute interprétation des textes devant faire la part de chaque élément de la triade auteur/texte/lecteur, sans accorder une importance trop grande au contexte biographique et historique, mais en tenant compte de l’espace social et textuel, cadre de l’œuvre et ménagé au sein même de celle-ci. 1.2 UNE FONCTION SOCIALE De plus, l’activité de l’écrivain, comme l’ont montré les travaux de Pierre Bour- dieu, est liée à des représentations et des comportements, à l’inscription d’une acti- vité culturelle dans un champ* social. D’abord soumis au mécénat et au service d’un prince, conquérant peu à peu une indépendance politique et fi nancière grâce à la recon- naissance des droits d’auteur, puis rouage des échanges spéculatifs et économiques de l’édition – comme l’a raconté et analysé Balzac dans Les Illusions perdues –, l’auteur subit « les déterminations multiples qui organisent l’espace social de la production littéraire ou qui, plus généralement, délimitent les catégories et les expériences qui sont les matrices mêmes de l’écriture » (R. Chartier, 1996). Ainsi, individu isolé, poète maudit ou inversement membre d’un cénacle, d’un groupe, l’auteur se défi nit dans et par son rapport à la société, dans une appartenance problématique à la collectivité. L’auteur peut s’inscrire dans un groupe fondé sur des postulats esthétiques distincts (école, cercle, cénacle, bande, académie…) ou dans un 1. Titre d’un article de 1946 de W. Wimsatt et M. Beardsley expliquant que l’intention de l’auteur est non seulement diffi cile à retrouver mais que, même reconstituée, elle reste sans pertinence pour la compréhension du sens de l’œuvre. 37 L’ANALYSE LITTÉRAIRE L’AUTEUR ensemble littéraire soudé par la fi liation ou de simples affi nités électives (rencontres, correspondances). Il peut aussi faire le choix de la liberté ou de l’indépendance, jusqu’au refus d’un Gracq ou d’un Blanchot de toute médiatisation. Mais quelle que soit la posture adoptée, tout auteur occupe une place, même marginale, dans le champ* social. Certaines œuvres prennent pour sujet ce positionnement social de l’écrivain, comme Chatterton de Vigny (1833), les Scènes de la vie de bohème de Murger (1852) ou L’Œuvre de Zola (1886). 1.3 QU’EST-CE QU’UN AUTEUR ? Écrivain, auteur, homme de lettres : on emploie souvent ces dénominations de manière indifférente, sans s’interroger sur leur spécifi cité. Philosophe, romancier, poète semblent des termes plus restrictifs, renvoyant à des pratiques génériques. Mais comment distinguer les trois premières appellations ? L’auteur est de fait le créateur et le responsable de l’œuvre, ce terme ne s’appliquant pas exclusivement à la littéra- ture mais désignant toute personne à l’origine d’une œuvre scientifi que ou artistique. De fait, le mot est généralement suivi d’un déterminatif : on est l’auteur de telle ou telle œuvre. C’est ainsi que la notion de propriété littéraire ou artistique permet de préciser celle d’auteur, liée à un acte de création, l’œuvre étant l’empreinte, même inachevée, d’une personnalité créatrice, une conception et une réalisation. L’auteur est donc un créateur, un inventeur, par l’acte d’écrire, et écrivain par état, ce dernier terme désignant en effet davantage une fonction exercée dans la société, un rôle impli- quant des responsabilités et des droits. Lorsque cet état devient une profession, on parle d’homme de lettres, ce mot, déjà employé par Montaigne, se généralisant au xviiie siècle, lorsque les écrivains ont considéré leur fonction comme un métier. Liée à celle d’originalité, la notion d’auteur repose aussi sur la valeur de l’œuvre : il est des auteurs d’une grande œuvre (Homère, Shakespeare, Goethe, Hugo), de grands écrivains (selon la théorie des génies, chère aux romantiques) que la postérité et l’histoire littéraire distinguent des auteurs « mineurs », certes représentatifs de leur époque et de ce fait périodiquement redécouverts par la critique, mais qui restent des « curiosités esthétiques », comme Pétrus Borel ou Philothée O’Neddy, minores roman- tiques. On pourrait ajouter à cette classifi cation les auteurs de best-sellers, portés par la mode du temps, mais auxquels on dénie la moindre valeur littéraire et leur opposer les auteurs « fondateurs de discursivité » (Foucault), comme Marx ou Freud… Complexe et relative, soumise à des défi nitions fl uctuantes, la notion d’auteur est donc éminemment problématique. Et ce d’autant plus qu’il faut aussi, comme l’a rap- pelé Proust, différencier individu anecdotique et écrivain, cet « autre moi », construit par l’écriture et appréhendé par le lecteur. De même, selon Robert Pingaud (1977), il 38 L’ANALYSE LITTÉRAIRE L’AUTEUR convient, au sein de cette dernière identité, de dédoubler l’écrivain – sujet de l’écriture, à l’origine du texte, de l’œuvre – et l’auteur, pris dans le jeu social de la culture. Ainsi l’homme de lettres – dans l’acception la plus large du terme – serait écartelé entre son être profond et son mode de représentation sociale (le solitaire, le maudit, le philo- sophe…), entre la réalité de uploads/Litterature/ auteur.pdf

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