Paul Marty L'Islam en Guinée : Fouta-Djallon Editions Ernest Leroux. Paris. 192
Paul Marty L'Islam en Guinée : Fouta-Djallon Editions Ernest Leroux. Paris. 1921. 588 pages Chapitre XI Pratiques Divinatoires Rites, Pratiques et Survivances du Passé 1. Jours et mois fastes et néfastes La pratique des jours fastes et néfastes est d'un usage courant au Fouta et à Dinguiraye. A cet effet, on consulte les manuels de divination et de cryptographie, d'origine et de langue arabes, dont plusieurs exemplaires sont répandus dans les bibliothèques du Fouta. En outre, les Toucouleurs condensent en une formule de deux vers les jours néfastes du mois, en se servant de la valeur numérique des lettres: c'est-à-dire: Dans les deux premières décades du mois, ce sont: jh jou. Dans la deuxième décade, voyez les mauvais jours à adou En traduisant la valeur des lettres, et en ajoutant devant les deuxième et troisième dizaines les chiffres 1 et 2 prévus, il vient: 3-5 (1) 3 — (1) 6 — (2) 1 — (2) 4 — (1) 6 Ce sont là les jours néfastes de chaque mois. Parmi les jours de la semaine, les uns sont fastes, les autres sont dangereux. Le vendredi est un jour heureux, mais l'intéressé doit s'aider. La journée est, en effet, telle qu'elle a été commencée. Il convient donc de se lever de bonne heure et de s'ingénier à gagner quelque chose. On fera alors divers et importants gains avant la soirée. De même, si on a pu se faire offrir un bon repas, on est assuré de manger gratuitement et abondamment dans la journée. De même encore, une dispute matinale entraînera maintes querelles. A huit heures, finit cette période d'incubation, et la journée commence. Le vendredi encore, il ne faut jamais se raser la tête après la prière d’Alansara. On courrait les plus grands dangers d'avoir cette tête coupée. Le samedi et le mercredi jouissent de la réputation de voir redoubler les événements qui se sont produits ces jours-là. Si, par exemple, on est malade un samedi, on le sera maints autres samedis. Il en est de même, si un décès est survenu dans votre famille, si vous avez fait quelque gain, si vous vous êtes querellé avec un voisin, etc. Le dimanche est un jour des plus fastes, où l'on doit entreprendre les ouvrages de longue haleine, car on est assuré de les mener à bien. C'est ce jour-là qu'il faut commencer les cultures, mettre la première main à la construction d’une galle, d'une mosquée, partir en voyage, etc. Le mardi est bon pour faire couper ses moustaches à la mode arabe. On y gagne de la nourriture. Le mercredi, il ne faut pas couper ses ongles. L e Prophète l'a défendu, sous peine de lèpre. En outre, il est extrêmement dangereux de se raser le premier jeudi d'Achoura. On est à peu près sûr de mourir dans l'année. Le jour anniversaire de sa naissance est toujours pour un homme un jour néfaste. Les mois sont indifférents dans l'ensemble, sauf Rebi 1, Redjeb et Ramadan qui sont fastes, surtout le premier, et Safar qui est tout à fait dangereux. On souffre d'un certain malaise pendant ce mois, et Dieu y fait tomber la plupart des malheurs de l'année. Il n'y a d'ailleurs aucun remède à cette situation. 2. Consultation du sort. Pour la consultation du sort, ou istikhara arabe, on use couramment des ouvrages de l'Afrique du Nord et d'Orient qui traitent de la matière. Il est donc inutile de s'y appesantir ici. Mais il y a aussi toute une section de la magie coutumière, qui s'occupe de l'art de la divination. Elle est entre les mains des sorciers et constitue une partie de leur tyoora ou recueil de recettes empiriques et magiques. En s'islamisant, les peuples du Fouta-Diallon n'ont pas rejeté ces survivances du fétichisme. Non seulement les sorciers Foula et Toucouleurs (ramli, timowo) continuent à pratiquer leur profession à côté des marabouts, et même quelquefois de concert avec eux, mais même les seleli malinké et bambara jouissent, au Fouta même, d'une grande considération magique. C'est ainsi qu'ils peuvent lire l'avenir dans le sable, convenablement brouillé, puis tassé. Ils le lisent encore dans des combinaisons de petites pierres qu'ils placent devant eux par rangées de deux, sur six à huit de profondeur. Ils les brouillent ensuite rapidement, suivant certains procédés, puis étudient la disposition des pierres et, suivant la place des plus grosses et des plus petites, en tirent certaines conclusions. Un procédé que signalait déjà Hecquard, en 1850, consiste à jeter en l'air une poignée de coques d'arachides; quand elles sont retombées, le sorcier saura comprendre beaucoup d'événements futurs, d'après leur place et suivant leur position de chute. En dehors de ces procédés et de maints autres qui sont le fait des spécialistes, il y a des présages qui sont à la portée de tout le monde. Ainsi un homme part un matin en voyage ; il peut connaître le succès de son entreprise d'après le sexe de la première personne qu'il rencontrera. S'il a un frère immédiatement cadet et qu'il rencontre un homme, c'est un présage de succès. De même, si c'est une sœur qui est sa cadette et s'il rencontre une femme, mais s'il y a interversion de sexes, si, par exemple, il rencontre une femme en sortant de sa case et qu'il ait comme cadet immédiat un garçon, le présage est des plus fâcheux, et il vaut mieux qu'il rentre. Les mêmes pronostics peuvent être tirés par un père de famille. Si son premier enfant est une fille et qu'il rencontre une femme en premier lieu tout va bien; de même, si c'est un garçon et qu'il rencontre un homme; mais s'il a interversion de sexes, c'est que son entreprise est vouée à un échec. Il vaut donc mieux l'abandonner ce jour-là. On tire encore certains auspices de la place et du vol des oiseaux, mais de ce procédé renouvelé des Romains, on tire des conclusions complètement différentes. Ici, c'est le côté gauche qui est le côté du succès. Un homme part, le matin, aux champs, pour commencer ses cultures. Au sortir du village, il aperçoit, perché sur un arbre à sa « sinistre », un petit oiseau qui tire son nom par onomatopée de ses jolies cascades de trilles (kunkakono, korenkono). L'oiseau chante en son honneur, puis s'envole. C'est un signe excellent et un présage d'abondante récolte. Mais si c'est à la « dextre » qu'on a aperçu l'oiseau, il vaut mieux remettre au lendemain le commencement des travaux. 3. Les nombres et les lettres L'usage des nombres et des lettres dans les carrés magiques, est courant. On y trouve les combinaisons les plus fantaisistes, et cette pratique paraît être pour le karamoko, fatigué d'arides études juridiques et théologiques, une véritable « récréation intellectuelle ». Il est classique de trouver dans une correspondance entre Foula et même Toucouleurs, tous les chiffres remplacés par les lettres possédant leur valeur numérique. Il y a là un petit air de mystère qui convient bien au caractère méfiant des Peuls. Les dates elles-mêmes de la fin des misiide sont très souvent en lettres et non pas en chiffres, c'est-à-dire que les chiffres sont remplacés par les lettres douées de la valeur numérique correspondante. Cette valeur numérique est celle qui est donnée dans les ouvrages classiques arabes de cryptographie; il est donc inutile de la donner ici; mais les marabouts y apportent certaines modifications de leur cru, comme d'ailleurs la chose se fait aussi dans l'Afrique du Nord. C'est ainsi que les chiffres et les lettres ont, tantôt leur valeur absolue, et tantôt une valeur relative due à leur place et par la fantaisie du karamoko, ils conservent leur valeur absolue quand ils sont à la droite d'un autre chiffre ou lettre, et ils prennent une valeur relative et connue de lui seul, quand ils sont isolés. On rend ainsi les gris-gris complètement mystérieux, et ils restent indéchiffrables pour le fidèle qui aurait la tentation de vouloir les étudier de prés. Les marabouts se servent encore de la valeur numérique des lettres pour créer des mots et des phrases imaginaires en qui sont condensées des prières qu'on doit réciter un grand nombre de fois. Ici, nous entrons dans le domaine de l'exploitation cléricale; le karamoko vend à bon prix au fidèle la possibilité de réciter plusieurs centaines d'invocations, en prononçant une seule fois une formule mystérieuse où elles sont toutes résumées. D'une façon générale, on considère que les chiffres pairs sont bons, et que les chiffres impairs sont dangereux. II — Pratiques médico-magiques 1. Le tanaa. L'institution totémique est parfaitement connue au Fouta-Diallon. Le totem est désigné par les Foula sous le nom de tanaa, qui se rapproche du nténé de leurs voisins malinké et soussou. Les Toucouleurs l'appellent wodha. Or, il est incontestable que le tanaa à, à peu près complètement, disparu de la société foula, et cela depuis fort longtemps. On pourrait croire que c'est à l'Islam, terrible destructeur des croyances qu'il ne peut assimiler, qu'est due cette disparition. Il uploads/Litterature/du-fouta.pdf
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- Publié le Mai 09, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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