LES BONNES COPIES DE FRANÇAIS Copie n°11 Julie Levitte 1 Elève : Laure Professe
LES BONNES COPIES DE FRANÇAIS Copie n°11 Julie Levitte 1 Elève : Laure Professeur : Julie Levitte Copie n° 11 Commentaire d’un extrait de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre Le contexte Type de sujet : Commentaire Objet d’étude : L’argumentation (convaincre, persuader, délibérer) Séries : S, ES, L L’énoncé Vous commenterez l’extrait de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre. LES BONNES COPIES DE FRANÇAIS Copie n°11 Julie Levitte 2 Le texte Marguerite de Navarre, Heptaméron (1559), Nouvelle cinquième, orthographe modernisée. Dix personnages s’abritent dans une abbaye pour échapper aux intempéries. En attendant un temps plus clément, ils se racontent des histoires. Celle-ci est racontée par Guébron. Au port à Coulon près de Niort, il y avait une batelière, qui jour et nuit ne faisait que passer chacun. Advint que deux cordeliers dudit Niort, passèrent la rivière tous seuls avec elle. Et pource que ce passage est un des plus longs qui soit en France, pour la garder d’ennuyer vinrent à la prier d’amours : à quoi elle fit telle réponse qu’elle devait. Mais eux qui pour le travail du chemin n’étaient lassés, ni pour froideur de l’eau refroidis, ni aussi pour le refus de la femme honteux, se 5 délibérèrent de la prendre tous deux par la force : ou si elle se plaignait la jeter dans la rivière. Elle aussi sage et fine, qu’ils étaient fous et malicieux, leur dit : « Je ne suis pas si mal gracieuse que j’en fais le semblant, mais je veux vous prier de m’octroyer deux choses, et puis vous connaîtrez que j’ai meilleure envie de vous obéir, que vous n’avez de me prier. » Les cordeliers lui jurèrent par leur bon saint François, qu’elle ne leur saurait demander chose qu’ils ne lui octroyassent, pour avoir ce 10 qu’ils désiraient d’elle. « Je vous requiers premièrement, dit-elle, que vous me juriez et promettiez, que jamais à homme vivant nul de vous ne déclarera notre affaire » : ce qu’ils lui promirent très volontiers. Ainsi leur dit : « Que l’un après l’autre veuille prendre son plaisir de moi, car j’aurais trop de honte, que tous deux me vissiez ensemble : regardez lequel me veut avoir la première. » Ils trouvèrent très juste sa requête, et accorda le plus jeune que le vieux commencerait : et en 15 approchant d’une petite île, elle dit au beau-père le jeune : « Dites là vos oraisons, jusques à ce qu’aie mené votre compagnon ici devant en une autre île : et si à son retour il se loue de moi, nous le laisserons ici, et nous en irons ensemble. » Le jeune sauta dedans l’île, attendant le retour de son compagnon, lequel la batelière mena en autre : et quand ils furent au bord, faisant semblant d’attacher son bateau, lui dit : « Mon ami regardez en quel lieu nous nous mettrons. » Le 20 beau-père entra en l’île pour chercher l’endroit qui lui serait plus à propos : mais sitôt qu’elle le vit à terre, donna un coup de pied contre un arbre, et se retira avec son bateau dedans la rivière, laissant ces deux beaux-pères aux déserts, auxquels elle cria tant qu’elle put : « Attendez messieurs, que l’Ange de Dieu vous vienne consoler, car de moi n’aurez aujourd’hui autre chose qui vous puisse plaire. » 25 Ces deux pauvres cordeliers connaissant la tromperie, se mirent à genoux sur le bord de l’eau la priant ne leur faire cette honte, et que si elle les voulait doucement mener au port, ils lui promettaient de ne lui demander rien. Et s’en allant toujours leur disait : « Je serais folle si après avoir échappé de vos mains, je m’y remettais. » Et en retournant au village appelé son mari, et ceux de la justice, pour venir prendre ces deux loups enragés, dont par la grâce de Dieu elle avait 30 échappé de leurs dents. Eux et la justice s’y en allèrent si bien accompagnés, qu’il n’y demeura ni LES BONNES COPIES DE FRANÇAIS Copie n°11 Julie Levitte 3 grand ni petit, qui ne voulut avoir part au plaisir de cette chasse. Ces pauvres fratres voyant venir si grande compagnie se cachèrent chacun dans son île, comme Adam quand il se vit devant la face de Dieu. La honte mit leur péché devant leurs yeux, et la crainte d’être punis les faisait trembler si fort qu’ils étaient demi morts. Mais cela ne les garda d’être pris et menés prisonniers, qui ne fut pas 35 sans être moqués et hués d’hommes et de femmes. Les uns disaient : « Ces beaux-pères nous prêchent chasteté, et puis la veulent ôter à nos femmes. » Le mari disait : « Ils n’osent toucher l’argent la main nue, et veulent bien manier les cuisses des femmes, qui sont plus dangereuses. » Les autres disaient : « Sont sépulcres par dehors blanchis, et dedans pleins de morts et de pourriture. » Et une autre criait : « A leurs fruits connaissez-vous quels arbres sont. » Croyez que tous les 40 passages, que l’Ecriture dit contre les hypocrites, furent là allégués contre les pauvres prisonniers : lesquels par le moyen du gardien furent recoux et délivrés, qui en grande diligence les vint demander, assurant ceux de la justice qu’il en ferait plus grande punition que les séculiers n’en sauraient faire. Et pour satisfaire à partie, protesta qu’ils diraient tant de suffrages et prières qu’on les voudrait charger. Parquoi le juge accorda sa requête et lui donna les prisonniers, qui furent si 45 bien chapitrés du gardien (qui était homme de bien) que oncques puis ne passèrent rivière sans faire le signe de la croix, et se recommander à Dieu. LES BONNES COPIES DE FRANÇAIS Copie n°11 Julie Levitte 4 La copie de l’élève L’Heptaméron est un recueil de soixante-douze nouvelles paru en 1558 et rédigé par Marguerite de Navarre, sœur de François Ier et femme de lettres française plutôt tolérante et protectrice d’écrivains de son temps (elle encourage beaucoup les artistes à la Cour). L’Heptaméron est une imitation du Décaméron de Boccace écrit entre 1348 et 1353, cependant, celui-ci comportait cent nouvelles, alors que l’œuvre de Marguerite de Navarre n’en compte que soixante- douze car elle n’a pu les achever. Dans cet ouvrage, cinq hommes et cinq femmes vivent reclus dans une abbaye des Pyrénées après que de fortes intempéries les ont coupés du monde. Chaque jour, ils se racontent des nouvelles et cela durant sept jours, afin de passer le temps. C’est le récit de ces nouvelles qui nous est conté. Dans la cinquième nouvelle, racontée lors de la première journée par un homme, Guébron, une batelière doit faire traverser la Sèvre à deux cordeliers qui veulent prendre du plaisir avec elle. Mais la femme, bien plus intelligente et rusée que les deux moines, réussit à les prendre au piège et les laisse seuls chacun sur une île différente avant de s’en aller. On peut ainsi se demander quelles sont les différentes caractéristiques de ce conte. On remarque qu’il est à la fois réaliste et moral.1 A première vue, ce conte, d’ailleurs tiré d’une histoire vraie, paraît très réaliste. On peut effectivement identifier des lieux réels : « au port à Coulon près de Niort » (l. 1), des éléments de la vie quotidienne de l’époque : la femme batelière, les oraisons des moines, cordeliers de « saint François » (l. 16). De plus, les principaux protagonistes de l’histoire sont des personnes qui semblent correspondre au modèle de ce siècle, c’est-à-dire qu’ils ne sont ni des princes et princesses, ni des rois ou empereurs, ils n’ont rien d’exceptionnel, ils représentent la majeure partie de la population du XVIe siècle. C’est même une jeune femme exerçant un modeste métier qui est le personnage principal. Cela montre qu’une simple batelière peut très bien devenir l’héroïne d’un conte réaliste, sans titre, sans richesse, juste pour sa vivacité d’esprit. Les personnages et les éléments qui forment le décor font du conte une peinture réaliste du monde du XVIe siècle. En outre, la situation est vraisemblable. On pourrait presque observer la même de nos jours2 : une femme se fait aborder par deux hommes qui lui font des avances mais qu’elle éconduit. Déterminés, ils sont prêts à la forcer. L’impression de réalisme est accentuée par les nombreux Le mot du prof : 1 Très bonne introduction qui présente bien l’auteur, son œuvre, ses sources d’inspiration et le passage à commenter. La problématique et l’annonce du plan sont claires et pertinentes. 2 En règle générale, afin d’éviter les digressions, mieux vaut éviter de comparer la fiction à votre vie quotidienne. LES BONNES COPIES DE FRANÇAIS Copie n°11 Julie Levitte 5 dialogues courts qui rythment le texte, le rendant plus vivant.3 Ce réalisme n’empêche par l’auteur de raconter la farce dont les deux moins sont victimes de manière humoristique. Dans ce conte, la femme batelière se révèle bien plus rusée et intelligente qu’elle le laisse paraître : « je ne suis pas si mal gracieuse que j’en fais le uploads/Litterature/ copie-11-francais.pdf
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- Publié le Jan 08, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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