Corrigé rédigé du commentaire Acte I, scène 3 v. 289 à 298 Phèdre Age d’or de l
Corrigé rédigé du commentaire Acte I, scène 3 v. 289 à 298 Phèdre Age d’or de la tragédie, le classicisme se donne pour ambition d’atteindre la perfection et de corriger les mœurs. Très en vogue, l’idéologie janséniste se retrouve dans les pièces de Jean Racine et notamment celle de Phèdre. Mélange qui amorce déjà le registre de la pièce, le renforce dès son thème, son énoncé : Phèdre, épouse de Thésée, avoue, en son absence, son amour pour son beau-fils, Hippolyte. Thésée revient. Interdit, bienséances, passion annoncent une évolution implacable et une fin funeste. En cette scène 3 de l’Acte I, Phèdre, rongée par un mal secret, se meurt. Sa confidence, Oenone, inquiète, parvient à lui arracher les raisons de sa douleur. Phèdre se déclare. Problématique : dans la progression de cet aveu et par lui, comment la nature tragique de la pièce est-elle révélée ? Plan Nous pourrions, pour répondre à cet étonnement, revenir sur les manifestations de l’amour, pour nous intéresser à la force de l’hérédité comme témoin d’infortune comme de moralité. Ainsi, Phèdre, en avouant son amour, commence par en décrire les caractéristiques physiques : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue » (v 273) où le rythme ternaire 3/3/3 et l’assonance en « i », triple également, donne un puissant effet de répétition et de distanciation en même temps. Répétition par le rythme, l’assonance, et distanciation par le champ lexical qui, s’il ressort du même domaine, celui de la manifestation physique donc et de la modification de l’apparence, en modifie néanmoins les signes. Notons ici le léger changement dans le lien entre la vision, « vis », et la rougeur puis la pâleur qui distinguent donc la perception de la manifestation. L’emploi du pronom personnel « le » associé au verbe « voir » nous permet également de lier l’objet de l’amour, sa seule vision, aux troubles qui en découlent. Enfin, la vue, sous deux formes, est rappelée en début et en fin de vers avec un effet de dédoublement, d’insistance. Par ailleurs, l’expression de l’amour se manifeste également par une évolution en cercle touchant différents organes ou se rapportant à plusieurs sensations : « Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ; / Je sentis tout mon corps, et transir et brûler. » (275-276). Ce sont ainsi les « yeux », en répétition par le choix du verbe associé « voyaient », la privation de sens se notant par la négation « plus ». Puis la parole est touchée, l’aphonie se marquant par la modalisation du verbe « [pouvoir] » à nouveau assorti d’une négation suggérée par l’ellipse « je ne pouvais parler », suggérant une aphasie (mutisme) mais également une économie syntaxique et langagière : ne plus pouvoir parler, ne plus pouvoir énoncer complètement la négation de la parole. Au vers 276, le malaise s’amplifie par l’énumération, l’adverbe d’intensité, « tout », et la gradation ascendante, tandis que « transir », « brûler » se positionnent aussi en oxymores. Dans le second hémistiche, une allitération en « r » « transir », « brûler » suggère le crissement de flammes entourant sa victime. Ces manifestations physiques de l’amour, énoncées en premier, représentent ce qui est apparent, ce qui semble visible de prime abord, en même temps qu’elles signent une incidence d’un tourment amoureux sur le corps, le soma. Mais se signale aussi l’existence d’un malaise autre que Phèdre s’emploie à dévoiler. Ainsi, cette souffrance s’annonce comme une torture physique sous le signe de la temporalité. Elle est d’abord atténuée par le choix lexical « Un trouble » (v 274), une identification hésitante par le choix du pronom indéfini, une définition vague également mais dont la portée, les effets semblent grandir par le choix des verbes à mesure qu’ils prennent force dans les pensées de l’héroïne « Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ». Une progression se marque en effet parce qu’est suggérée aussi une « [élévation de l’âme] » c’est-à-dire une transcendance de l’esprit, voire une spiritualité qui dépasse le sentiment amoureux. Si le dépassement vers un état supérieur, moral, n’est qu’implicite, il se marque cependant en creux par le double choix sémantique, « élévation », « âme ». La fin du vers, par l’apport de l’adjectif « éperdue », renforce l’idée d’un esprit en perdition, même champ sémantique, de ce qui déborde la simple émotion, le simple sentiment, pour atteindre au plus haut degré de la spiritualité, à ce qui, également, ne relève peut-être déjà plus de l’humain. De plus, la présence, de la douleur sous forme de métaphore, au vers 304 « Ma blessure trop vive aussitôt a saigné ». La « blessure » est en effet ici celle de l’âme à nouveau, la déchirure du sentiment amoureux ramené au corps, au soma, renforcée par l’emploi de l’adverbe dans le syntagme « trop vive », une insistance donc sur ce qui est ressenti par l’héroïne et qu’il s’agit, aussi, de signifier. La temporalité est ici perceptible dans la réaction immédiate, « aussitôt », réaction marquée par la métaphore qui touche aussi au verbe : ce n’est, littéralement, pas la « blessure » qui « [saigne] », ni même le cœur, mais bien une atteinte de l’émotion qui prend forme et force dans sa représentation imagée et s’exprime dans l’instantané, preuve de sa violence. Il s’agira ainsi pour Phèdre de donner à entendre ses sentiments et d’amener, par métaphores et hyperboles, son interlocuteur à entrer dans ses tourments, à les ressentir . En effet, l’expression des sentiments s’avère cependant précise jusque dans ses détournements imagés. Notons déjà le regard posé sur Hippolyte qui révèle une émotion inhabituelle. La répétition du mot « ennemi » ainsi, aux vers 272 et 293, « mon superbe ennemi », « Pour bannir l’ennemi » apporte un balancement qui marque la reconnaissance et de la force, et de la présence. Au vers 272, l’oxymore nous permet de prendre conscience de l’ambivalence des sentiments de Phèdre, en même temps qu’il souligne l’interdit qui plane aussi sur cet amour. Au vers 293, ce serait plutôt les tentatives, du moins l’une des tentatives de Phèdre d’échapper à ce désir, qui seraient mises en avant, le verbe « bannir » dans le syntagme « bannir l’ennemi » en balancement avec son antithèse « idolâtre », du champ sémantique du divin et marque d’adoration. Le mot « ennemi » reviendra sous forme majuscule au vers 304, semblant suggérer l’abdication de Phèdre « J’ai revu l’Ennemi que j’avais éloigné » par l’emploi de cette révérence, la vision au retour « [revu] » formant une antithèse avec l’éloignement, mais également un lien, tissé par le vers, éprouvé par l’héroïne et symbolisant aussi une force à laquelle Phèdre ne pouvait que succomber. Par ailleurs, les sentiments de Phèdre s’expriment cependant aussi par le champ lexical du feu, en métaphore de l’amour, le mot ou ses équivalents revenant de façon régulière « brûler » (v 276), « feux » (v 277), « brûlait » (v 284), « fumer » (v 287). Les termes sont distribués de façon harmonieuse, rapprochés par deux vers, formant ainsi un couple indissociable de celui souhaité par Phèdre, de celui formé aussi par la nature brûlante du mal qui la ronge. Même lien de contradiction dans la violence sous registre lyrique, deux manifestations peut-être contradictoires, liées dans le même temps, pour une héroïne déchirée par ses sentiments. Cette violence, nous la ressentons avec l’emploi de termes comme « persécuter » (292), « injuste marâtre » (294) « L’arrachèrent » (296) qui témoignent de la cruauté et de la force également, exercées sur, ressenties comme. Enfin le vers final de notre extrait, « Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée : / C’est Vénus toute entière à sa proie attachée » (v 305 306) joue de l’analogie pour désigner celle qui est maintenant captive, la « proie » d’une entité symbolisant l’amour, « Vénus », une « victime » (v 281), des sentiments rapportés par l’image pour signifier visuellement par le pouvoir de l’imaginaire une force, mais aussi l’abandon, le plaisir de l’abandon peut-être et l’abdication, une fois encore. Notons ici le mot « ardeur » du vers 305 qui nous renvoie aussi à la « fureur » évoquée lors des aveux de Phèdre à Hippolyte, c’est-à-dire, littéralement, la folie, furor en latin. Les tourments de l’amour ainsi, parce qu’ils se manifestent physiquement, dans la violence des mots ou la souffrance de l’âme posent une dominante tragique qui suggère également la part d’hérédité. Ainsi, cette hérédité est celle de l’histoire même de Phèdre, inscrite dans sa propre filiation. La puissance de l’amour apparaît en effet liée à l’omniprésence de Dieux : « Je reconnus Vénus et ses feux redoutables » (v 277), « des vœux assidus » (v 279), « Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner » (v 280), « En vain sur les autels ma main brûlait l’encens » (v 284), « Quand ma bouche implorait le nom de la uploads/Litterature/ corrige-redige-du-commentaire-acte-i.pdf
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- Publié le Fev 16, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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