Benoît Duteurtre – 26/11/2011 INTRO Si l’on prend pour point de départ de cette
Benoît Duteurtre – 26/11/2011 INTRO Si l’on prend pour point de départ de cette rencontre, votre dernier roman, L’Eté 76, paru en mars de cette année, on y découvre la reconstitution de votre adolescence, la formation de votre personnalité, l’évolution de vos goûts littéraires et musicaux. Surtout cette double passion qui ne vous a jamais lâché, qui vous meut depuis vos 15 ans : la littérature et la musique. Devant une feuille blanche vous êtes convaincu que vous êtes un écrivain. A 17 ans vous partez à Rouen pour étudier la musicologie. Fort de votre enthousiasme et de vos convictions vous vous adressez à vos aînés, à ceux que vous admirez et ça marche ! Vous le racontez d’ailleurs dans L’été 76 – vous allez à la rencontre d’Armand Salacrou, grande célébrité littéraire, habitant Le Havre, comme vous : p69 puis 71-72 Un beau souvenir Cela ne s’arrête pas là, vous adressez une nouvelle à Samuel Beckett qui la publie dans la revue prestigieuse des Editions de Minuit. Un peu plus tard c’est Milan Kundera qui voit en vous une parenté d’esprit avec Emile Cioran (Drôle de temps) Dans le domaine musical également vous avez fait des rencontres marquantes avec Ligeti, Xenakis, Stockhausen. Aujourd’hui vous iriez vers qui ? Vous-mêmes êtes-vous sollicité et acceptez-vous des demandes de la part de jeunes écrivains ? L’idée n’est pas tant de mettre en lumière que vous avez été parrainé par de grands hommes mais plutôt de souligner un trait de personnalité très affirmé : vous êtes très déterminé, y compris quand vous paraissez être à contre temps ou à contre courant. Certains de vos livres ont semé en leur temps la polémique : un essai, Requiem pour une avant – garde (1995),Gaieté parisienne (1996) et Les malentendus (1999). Avec le recul que pensez-vous de ces réactions excessives et de votre classement à droite ? C’était il y a longtemps, aujourd’hui vous êtes accepté et vous gardez votre cap. Avec constance vous tapez sur le clou et vous l’enfoncez. Un exemple : Les vaches –en 1987, qui devient en 2000 « A propos des vaches » édition augmentée de l’édition originale, par deux textes : la question de la vache et Des vaches aux vaches ou vous évoquez les transformations subies depuis les années 60 du petit village des Hautes Vosges où vous passiez vos vacances durant l’enfance. Ces moments intenses qui sont au cœur du roman initial en 1987. « L’étude des basses-cours constitue l’une des grandes affaires de la littérature » … « La vache est l’avenir de l’homme ». C’est là une constante. On pourrait démontrer que vous dites la même chose dans « Le retour du général » sur un mode comique. On pourrait vous croire nostalgique et passéiste, pourtant à force de regarder dans le rétroviseur vous avez plutôt le chic pour apparaître presque en avance sur votre temps. « Page 80 81 et 82 » C’est le moment de vous poser la question à mes yeux la plus importante : votre rapport au temps ; Lire page 61/62 Le retour du Général Quelle est votre ligne du temps personnelle ? Cette question n’est-elle pas au cœur de votre acte d’écriture ? « BD viellit à l’envers » a écrit Dominique Noguez Dans Les vaches : « L’hiver finissait. De déclinaison en exercice d’algèbre, je me sentais moins jeune. J’avais l’impression de vivre la vieillesse de l’enfance ». p. 167 Peut-on également dire que vous êtes le gardien de la mémoire familiale ? Les pieds dans l’eau Comment opérez vous le choix de la fiction ou de l’autobiographie quand vous entreprenez un nouvel écrit ? Ballets roses, subtilement sous titré « les dessous de mai 1958 » dans une moindre mesure. Choix : Si ce moment de l’Histoire me passionne, c’est aussi parce qu’il croise l’histoire de ma propre famille. Je n’étais pas né en 1958, mais mon arrière grand-père, René Coty, second président de la IVème république, rencontra souvent cette année là André Le Troquer et Charles De gaulle ». P 18 et 19 Vous formulez dans une introduction que vous intitulez « Digression » L’enjeu de ce livre touche : au lynchage médiatique, à la rumeur, à l’obscénité frénétique de l’intérêt du public. Vous posez aussi la question : comment se déroulerait aujourd’hui un tel procès ? A nouveau vous écrivez de belles pages sur un monde en voie accélérée de disparition. Vous êtes là pour en rendre compte : p 216 – 217. Vous fustigez la notion galvaudée de la modernité : « Il faut souffrir pour être moderne » écrivez- vous dans TT doit disparaître ; Lire p 108 la modernité me fascine … calculées de la première à la dernière note » (p. 109) « Le héros de chacun des romans de BD est un naïf stoïque, ratant ses stages d’insertion dans la vie moderne, observant benoîtement le monde à distance » a écrit de vous un journaliste. Le monde qui nous entoure est le seul sujet pour le romancier. MUSIQUE : On a déjà évoqué votre passion pour la musique qui double votre passion pour la littérature ; Depuis 13 ans, notamment, vous nous faites profiter de vos coups de cœur pour la musique dite légère ou l’opérette chaque samedi sur France Musique. Etonnez-moi, Benoît -nombeux adeptes ici présents. Je viens d'achever la lecture de l'édition Folio « revue par l'auteur » de « Tout doit disparaître », paru la première fois il y a dix ans. C'est un livre parfait, comme il existe des figures géométriques parfaites. La violence y est limpide, incroyablement calme. Vous y narrez vos débuts de journaliste musical à Paris, l'horreur de la vie de pigiste, les humiliations mondaines et aussi votre peur d'aimer. Vous prétendez hésiter entre deux sexes, mais c'est surtout l'amour qui vous fait peur, avec ses obligations, ses mécanismes, ses habitudes. Votre névrose, ce n'est pas le passé, mais ce qui, dans le présent, subsiste du passé. Ce n'est pas le temps perdu, ni retrouvé, mais le temps enfoui. Cette Belle Epoque qu'on lit encore, qu'on devine un peu (de moins en moins) à travers les briques, les rues, les monuments. Vous faites comme si. Comme si Offenbach et Haussmann, comme si Reynaldo Hahn et Proust étaient encore vivants. Vous vous réfugiez à la campagne ou au Balajo, ces lieux où le XXI siècle ne veut rien dire. Mais, étrangement, vous êtes tourné vers le passé non comme un passéiste, mais comme un visionnaire. Avec vous, le passé redevient neuf. Vierge. Et Debussy tutoie Steve Reich ; Ravel écoute James Brown ; Barry White est le meilleur ami de Stravinsky. Tout, donc, n'a pas disparu. Pas même les vrais écrivains. Franchement, vous 'étonnerez toujours, Benoît. YANN MOIX Le talent de Duteurtre fait que nous sommes touchés par les malheurs de Nicolas. Mais un bon roman ne fait pas que suivre la ligne mince d'une vie. Autour, il faut qu'on sente vivre une société et un pays. Ou mourir. Bien plus accablante en effet que la vie de Nicolas, en tant qu'homosexuel, est sa vie en tant que parasite " culturel " et néanmoins civilisé et qui voit s'effriter sous ses yeux cette civilisation. Le bord de mer souillé, Paris qu'on démolit, l'infernale musique, la partie " rave ", la fête musicale d'État, la niaiserie des idées obligatoires, en particulier celles qui rabaissent un grand drame humain à une singerie satisfaite, voilà ce qui forme le fond du tableau. Je n'ai jamais vu traiter de manière aussi saisissante la rupture entre les générations que par le tableau des jeunes lycéens " homo ", lisses, indifférents, complices entre eux, qui ne fument pas, ne boivent pas, du moins ne boivent que des jus de fruits, ne se régalent que de bonbons et de sucettes, inaccessibles, informes et cyniques éromènes pour des érastes désarçonnés, qui en sont encore au whisky et ne comprennent plus rien. Le roman nous tend un miroir où se reflètent, directement ou non, plusieurs de nos inquiétudes quant à notre pays. Benoît Duteurtre écrit simple, au ras des choses. C'est ce qu'il fallait pour éviter les fautes de goût, et, de fait, je n'ai relevé ni vulgarité ni obscénité jusque dans des scènes de la plus anatomique précision. C'est ce qu'il fallait pour tenir le ton général qu'on pourrait qualifier de comique. Quel comique ? Le comique triste de Flaubert. Flaubert rapporte avec froideur et positivement un discours, une opinion, jusqu'à ce que la bêtise ou la cruauté que contient ce discours, que dénote cette opinion, les fassent éclater et suscitent chez le lecteur l'ébahissement, l'indignation devant " l'hénaurme ". Je suppose que Duteurtre a lu bien d'autres auteurs, mais il me semble qu'il a particulièrement étudié celui-là. Je retrouve discrètement employés les jeux flaubertiens de l'imparfait et du passé simple. Exemple : " Nicolas se remit en route à travers champs, observa des vaches dans un pré. Des morceaux de plastique orange étaient agrafés dans leurs oreilles, portant des numéros. " Ou uploads/Litterature/ benoit-duteurtre.pdf
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- Publié le Mar 30, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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