p .. '-< _I Jean Beaufret Parménide Le Poème QUADRIGE I PUF À LA MÉMOIRE DE JEA

p .. '-< _I Jean Beaufret Parménide Le Poème QUADRIGE I PUF À LA MÉMOIRE DE JEAN-JACQUES RINIÈRI ISBN 2 13 055902 6 ISSN 0291-0489 Dépôt légal - 1 re édition : 1955 ze édition (< Quadrige 1) : 2006, décembre © Presses Universitaires de France, 1955 Épiméthée 6, avenue Reille, 75014 Paris Avertissement de l'éditeur Jean Beauf rel n'a cessé de lire et de travailler le Poème de Parménide. Lorsque, deux ans avant sa disparition, fut acquis le principe d'une refonte de son étude de I9JJ, il avait déjà éla­ boré un nouvel avant-propos, une nouvelle traduction et de nouveaux éléments de commentaire du Poème. La mort a interdit que cet ensemble entièrement repris puisse paraître. L'examen provisoire des papiers laissés par Jean Beaufret a, d'autre part, révélé une telle q11antité d'esquisses, de notes et de réflexions qu'il n'était pas possible, dans un bref délai, de les rassembler pour une seconde édition. Il a donc semblé plus expédient de simplement rééditer, sans attendre /'achèvement d'un travail éditorial encore à faire, le texte de I9JJ. D'ailleurs, argourd'hui que ce livre appartient à /'histoire de la philosophie fran;aise de notre siècle, il conve­ nait qu'il redevienne, tel quel, accessible. J.-L. M. AVANT-PROPOS L'origine du présent travail est une traduction du Poème de Parménide laissée par Jean-Jacques Riniéri, lorsqu'en août 1950 il quitta Paris pour le voyage en Hollande dont il ne devait pas nous revenir. La traduction de Riniéri, relevée par Olivier Revault d' All ones, me fut renùse en 1951 par Roger Stéphane, qui me demanda d'écrire quelques pages d'introduction. Le projet d'introduction convenu au départ se transforma, au cours des années qui suivirent, en une méditation presque incessante et souvent découragée des difficultés de plus en plus redoutables du texte parménidien. Cette méditation m'amena à reprendre d'un bout à l'autre la traduction de Riniéri. Il semblait d'abord qu'il y avait lieu surtout de la compléter. N'étaient pas traduits en effet les Fragments IX, X, XI et XVIII. Mais la traduction des vers 30 et 31 du Fragment I et des vers 60 et 61 du Fragment VIII manquait également. Or l'interprétation de ces vers a été historiquement décisive pour l'ensemble, car c'est en eux que se concentre toute la diffi culté du texte dont ils déterminent l'ajointement. C'est ainsi qu'un travail qui voulait n'être d'abord que la nùse au net d'une traduction a finalement abouti à une autre traduction, caractérisée par une situation différente de la 86Łix par rapport à l'&l.džOe:Lix et du voe:!v par rapport à l'e:!vixL. Cette traduction nouvelle est une aventure qui n'aurait sans doute jamais été tentée sans l'entreprise initiale de Riniéri. Elle a été menée à son état actuel avec le concours de Michel Gourinat, Francis Olivier, André Wormser. Plusieurs entretiens avec Martin Heidegger ont été d'une aide inestimable en ce qui concerne l'essentiel. Jean-Jacques Riniéri avait suivi le texte que proposait Diels (Die Fragmente der Vor1oleratilur, t. 1, 1912). Les Fragments sont présentés ici selon l'ordre adopté par Walther Kranz dans la récente réédition du même ouvrage (1952). Le texte grec est celui de Kranz, sauf quelques modifications (vers 7, 12, 19, 36, du Fragment VIII ; cf. notes aux passages indiqués). Qu'il me soit permis de penser que l'interprétation proposée dans les pages qui suivent demeure fidèle à l'initiative, à la passion qui portaient Jean-Jacques Riniéri à la découverte de Parménide. J. B. INTRODUCTION A UNE LECTURE DU POÈME DE PARMÉNIDE J'ai suivi à la trace lee originea. Alors, je devins étranger à toutes lee vénérations. Tout se fit étranger au· tour de moi, tout devint solitude. Mais cela même, au fond de moi, qui peut révérer, a surgi en secret. Alon s'est mis à croitre l'arbre à l'ombre duquel j'ai site, l'arbre de l'avenir. N1ET2SCHE. Nous lisons dans les Maximes et ré flexions de Gœthe : « Que d'études doit faire un peintre pour être capable de voir une pêche comme Huysum la voyait ! Et nous, ne devons-nous pas rechercher s'il est possible de voir l'homme comme les Grecs l'ont vu ? • A quoi Nietzsche répond dans le Gai savoir : « Nous ne comprenons plus bien comment les Anciens ressentaient les choses les plus banales, les plus courantes, par exemple le jour et le réveil : comme ils croyaient au rêve, la veille avait pour eux une autre lumiôre. Il en était de même du tout de la vie, éclairé par le contre-rayonnement de la mort et de sa signifiance : notre mort est une toute autre mort. Tous les événements de l'existence avaient un éclat différent, car un dieu resplendissait en eux; toutes les décisions aussi, toutes les pers­ pectives ouvrant sur le lointain de l'avenir : car on avait des oracles, de secrets avertissements et on croyait à la divination. La « vérité • était ressentie clifféremment, car le dément pouvait être son inter­ prète - ce qui nous donne le frisson, ou bien nous porte à rire (1) ... • (I) Gai s,woir, § rr5. 2 LE POÈME DE PARMÉNIDE * * * Une particularité certainement significative de la pensée fran­ çaise d'aujourd'hui est le peu d'intérêt qu'elle porte aux philosophes dits Présocratiques. Il semble entendu chez nous, que la philosophie commence avec Socrate tel que nous pouvons le connaître par Xénophon et par Platon. Les maisons d'édition cc classiques >> ne proposent au lecteur à peu près aucun des textes attribués à Parmé­ nide, à Héraclite ou à Pythagore. Seule une curiosité un peu sus­ pecte, le goût artiste du bizarre ou le spécialisme pédant de l'archéo­ logie et de la philologie remontent jusqu'à ces auteurs obscurs. Bien sôr, on sait encore leurs noms. On parle même parfois du devenir héraclitéen, de l'arithmétisme pythagoricien ou de l'immobilisme des "l:,/éates. Mais on se contente de ces clichés assez vulgaires pour passer bien vite à Platon. Au fond, Parménide n'est guère connu que par Platon. Il est soit le vieux gymnaste qui se livre sans souci de l'âge aux exercices dont s'émerveUle un Socrate peut-être encore à naître, soit la victime du parricide imaginaire qu'exige, pour les temps à venir, le salut cc dialectique » de la philosophie. Ainsi ne savons-nous de Parménide que ce que nous transmet de lui l'imagerie platoni­ cienne. La vérité de Parménide, comme celle d'Héraclite ou de Pythagore, se cache encore dans des lointains peu fréquentés et dont n'émerge pas beaucoup plus que le mystère du temple dorique. Et encore la pensée des Présocratiques est-elle, selon le mot de Nietzsche, « le mieux enseveli de tous les temples grecs » ( 1 ). Jean-Jacques Riniéri pourtant traduit Parménide. Il le traduit pour lui, à titre d'exercice. Il n'est conduit dans ce singulier travail ni par l'ardeur philologique, ni par la curiosité archéologique, ni par le dilettantisme antiquaire. Riniéri est un homme d'aujourd'hui. Il fait époque avec son siècle. Pourquoi, dès lors, un tel retour en (I) WERXE, M. Nauman, XV, § 419. LE POÈME DE PARMÉNIDE 3 arrière ? Peut-être faut-il comprendre ici que remonter jusqu'à Par­ ménide n'a rien d'un retour en arrière. Remonter jusqu'à Parménide, c'est bien plutôt, pour un homme d'aujourd'hui, se mettre d'intelli­ gence avec son propre temps. Que du fond des lointains où nous ne le rejoignons qu'avec peine l'énigmatique (1) Parménide puisse devenir lumière sur nous­ mêmes et sur notre temps, c'est là une affirmation apparemment paradoxale. Non plus si nous faisons nôtre cet autre paradoxe que l'essence même de la philosophie pourrait bien être sa propre his­ toire, et qu'une telle histoire pourrait bien constituer à son tour « l'élément le plus intérieur de l'histoire universelle ». Telle fut la découverte inépuisablement problématique de Hegel. Jusqu'à Hegel, les philosophes ne se souciaient pas à l'excès de ceux qui les avaient précédés. Il est clair que Kant n'a pas très bien lu Descartes. Un peu mieux peut-être Platon - le Platon de la Républiqrte, mais non pas celui du Sophi.rte dont il ne paraît pas soupçonner la profondeur singulière lorsqu'il traite comme d'une nouveauté de « l'introduction en philosophie du concept de grandeur négative ». Mais avec Hegel, la philosophie devient expressément << recollection » d'elle-même et cette recollection philosophique est illuminante de toute histoire, dans un panorama dialectique du gouvernement du monde par la raison à la recherche de soi. Une telle histoire présuppose à son tour un « fondement géographique » (2), car elle déroule ses phases en allant de l'Est à l'Ouest : de l'Asie, où se lève le soleil extérieur et physique, à l'Europe comme Occident ou pay.r du couchant, mais pays où se lève, en revanche, le << soleil intérieur » de la << Conscience de Soi », dont l'éclat surpasse infiniment toute lumière simplement (1) Notons que Simplicius (Diels, A. 19) ne comptait pas Parménide parmi le • Enigmatiques •. Il le rangeait aux côtés d'Aristote, de Platon et de Xénophane, parmi les maitres « qui ne se soucient que de ceux qui entendent plus en surface " (-rwv 9m7toÀa:L6-rcpov iixpo<..> µÉv<..> v ... X7)86µcvoL) (:i) Cf. Philosophie de uploads/Litterature/ beaufret-jean-parmenides-poema-analisis-pensamiento-griego-frances-1955 1 .pdf

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