Un texte qui pourrait être utile aux chercheurs qui se consacrent à André Baill

Un texte qui pourrait être utile aux chercheurs qui se consacrent à André Baillon. « CENT PAGES D’AMOUR, LETTRE A UN PETIT GARCON ». Roman de MARIE DE VIVIER (14 octobre 1899 – 17 janvier 1980) Les visiteurs de ce site vont pouvoir lire dans quelques jours, ici, en exclusivité, le roman rarissime, bref et exquis de la romancière belgo-française Marie DE VIVIER, « Cent pages d’amour, lettre à un petit garçon » (Paris, 1971). Ce roman, imprimé à l’époque à l’aide d’un subside du Ministère des Lettres de Bruxelles, n’avait jamais été republié depuis 1971, et – à l’exception des bibliothèques – était jusqu’à présent rigoureusement introuvable. Nous avons voulu remédier, près de quarante ans après, à ce « vide ». Marie DE VIVIER (à l’Etat civil Marie JACQUART, épouse MATHIEU en 1923, veuve en 1956, et devenue Française en 1973, par son second mariage avec un médecin français, le docteur René RIHOUEY) fut la maîtresse du grand écrivain de gauche André BAILLON, mort par suicide au début des années Trente. Lé dépouille mortelle de Marie de Vivier repose depuis 1980 dans le caveau de famille de son père Arthur Jacquart, au cimetière d’Ixelles, à Bruxelles, et le hasard a voulu que sa tombe se trouve à quelques mètres de la sépulture du Général Boulanger. « Cent pages d’amour, lettre à un petit garçon » est un roman dont l’unique personnage est son petit-fils Olivier Mathieu, né le 14 octobre 1960. En outre, le texte de Marie de Vivier bénéficiera de brefs commentaires inédits - rédigés pour l’occasion, en 2007 – d’Olivier Mathieu, apportant des précisions et complétant utilement la version donnée ici par Marie de Vivier. Il va donc être question ici d’André Baillon, de Marie de Vivier, du frère jumeau d’Olivier Mathieu, de la ville de Marly-le-Roi (où mourut André Baillon, puis où vécut Olivier Mathieu de 1969 à 1984), mais aussi de beaucoup d’autres choses. Il n’est tout simplement pas possible de connaître vraiment Olivier Mathieu, enfin, sans connaître son enfance : et c’est là le principal intérêt de cette œuvre de Marie de Vivier. Il ne s’agit certes pas du « témoignage » unique sur l’enfance d’Olivier Mathieu, mais, certainement, de l’un des témoignages les plus importants : encore que, comme tout témoignage, il convienne de l’analyser avec sens critique et de le « recouper » avec les autres témoignages. Nul biographe d’Olivier Mathieu ne pourra certainement manquer dans l’avenir de lire, et d’étudier, « Cent Pages d’Amour ». Nous nous avancerons même jusqu’à dire qu’il est à peu près vain de parler d’Olivier Mathieu avant d’avoir lu, sereinement, ces belles pages de Marie de Vivier. Ce bref ouvrage est protégé par un copyright établi par Marie de Vivier elle-même en 1971. Toute reproduction en est interdite sans l’accord de Daniel Fattore, responsable du présent site littéraire, et celui d’Olivier Mathieu, petit- fils de Marie de Vivier et, en outre, personnage du roman « Cent pages d’amour ». Un roman dont on peut s’étonner qu’aucun éditeur n’ait songé, depuis 1971, à le republier, bien que son thème ait eu, en France, au moment de sa parution, une grande importance. Sur la quatrième de couverture de « Cent Pages d’amour », on lisait en effet : « Ce livre était sous presse quand fut proposée au Sénat français une loi qui accorde aux enfants nés hors du mariage certains droits jusqu’ici réservés à leurs frères dits « légitimes ». L’auteur n’a pas cru devoir modifier sa protestation, qui devient « témoignage » d’une cruelle ségrégation ». Et ainsi, donc, Olivier Mathieu - tout en remontant ses arbres généalogiques sur plusieurs branches, en ligne directe, et sur documents historiques, jusqu’au dixième siècle - naquit « bâtard » (parce que ses parents n’étaient pas mariés), fils d’une femme qui était Docteur ès Lettres et Docteur en Philosophie mais possédait, jusqu’au milieu des années Soixante, une carte de la « main d’œuvre immigrée ». Olivier Mathieu fut traité de « Belge » en France et de « Français » en Belgique : d’où la naissance précoce, en lui, probablement, d’une conception et d’une mentalité européennes, au-delà de distinctions de « citoyenneté » qui, on le voit aujourd’hui, sont de plus en plus fragiles voire fallacieuses. Suivit une enfance qui fit, très tôt, l’expérience – fondamentale – de la mort (celle de son frère jumeau, Jean-Philippe), de la misère, et aussi de la maladie, mais pas celle de l’école puisqu’Olivier Mathieu, jusqu’à son baccalauréat, ne fut jamais scolarisé. Promesse d’une liberté d’esprit hors du commun. Mais je laisse la parole à Marie de Vivier… MARIE DE VIVIER CENT PAGES D’AMOUR, LETTRE A UN PETIT GARCON. Texte intégral du bref roman Cent pages d’amour, par Marie de Vivier, roman (95 pages) imprimé par l’Imprimerie Vitrant (Villiers-le-Bel), dépôt légal 4e trimestre 1971, copyright Marie de Vivier 1971. Nous avons reproduit systématiquement l’orthographe et la ponctuation de l’édition originale, même quand nous n’étions pas d’accord avec celles-ci. Nous n’avons corrigé que les deux ou trois erreurs typographiques les plus manifestes. Entre crochets, en outre, on trouvera enfin quelques corrections manuscrites apportées, dans l’exemplaire que nous avons utilisé, par Marie de Vivier. MARIE DE VIVIER CENT PAGES D’AMOUR, LETTRE A UN PETIT GARCON. « Dedans mon livre de pensée, J’ai trouvé, écrivant mon cœur, La vraie histoire de douleur, De larmes toute enluminée » (Guillaume de Lorris.) Ils te demanderont peut-être : - Quel enfant avez-vous été ? D’où venez-vous ? Pourquoi avez-vous fait cela ? Voici, mon chéri, la réponse. PREMIER TEMPS J’ai sous les yeux un sachet rose où se détachent en noir ces mots : - Laughing Bang. Dans ce sachet un disque, et sur ce disque un fou-rire. D’entendre rire un peu de coton rose, tu riais, par contagion. Me souvenir toujours de ce disque. Et qu’un enfant c’est d’abord cela : une cire et un écho. Toujours me souvenir de toi à l’état pur, du temps où tu aurais pu devenir un autre, mille autres. Quand tu étais intact de toute imprégnation étrangère, de toute aliénation. A cause, dans ma poitrine, d’une petite cheminée qui tire mal, mes images de toi n’y sont pas en sécurité. Elles peuvent avec moi y sombrer pour toujours. Vite les fixer noir sur blanc. Te voici surgi étonné, curieux, l’œil ouvert sur le monde hostile et périlleux. Clinique, couveuse, ambulance, hôtel, jardin interdit, une seule couveuse pour deux bébés, puis deux couveuses : première séparation, première amputation, premier chagrin peut-être. On voudrait pouvoir avertir les tout-petits de la férocité du monde. Trouver les mots pour leur dire : « Ici poison », leur offrir au biberon un univers aseptisé. Ils sont à toi, les souvenirs d’avant toi. Comme le cri du merle réveille en nous tous les printemps passés, ainsi un chant ressuscite le temps de ton annonciation : - D’amour l’ardente flamme… Qui chantait ? Ta mère, de sa voix fêlée ? Elle ? Moi ? Nous toutes ? Ai-je entendu le chœur des anges ? A toi aussi, cette conversation, - s’il est vrai que les mots qui ont été prononcés avant notre naissance pèsent sur nos destins. Ces mots tombaient de haut sur moi, obnubilée par des mains d’homme qui me déplaisaient. Autour de nous les Reines de France et au loin une pièce d’eau. Un décor choisi, sans témoins. Subjuguée j’entendis que : l’amour est bénéfique aux filles ; qu’un enfant, c’est une assurance-amitié. Sûrs d’eux, bien préparés, les mots faisaient de moi une obligée, et du responsable un bienfaiteur. Puis ce généreux donateur se déclencha, laissant tomber le mot de la fin : - Cet enfant naîtra dans des conditions optima. Ponce Pilate se lavant les mains de son propre sang. Et s’en battant l’œil, de son sang. Plus tard, il appellera ce monologue « la Convention du Luxembourg ». On n’oserait plus marquer de la Lettre Ecarlate les filles qui ont aimé, - sans « la bague au doigt ». Mais on les frappe en leurs enfants. On coupe les vivres à ces petits, on leur refuse toute famille légale hors leur mère ; ils n’ont droit à nul héritage. Alors je sentis naître en moi des bras, comme des ailes. Qui voulaient d’ouvrir, se refermer. Je me demandais comment tu serais, de quelle couleur tes yeux, tes cheveux. Je te prévoyais noir, tu fus blond, et je t’ai aimé noir et blond. Je t’appelais mon bébé. Je voulais être à la fois grand-mère et père. Quand le médecin, ayant examiné ta mère, me fit des doigts un signe furtif : « Deux », et comme elle se rhabillait, je murmurai : - Ne lui dites pas. - Il faudra bien qu’elle sache. Elle sut, et au retour, alors que je pensais à tricoter une seconde layette, deux larmes coulèrent sur ses joues, et elle a dit : - Comment vais-je faire ? C’était déjà si difficile ainsi. Un matin d’août, je lui portai des aliments sans sel. Son buffet était vide ; elle semblait se désintéresser uploads/Litterature/ cent-pages-d-x27-amour-par-marie-de-vivier-roman-sur-olivier-mathieu-dit-robert-pioche.pdf

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