© Tony GHEERAERT 2002 "Boîte à outils" pour la lecture méthodique “ Un livre es

© Tony GHEERAERT 2002 "Boîte à outils" pour la lecture méthodique “ Un livre est écrit – et seulement en tant que livre nous en faisons l'objet d'une critique. Des idées contenues dans l'ouvrage on ne traitera que pour déterminer de quelle façon elles sont mises en lumière. La critique n'est pas faite pour mettre des idées à l'épreuve, mais pour cerner d'abord ce qui fait d'un ouvrage un produit d'art ”. (Edgar Allan Poe) Lorsqu’on se trouve devant un texte dont on doit faire un commentaire composé, la première chose à faire est de repérer tout ce qui fait que le texte est un texte littéraire . Un texte est littéraire quand son intérêt réside moins dans le message qu’il véhicule que dans la façon d’exprimer ce message. Ou plutôt, dans un texte littéraire, la forme fait sens : la mise en œuvre littéraire participe de la signification au même titre que le contenu “ brut ”, elle l’éclaire ou l’enrichit, elle permet de dire plus et mieux que ce que pourrait dire le “ degré zéro du texte ”. + La “ forme ” et le “ fond ” ne sont donc jamais séparés : le texte littéraire n’est pas un simple contenu (comme le serait un texte de loi ou une recette de cuisine), ni une forme pure qui ne donnerait aucune information (un roman ou un poème “ racontent une histoire ” – même les “ nouveaux romans ” des années 50). Le texte est littéraire quand il utilise de façon concertée des moyens (des procédés littéraires) destinés à mettre en valeur ce contenu, en le présentant sous un jour particulier. Il faut donc d’abord étudier soigneusement et méthodiquement les “ procédés littéraires ” en jeu dans le texte . Ces éléments sont objectifs : nul besoin d’être doué, d’avoir un sens littéraire ou de l’imagination pour cela ; dans un premier temps, il suffit (presque) d’appliquer une méthode. La “ sensibilité littéraire ” n’est pas ici niée ou refusée : simplement, elle ne suffit pas à rendre compte de l’émotion provoquée par le texte ; celle-ci est provoquée, en partie au moins par des procédés qu’il convient de répérer. Il convient d’observer en particulier dans le texte les éléments suivants : I- LE SENS LITTÉRAL • Commencez par vérifier systématiquement le sens de tous les mots qui vous sont inconnus. Aidez-vous des notes éventuelles, et dans tous les cas d’un bon dictionnaire... • Élucidez toutes les allusions (historiques, culturelles...). Un dictionnaire de la Bible et un dictionnaire mythologique ne seront pas inutiles : tous les écrivains français, au moins jusqu’à Rimbaud, sont nourris à la fois de culture judéo-chrétienne et gréco-latine. II- LE PÉRITEXTE Le péri-texte concerne tout ce qui est “ autour ” du “ texte ” : titre, préfaces, auteur, etc. 1 A/ DE QUOI LE PASSAGE EST-IL TIRÉ ? • Il faut quelques renseignements minimums, même si l’on se refuse à faire de l’histoire littéraire ou de la critique biographique : - Titre de l’œuvre - Auteur - Dates de composition et de publication. + Ce n’est pas forcément la même ! Par exemple, les Mémoires de Saint-Simon n’ont été connus que fort longtemps après leur composition. - Éventuellement circonstances de publication : l’ouvrage s’inscrit-il dans un ensemble (la Comédie humaine) ? dans une polémique (Candide) ? Était-il à l’origine destiné à un destinataire précis (Lettres de Mme de Sévigné) ? B/ COMMENT LE PASSAGE EST-IL DÉCOUPÉ ? • Le texte à commenter forme un tout : il est important de définir ce qui fait son unité, ce qui permettra souvent de dégager une hypothèse de lecture. 1) Le découpage est-il voulu par l’auteur ? • C’est le cas si le texte forme un chapitre, un sonnet, un paragraphe, une strophe, l’incipit (=première page) ou l’excipit (=dernière page) d’un roman, etc… Ce repérage doit vous aider dans votre questionnnement sur l’œuvre : - si vous êtes face à un incipit, demandez-vous si l’auteur commence son histoire in medias res (le récit sera d’emblée plus dynamique), se réservant de présenter par la suite ses héros, ou s’il prend le temps de planter le décor. Utilise-t-il, comme souvent dans les romans policier, la focalisation* externe ? - si vous devez commenter un explicit, demandez-vous si tous les problèmes sont résolus (comme dans les tragédies classiques), si une sorte de “ morale ” se dégage de ces dernières lignes, ou si au contraire le texte reste “ ouvert ” (fin de Thérèse Desqueyroux, par exemple). 2) Si le découpage est artificiel, qu’est-ce qui donne au passage son unité ? • Il faut essayer de deviner pourquoi ce texte a été ainsi découpé par le professeur ou le jury. III- LE PLAN DU TEXTE • Il convient de repérer le mouvement général du texte: - il peut être chronologique (cas d’une narration) - il peut être logique (cas d’un texte argumentatif) - il peut être strophique (cas d’une poème en strophes) - autre : il peut être constitué de morceaux de nature différente (un paragraphe de description suivi d’un paragraphe de narration, etc.); il peut être fondé sur l'alternance temps fort/temps faible, etc. • Mettez à profit cette étape pour procéder à un survol du texte: quels éléments sont répétés? quelle est la longueur des paragraphes, des phrases? © Tony GHEERAERT 2002 IV- LE TON GÉNÉRAL DU TEXTE Il y a six tons possibles, définis en vue de l’effet que le texte cherche à produire sur le lecteur et des procédés utilisés pour y parvenir : A/ LE TON PATHÉTIQUE • Le texte vise à susciter l’attendrissement du lecteur. Il est utilisé pour décrire les souffrances humaines. • Caractéristiques : - un vocabulaire sentimental - des expressions fortes et des hyperboles, des exclamations fréquentes (“ hélas ! ”) - un appel aux larmes parfois explicite. “ Pleurez, doux Alcyons, vastes oiseaux sacrés, Oiseaux chers à Thétys, doux alcyons, pleurez ” (Chénier) “ Ah ! Qu’elle était belle la petite chèvre de Monsieur Seguin ! ” (A. Daudet) + L’abus du pathétique est appelé pathos. B/ LE TON LYRIQUE • Le texte exprime les sentiments personnels du narrateur (ou du poète) qu’il cherche à faire partager au lecteur ; le climat est celui de la méditation • Caractéristiques : - souvent en vers - utilisation du “ je ” et du “ nous ” dans la mesure où le poète cherche à faire participer le lecteur - une langue musicale (lyrique < lyre) : jeux de rythmes et de sonorités abondants - thèmes favoris : l’homme et la nature, la femme, l’amour, la fuite du temps “ Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ; Je promène au hasard mes regards sur la plaine Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds [...] Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières, Vains objets dont pour moi le charme est envolé ? Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ”. (Lamartine) Variante: on parle de ton élégiaque lorsque le lyrisme est tourné vers l'expression d'une plainte. 3 C/ LE TON ÉPIQUE • Le texte, normalement en vers, met en scène des personnages historiques lancés dans des événements aux enjeux grandioses : la naissance d’une ville ou d’un pays, la résistance victorieuse d’un peuple contre un envahisseur, la lutte du bien et du mal... • Caractéristiques : - héros qui symbolise des valeurs (courage, piété, vertu ou contraire traîtrise, etc.) - récits d’exploits et de hauts faits (d’armes le plus souvent) - recours fréquent au merveilleux (les dieux ou les saints s’en mêlent) et aux hyperboles “ Le combat est prodigieux et pesant. Fort bien y frappent Olivier et Roland Et l’archevêque plus de mille coups rend. Les douze pairs ne tardent nullement Et les Français frappent tous mêmement. Les païens meurent et par mille et par cent. Qui ne s’enfuit, contre la mort ne se défend, Qu’il veuille ou non, il y finit son temps. Les Français perdent leurs meilleurs garants, Ne reverront ni pères ni parents, Ni Charlemagne, qui au port les attend. Se lève en France une tourmente étrangement, Orage c’est de tonnerre et de vent, De pluie, de grêle, démesurément ” (Chanson de Roland). D/ LE TON TRAGIQUE • Le texte tend à provoquer la crainte et la pitié. Le texte montre un héros accablé sous le poids d’un destin qui le manipule. L’issue est malheureuse car le destin, force aveugle et mystérieuse, s’acharne sur le héros qui n’est ni tout à fait innocent, ni tout à fait coupable • Caractéristiques : - souvent en vers - le ton se caractérise par une “ tristesse majestueuse ” (registre très soutenu) - gravité de la situation dont l’enjeu est la mort - les personnages sont de condition noble (princes ou rois) “ Oh ! par pitié pour toi, fuis. Tu me crois peut-être Un homme comme sont tous les autres, un être Intelligent, qui court droit au uploads/Litterature/ boite-outils-tony.pdf

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