Niveau : Première Master Littérature Module : Polyphonie 4- L’Intertextualité M

Niveau : Première Master Littérature Module : Polyphonie 4- L’Intertextualité Mikhaïl Bakhtine (Orel 1895 – Moscou 1975) est le premier théoricien qui pose les bases scientifiques de ce qu’on appellera « l’intertextualité » (2011). C’est ce qu’affirme la sémiologue franco-bulgare, Julia Kristeva : Bakhtine est le premier à introduire l’intertextualité dans la théorie littéraire : tout texte se construit comme une mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte (1967). Ayant constaté l’unité dialectique du mot et de l’idée, Bakhtine a noté qu’ils sont dialogiques « par nature ». Partie de cette thèse de Bakhtine, Julia Kristeva a défini le dialogisme comme la vie d’un mot dans un constant dialogue avec d’autres mots: « Le dialogisme voit dans tout mot un mot sur un mot, adressé au mot: et c’est à condition d’appartenir à cette à cette polyphonie - à cet espace « intertextuel » ». Le dialogue des mots/des discours est « infini ». L’intérêt pour la richesse sémantique du mot à l’époque où prenait de l’ampleur la recherche sémiotique des textes est tout à fait compréhensible, mais dans l’interprétation de Kristeva le dialogisme s’avère omniprésent et le concept de Bakhtine qui prévoit la personnification des idées, leur interaction intertextuelle et la distinction des textes dialogiques et monologiques apparaît comme incorrect. Tzvetan Todorov parle de « l’échec » de la division des œuvres en polyphoniques et monologiques. Algirdas Julien Greimas note « l’imprécision de ce concept ». Kristeva n’hésite pas de remplacer, en 1967, le terme « dialogisme » par « intertextualité ». Le concept d’intertextualité est apparu pour la première fois sous la plume de Julia Kristeva dans deux articles édités dans la revue Tel Quel et repris ensuite dans son ouvrage Recherche pour une sémanalyse en 1969. Le premier intitulé « Bakhtine, le mot, le dialogue, le roman » est paru en 1967 et suggère la première occurrence du concept, quant au second, il s’intitule « Une poétique ruinée », une préface à la traduction française de La Poétique de Dostoïevski de Bakhtine parue en 1970 et dans laquelle Julia Kristeva donne la définition suivante : « « croisement dans un texte d’énoncés pris à d’autres textes », « transposition(…) d’énoncés antérieurs ou synchroniques »». Ainsi, pour Kristeva, la notion de l’intertextualité postule que : « tout texte se construit comme une mosaïque de citations, tout texte est absorption et transformation d’un autre texte ». Philippe Sollers, le fondateur de la revue Tel Quel a repris aussi cette acception et l’a reformulée comme suivant : « tout texte se situe à la jonction de plusieurs textes dont il est à 1 Niveau : Première Master Littérature Module : Polyphonie la fois la relecture, la condensation, le déplacement et la profondeur ». Roland Barthes a proposé pour la littérature le terme d’ « intertexte », car pour lui : « Tout texte est intertexte ; d’autres textes sont présents en lui, à des niveaux variables sous des formes reconnaissables : les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu de citations révolues ». L’intertextualité est une pratique qui existe depuis longtemps. Elle signifie l’interaction et les échanges entre les textes comme l’indique son étymologie (d’après le préfixe latin “inter” on comprend l’idée de la réciprocité des échanges, l’interconnexion, l’interférence. Le radical latin « textere », « textualité » évoque la qualité du texte comme « tissage », « trame »). Ce qui peut faire de l’intertextualité une pratique illimitée. Prenons l’âge classique par exemple, où l’imitation de la tradition gréco-latine était l’idéal dans le domaine littéraire pour la plupart des écrivains à l’époque. Donc, l’intertextualité était une partie adhérente à la littérature. Même si elle n’était pas étudiée, définie et analysée depuis longtemps, elle était pratiquée en tout cas. Il fallait attendre les années soixante du siècle dernier pour attester la théorisation et la conceptualisation du terme. Et il est à signaler que cette pratique étant vaste et riche, continue à être étudiée jusqu’à nos jours. Le théoricien Mikhaïl Bakhtine était le premier à introduire la notion du « dialogisme » dans la littérature. Il voyait qu’un mot peut entamer un dialogue entre le texte et son lecteur, mais aussi entre les textes eux-mêmes. En s’appuyant sur son étude, c’est Julia Kristeva qui a utilisé le terme « intertextualité ». Elle le définit comme : « Croisement dans un texte d’énoncés pris à d’autres textes et transposition d’énoncés antérieurs ou synchroniques ». L’intertextualité joue un rôle important dans un texte. Cela varie selon sa forme. Elle est tantôt signe d’authentification ou de documentation, et tantôt elle met en évidence l’arrière- plan culturel de l’écrivain, elle peut présenter aux lecteurs l’un des personnages d’une œuvre, c’est ainsi qu’elle nous aide à le caractériser, à comprendre ses hantises, ses obsessions et son savoir. Si l’on parle d’une allusion implicite, cela peut rafraîchir la mémoire du lecteur et le pousse à participer à un jeu intéressant avec l’auteur et le narrateur. Après tout cela, l’intertextualité reste au cœur de toute littérature. Kristeva adopte l’intertextualité comme ce concept purement linguistique limité uniquement par le domaine de la littérature, comme un « dialogue » entre les textes. Ce 2 Niveau : Première Master Littérature Module : Polyphonie concept a été vite reconnu par les critiques d’orientations différentes et a joui d’une certaine popularité. A.J.Greimas, Rolland Barthes, Jacques Lacan, Michel Foucault, Jacques Derrida qui tiennent à prouver la nature linguistique de la pensée humaine trouvent un emploi très large à ce concept parce qu’ils considèrent tout comme texte: littérature, culture, société, histoire, homme lui-même. La culture humaine est pour eux un intertexte unique qui sert de pré-texte pour des textes naissants. Selon la définition canonique de Rolland Barthes, l’intertexte est un champ commun de formules anonymes et de citations inconscientes. D’après lui, chaque texte est formé de fragments des textes précédents empruntés à l’intertexte. Pareils à de vieilles citations, ces fragments revêtent des formes variées et sont présents aux niveaux différents du texte. L’explication d’une telle présentation de la production des textes remonte à l’idée bakhtinienne de la nature dialogique du mot qui exprime un sens (texte) et rappelle en même temps des sens déjà dits (intertexte). En notant que la langue existe avant le texte et autour de lui, Barthes confirme l’origine linguistique de l’intertextualité puisque c’est la langue qui sert d’intermédiaire entre le texte et l’intertexte. L’approche de Gérard Genette est aussi fonctionnelle parce qu’il a proposé toute une typologie d’interactions des textes: intertextualité proprement dite en tant que « la présence effective d’un texte dans un autre » (citation, allusion, plagiat); paratextualité (titre, couverture, préface, épigraphe); métatextualité qui représente la relation de commentaire entre les textes; hypertextualité unissant un texte à un autre « d’une manière qui n’ est pas celle du commentaire »; architextualité comprise comme relation d’un texte à son genre littéraire Cette typologie de Gérard Genette se développe en structure solide, concrétise les relations dialogiques entre les textes et doit, par conséquent, devenir fonctionnelle dans la pratique. Comme témoigne un groupe de chercheurs allemands l’objet de l’étude de l’intertextualité en tant que formes littéraires concrètes est basé sur : emprunt, transformation de thèmes et de sujets, citations implicites et explicites, traduction, plagiat, allusion, paraphrase, imitation, parodie, mise en scène, épigraphe etc. Ayant concrétisé les formes de l’intertextualité, ils les ont présentées comme procédés de fiction littéraire qui servent à obtenir tel ou tel effet voulu par l’auteur à l’intérieur d’un texte. Une approche identique est observée dans l’article de Philippe Hamon qui présente le fonctionnement de l’ironie comme un phénomène dialogique: « Par rapport au discours 3 Niveau : Première Master Littérature Module : Polyphonie « sérieux » (de type monologique et dépourvu d’ambiguïté), l’ironie est donc un discours double, émis par un énonciateur lui-même dédoublé, pour un public également dédoublé, partagé qu’il est entre ceux qui interprètent « correctement » le message et ceux qui l’interprètent littéralement ». L’intertextualité et l’hypertextualité sont deux notions qui ne peuvent pas être étudiées séparément. Au contraire, elles s’interfèrent et s’entrelacent. Les deux termes signifient qu’un texte est en relation avec un autre qui lui est antérieur, et cela peut se faire d’une manière ou d’autre. D’ailleurs, certains analystes considèrent que « la réécriture est un cas particulier d’intertextualité. » Il est à ajouter que l’intertextualité est à la base de toute création littéraire. Un texte ne peut pas se faire en partant de rien : « Nul texte ne peut s’écrire indépendamment de ce qui a été déjà écrit et il porte, de manière plus ou moins visible, la trace et, la mémoire d’un héritage et de la tradition. L’intertextualité serait alors, peut-être simplement et banalement, le fait que toute écriture se situe toujours parmi les œuvres qui la précèdent et qu’il n’est jamais possible de faire table rase de la littérature. » [Nathalie Piégay-Gros, Introduction à l’intertextualité, éd., Dunod, Paris, 1996, p.7.] Nous rencontrons maintes études au sujet de l’intertextualité : Barthes, Laurent Jenny, Michael Riffaterre uploads/Litterature/ cours-4 1 .pdf

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