Enseignante : K.Ghemri Module : Polyphonie Niveau : Master 1 1- polyphonie /dia

Enseignante : K.Ghemri Module : Polyphonie Niveau : Master 1 1- polyphonie /dialogisme : Définitions et historique Dans un ouvrage publié en 1924, Mikhaïl Bakhtine note que l’écrivain se réfère dans ses œuvres non seulement à la réalité, mais aussi à la littérature, il imagine cette référence comme un « dialogue » constant avec elle, comme une compétition de l’écrivain avec les formes littéraires existantes. Bakhtine arrive à cette réflexion parce qu’il représente la vie intellectuelle du monde comme un grand dialogue, comme un échange d’idées entre les consciences humaines. La « personnification de l’idée » est la condition primordiale de ce dialogue, car chaque homme, de son point de vue, est un homme conscient, avec sa propre perception du monde et porteur d’une idée. Parmi les idées, Bakhtine distingue une idée « achevée », non discutable, que l’on ne discute pas parce qu’elle a perdu son importance; et une idée à part entière, « inachevée » et sans solution, mais pour cette raison, vivante. L’idée, selon Bakhtine, « vit en une interaction continue avec d’autres idées ». L’idée qui vit, d’après lui, n’est pas celle qui, étant « achevée », reste dans la conscience individuelle, mais celle qui se manifeste dans la communication dialogique entre les consciences; « elle est interindividuelle et intersubjective », notait-il Autrement dit, le dialogue est le mode de vie d’une idée. Tout discours s’inscrit dans une interaction plus ou moins explicite avec d’autres discours. Sans leur consacrer un travail spécifique, Bakhtine a produit les deux notions de dialogisme et de polyphonie, qui se recouvrent en partie sans pour autant être équivalentes, et n’a pas eu souci de les articuler l’une à l’autre ; au fil des textes, et au fil des pages d’un même texte parfois, il pluralise le sens de l’un ou de l’autre terme, il en élargit le domaine d’emploi. Les linguistes ont emprunté plus ou moins fidèlement, plus ou moins librement à Bakhtine ou plutôt, le plus souvent, aux traductions de ses textes. Certains ont adopté le terme de dialogisme ; d’autres, celui de polyphonie ; d’autres enfin, ont proposé d’articuler les deux notions… Dialogisme et polyphonie sont deux notions d'abord élaborées dans le champ de l'analyse linguistique et littéraire par le théoricien russe Mikhaïl Bakhtine (1895-1975), avant d'être reprises et redéfinies par des linguistes occidentaux. Le dialogisme, au sens de Bakhtine, concerne le discours en général. Il désigne les formes de la présence de l'autre dans le discours: le discours en effet n'émerge que dans un processus d'interaction entre une conscience individuelle et une autre, qui l'inspire et à qui elle répond. Quant à la polyphonie, Enseignante : K.Ghemri Module : Polyphonie Niveau : Master 1 au sens de Bakhtine, elle peut être sommairement décrite comme pluralité de voix et de consciences autonomes dans la représentation romanesque. Elle a donc, à l'origine, une acception plus strictement littéraire. Polyphonie et dialogisme sont les deux termes qui restent le plus attachés à l'œuvre de Bakhtine, au point que Todorov intitula son livre de présentation du penseur russe Mikhaïl Bakhtine, le principe dialogique. Le dialogisme désigne le fait, fondamental pour Bakhtine, que l'être ne peut s'appréhender de manière juste qu'en tant que sujet, c'est-à-dire résultant d'interrelations humaines ; contrairement aux choses, l'être humain ne peut donc être objectivé, il ne peut être abordé que de manière dialogique. Il distingue le dialogisme externe (dialogue au sens courant du terme) et dialogisation intérieure, qui l'intéresse particulièrement. Ce dialogisme travaille particulièrement ce que Bakhtine appelle «slovo», traduit par «mot», mais expliqué par les divers commentateurs ou traducteurs comme ayant le sens de «discours», «parole». Dans l’histoire des idées, il est parfois difficile de retracer précisément la trajectoire d’un mot, d’un concept et d’une pratique, cette dernière pouvant s’être développée indépendamment de la construction théorique. La polyphonie existait comme pratique esthétique avant sa conceptualisation par Bakhtine et la diffusion de celle-ci. De même pour l’usage plus large de la métaphore musicale dans le discours esthétique Mot décalqué du grec poluphônia signifiant d'après l'étymologie « multiplicité de voix ou de sons ». Utilisé d'abord dans le vocabulaire de la musique vocale, le terme désigne « un procédé d'écriture qui consiste à superposer deux ou plusieurs lignes, voix ou parties mélodiquement indépendantes, selon des règles contrapuntiques ». Cette acception remonte au Moyen Age pour désigner la combinaison d’une multitude de voix considérées comme indépendantes mais pourtant liées entre elles par le biais de l’harmonie qu’elles contribuent à créer ensembles. Ainsi, c’est cette capacité de jouer plusieurs notes à la fois qui amène à parler d’instruments polyphoniques. Le concept de polyphonie fut introduit en littérature par Mikhaïl Bakhtine dès 1929 pour décrire les phénomènes de superposition de voix, de sources énonciatives dans un même énoncé. Ce concept peut être défini comme « la réalisation littéraire romanesque de ce qui est un principe épistémologique bakhtinien, celui de dialogisme. ». Le terme est ensuite Enseignante : K.Ghemri Module : Polyphonie Niveau : Master 1 souvent entendu dans un sens plus large, désignant d’une façon globale « une multiplicité de voix à l’œuvre dans un texte ». Par métaphore, le mot a été introduit en théorie littéraire en Europe de l'Ouest dans les années 60 par les ouvrages du chercheur russe Mikhail Bakhtine (1895-1975 ; il produit ses œuvres majeures dès les années 30) relayés par Julia Kristeva avant leur traduction pour décrire les phénomènes de superposition de voix, de sources énonciatives dans un même énoncé. Il peut être défini comme la réalisation littéraire romanesque de ce qui est un principe épistémologique bakhtinien, celui de dialogisme. En étudiant le phénomène polyphonique qu'il expose dans Les problèmes de la poétique de Dostoïevski (1929/1962), Bakhtine se réfère pratiquement de manière exclusive à l'œuvre de Dostoïevski: "Dostoïevski est le créateur du roman polyphonique. Il a élaboré un genre romanesque nouveau." (Bakhtine, 1970/1998, p. 35). Il considère en tout cas Dostoïevski comme le premier véritable auteur polyphonique. Plus tard dans ce même livre, il nuancera ses propos en soulignant que l'emploi du terme de polyphonie emprunté à la musique et appliqué à la littérature ne peut être que métaphorique Le terme de polyphonie, dans le champ musical, auquel il est emprunté, désigne la combinaison de plusieurs voix égales et mélodiquement indépendantes : il est pertinent pour les romans qu’étudie Bakhtine, dans lesquels plusieurs voix dialoguent et se superposent, sans point de vue dominant. L’est-il dans le champ de l’analyse de la parole quotidienne ? Dans le discours ordinaire, on a non une égalité des différentes voix, mais une hiérarchisation : si le terme de dialogisme est adéquat, celui de polyphonie me paraît fortement disconvenant, dans la mesure où il induit une représentation fausse du rapport entre les différentes voix. Le terme de polyphonie, emprunté au champ musical par métaphore, consiste à faire entendre la voix d’un ou plusieurs personnages aux côtés de la voix du narrateur, avec laquelle elle s’entremêle d’une manière particulière, mais sans phénomène de hiérarchisation. Notons l’utilisation en russe de l’adjectif dialogichen / dialogicheski (dialogique) afin d’analyser la relation entre les différentes voix dans le roman polyphonique. Le roman polyphonique est tout entier DIALOGUE. Bakhtine n’a pas consacré d’étude spécifique à la polyphonie, pas plus qu’au dialogisme. C’est latéralement et métaphoriquement qu’il aborde la question de la pluralité des voix dans l’énoncé, et jamais frontalement. Son vocabulaire est complexe et difficile à cerner, donc à traduire, car l’auteur, soit utilise des termes spécifiques Enseignante : K.Ghemri Module : Polyphonie Niveau : Master 1 qu’il dérive à partir du vocabulaire existant (dialogichnost’, raznorechie), soit fait un emploi particulier, souvent étendu, des termes existants (dilogicheskij). Le texte russe fait apparaître que la polyphonie se différencie du dialogisme par le fait qu’elle s’applique au champ d’études littéraires, afin de définir un type particulier d’œuvre romanesque, alors que le dialogisme est un principe qui gouverne toute pratique langagière, et au-delà toute pratique humaine. La polyphonie décrit les différentes structures d’un type de roman, alors que le dialogisme se déploie dans le cadre de l’énoncé, qu’il soit dialogal ou monologal, romanesque ou ordinaire. Les deux concepts reposent fortement sur l’idée d’un dialogue, d’une interaction entre deux ou plusieurs discours ou plusieurs voix. Cette interaction, dans le cadre de la polyphonie, se refuse à désigner une voix hiérarchiquement dominante, contrairement au dialogisme qui est le théâtre des affrontements dans lesquels une voix – en principe celle du locuteur – est toujours (présentée comme) hiérarchiquement supérieure aux autres. Il semble donc que, si l’on veut rester fidèle à la lettre du texte de Bakhtine, il convienne de réserver le terme de polyphonie au domaine littéraire, et plus précisément encore à un certain type de roman ; et de ne parler, pour la parole quotidienne, que de dialogisme. Apres avoir aborde la notion de polyphonie et sa définition, il serait nécessaire d’aborder la notion de dialogisme que Bakhtine définit comme étant l’interaction qui se fait entre les discours des voix qui constituent un texte, celui du narrateur principal et ceux des autres personnages, ou bien deux discours internes d’un même personnage. Nous uploads/Litterature/ cours-1 6 .pdf

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