ILLUSTRATION DE COUVERTURE : The Blade de Tsui Hark, Hong-Kong, © De Boeck & La

ILLUSTRATION DE COUVERTURE : The Blade de Tsui Hark, Hong-Kong, © De Boeck & Larcier s.a., 1998 Département De Boeck Université Paris, Bruxelles D. 1998/0074/199 Toute reproduction d'un extrait quelconque de ce livre, par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est strictement interdite. Imprimé en Belgique ISBN 2-8041 -2999-3 Marie (Bernadette Lafont) : — C'est fou ce que vous croyez encore en l'homme. Alexandre (Jean-Pierre Léaud) : — Qu'est-ce que ça veut dire ? Jean Eustache, La Maman et la Putain, 1973. Mes remerciements s'adressent d'abord à tous ceux qui m'ont incitée à écrire ces textes et dont les demandes représentèrent autant de judicieuses consignes : Bernard Bénoliel, Dominique Blùher, Christa Bliimlinger, Marc Cerisuelo, Michel Ciment, Soï- zick David, Jacqueline Delage, Jacques Deniel, Danielle Dumas, Claire Dupré-Latour, Jurgen Félix, Anne Golliot-Lété, Marie- Françoise Grange, Noël Herpe, Bernd Kiefer, Patrick Leboutte, Jean-Marc Manach, Marie-Claude Taranger, Margrit Trôhler. Je remercie avec émotion ceux qui, chacun à leur manière, m'ont encouragée et aidée à améliorer ce livre, au premier rang desquels figurent René Gardies, au principe de son initiative, et Philippe Dubois, qui l'a mené à son terme : Yann Beauvais, Dia- mantine Bohler, Nathalie Bourgeois, Laurent Champoussin, Jean-Pierre Criqui, Stéphane Dabrowski, Olivier Desmaris, Teresa Faucon, Tag Gallagher, Jean Gili, Pierre Gras, Boris Henry, Rodolphe Lussiana, Miles McKane, Françoise Maunier, Philippe- Alain Michaud, Raphaël Millet, David Pellecuer, Alain Philip- pon, Laurent Préyale, Al Razutis, William D. Routt, Philippe Thomas et bien sûr mes parents, Michelle et Pierre-Jacques Brenez. Pour leur soutien éclairé, sans faille et si précieux, merci à mes très chers «movie mutations brothers», Alexander Horwath, Kent Jones, Adrian Martin et tout particulièrement Jonathan Rosenbaum. à Tag Gallagher Chestnut Hill, Mass. Paris, ce 17 juillet 1998 Cher Tag, tu voudrais mieux comprendre en quoi con- siste l'analyse figurative du cinéma et me mets au défi de te l'expliquer en quelques mots parce que, comme tu l'écris de façon comminatoire dans ton message intitulé Moving Medici, «si tu ne peux pas la définir brièvement en deux ou trois mots (et pas deux ou trois mots au sens figuré), tu ferais mieux de réflé- chir à une autre approche». Bien que je ne voie pas pourquoi un désir analytique devrait être résumé (donc, pour une part, liquidé) en une formule, je vais quand même m'y efforcer parce que toi et moi aimons débattre et parce que nous sommes d'accord sur l'essentiel : ce qui compte, c'est l'attention portée aux films. Voici un abrégé possible mais tu vas voir, à première lecture, il ne va pas nécessairement t'éclairer ni te satisfaire beaucoup : «envisager le cinéma sous un angle figurai». Que le spécialiste de John Ford n'enfourche pas ses grands chevaux, que le biographe de Rossellini ne se couvre pas la face en murmurant 0 DiOy grande Dio, je vais développer un peu 1. D'abord, l'analyse figurative n'est pas une méthode doctri- naire et n'a pas vocation à le devenir : elle ne vise qu'une chose, la prise en compte de dimensions et de problèmes paradoxalement négligés dans les films et, à cette fin, s'appuie sur la mise en œuvre de quelques principes pratiques qui en aucun cas ne forment pré- ceptes. Il s'agit d'une ouverture analytique à partir des films eux- 1 Tag Gallagher est l'auteur de John Ford : the Man and his Films, University of Ca- lifornia Press, 1986 et The Adventures ofRoberto Rossellini, DaCapo, 1998. [N. d. E.] mêmes et non d'une réglementation terminologique. (À la rigueur, la seule formule irrévocable serait la mise en garde de Gilles Deleuze : «Expérimentez, n'interprétez jamais 2 ».) Voici, à titre d'introduction, quatre de ces principes. 1) Considérer; au moins provisoirement; que le film prime sur son contexte. (Analyse figurale). Il ne s'agit que d'une parenthèse dans la circulation infinie que toute image entretient avec ce dont elle est l'image — mais sans elle, on ne saura jamais ce dont l'image nous entretenait. En matière d'analyse des représentations, et en dépit d'approches disciplinaires et d'options idéologiques très diverses, il existe aujourd'hui une puissante doxa méthodologique, une adhésion com- mune à certaines procédures issues d'une histoire des idées. Cette histoire prend son élan au XVIIIe siècle avec le Discours préliminaire de d'Alembert à L'Encyclopédie, texte qui consacra, selon le titre de Blandine Barret-Kriegel, la défaite de Vérudition 3 et ainsi la victoire de la raison conceptuelle sur l'auto- rité savante, de la méthode à vocation universelle sur la prise en charge du détail, de l'esprit de système sur l'examen technique. Les fondements prati- ques de cette constellation méthodologique reposent sur un principe établi au XVIIe siècle par Mabillon dans le De Re Diplomatica libri (1681) : celui de la probation, c'est-à-dire l'établissement scientifique de la source (l'archive, le diplôme, puis le fait) au moyen de constats physiques et formels. Sans retracer leur genèse complexe, intéressante aussi par ce qu'elle abandonne et oublie de ressources spéculatives, je te rappelle les formules méthodologiques majeures communément admises dans les sciences humaines et plus particulièrement en histoire de l'art et des représentations. L'établissement historique des faits; la caractérisation sémiologique (l'œuvre est-elle trace, empreinte, analo- gon...) ; le recours à la contextualité la plus large (étude des déterminants éco- nomiques, politiques, culturels, etc.); l'enquête intertextuelle (inscription modalisée de l'œuvre dans une histoire des formes); l'établissement des rap- ports (référentiels mais aussi fonctionnels) de l'œuvre au champ historique d'où elle provient; l'ouverture à l'interdisciplinarité: de telles procédures contribuent à constituer l'appareillage technique de l'analyse méthodique. L'historicisation des paramètres de la représentation, des catégories analyti- ques et des descripteurs (histoires du regard, de la pensée visuelle, de l'inter- prétation ou de la méthode elle-même) ; l'incomplétude déclarée de l'analyse au double regard du devenir de la discipline dont elle relève et du recours tou- jours possible à toute autre discipline; le questionnement du rôle de l'observateur; la réflexion sur le mode d'écriture employé (nature deYekphra- sis) en constituent l'appareillage réflexif critique. Ces principes organisent l'appréhension de l'œuvre comme celle d'un monument (Denkmal), pour reprendre le terme de Hans Tietze dans un livre exemplaire 4. Établie, identifiée, déterminée par ses bords historiques, spa- tiaux et subjectifs, inscrite dans les tendances du style et du goût, envisagée réciproquement comme source d'autres histoires, y compris celle de sa récep- tion, l'oeuvre devient, en quelque sorte, visitée, transparente, traversée par ce qui l'a autorisé et par ce qu'elle suscite, démultipliée en même temps qu'absentée dans des procédures qui la prennent pour objet. Indispensable et souvent fertile, ce travail d'investigation, dont il faut dire qu'aujourd'hui il occupe presque exclusivement la scène herméneutique, ne semble pourtant pas suffisant. Comment l'oeuvre peut-elle retrouver son épaisseur, sa fécon- dité, sa fragilité, sa densité propre ou son opacité éventuelle, en un mot, ses vertus problématiques ? Comment prendre en considération ce qui, en elle, refuse les logiques de l'appartenance, de l'identité, de la confirmation ? Pour l'analyste, cela suppose d'admettre une question difficile, une question qui ne va pas de soi précisément parce qu'elle vise son autre : en quoi l'œuvre fait- elle sujet ? La conclusion des Questions de méthode en histoire de l'art d'Otto Pàcht posait ce problème : « Grâce aux arts plastiques, il a été possible de don- ner une expression concrète à des choses, à des contenus, à des expériences qui n'auraient pas trouvé à se faire entendre dans d'autres domaines de la cul- ture, ou qui auraient dû prendre une autre forme pour pouvoir être saisis. L'art doit donc être considéré et apprécié comme une affirmation sui generis (...) et il faut accorder à la sphère des arts plastiques la plus complète autonomie 5.» Sans pour autant rien oublier ni négliger des discours détermi- nistes, c'est ici que l'analyse esthétique, dans ce qui la singularise, commence : elle ne ramène pas l'œuvre à ses déterminants ni ne rabat le travail artistique sur l'idée d'efficace historique, qui hante secrètement les procédures d'enquête qu'on peut dire «objectivantes». Il s'agit, tout autrement, de consi- dérer les images comme acte critique et ainsi, de chercher à en déployer les puissances propres. Est-ce là les soustraire à un contexte, à une histoire, au monde tel qu'avant elles nous croyons qu'il est ? Nullement. Au cœur de ce type de questionnement travaille l'affirmation d'Adorno : «Les formes de l'art enregistrent l'histoire de l'humanité avec plus d'exactitude que les documents 6.» C'est bien pourquoi il importe de les analyser vraiment, pour elles-mêmes et surtout, du point de vue des questions qu'elles posent, du point de vue des questions quelles créent. À propos de la peinture, Hubert Damisch a tracé avec clarté les voies d'une telle méthode : l'image «doit être pensée dans le rapport — rapport de con- naissance et non d'expression, d'analogie et non de redoublement, de travail et non de substitution — qu'elle entretient avec le réel 7 ». Dans le cas d'un film, l'exercice s'avère particulièrement difficile puisque le cinéma, art de la repro- duction par excellence, favorise la réduction mimétique selon laquelle on rap- porte immédiatement l'image à sa provenance — comme si uploads/Litterature/ brenez-nicole-de-la-figure-generale-et-du-corps-en-particulier.pdf

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