Cours : L’image médiévale Plan Cours : L’image médiévale Séminaire : Des méthod

Cours : L’image médiévale Plan Cours : L’image médiévale Séminaire : Des méthodes en histoire de l’art. Bilan des recherches (1) Activités du professeur Publications Ouvrages Direction d’ouvrages Contributions à des ouvrages collectifs Communications et conférences Le cours a été consacré pour l’essentiel au statut de l’image dans le livre et aux aspects sociologiques liés à sa production. Afin d’éclairer le caractère spécifique de ce type d’image, ont aussi été évoqués, mais seulement en marge, quelques exemples de programmes sculptés. Comparé aux autres religions du livre, le christianisme accorde une importance considérable aux images. Pourtant, livre et images ne vont pas nécessairement ensemble, ne serait-ce que parce que le livre est d’abord le support d’un texte, et que ce texte est, pour les hommes du Moyen Âge, l’Écriture sainte. Entre 313 et 324, Eusèbe de Césarée adresse à Constantia, sœur de l’empereur Constantin, une lettre dans laquelle il affirme que seule l’Écriture détient le pouvoir d’aider le dévot à pénétrer l’image authentique du Christ qui, en tant que tel, n’est tout simplement pas figurable. Habitués à voir se multiplier les représentations figurées de divinités païennes, les hommes du ive siècle devaient légitimement se demander si l’Église allait, sur ce plan, chercher à rivaliser avec le paganisme. Dès lors, s’engage d’une façon plus ou moins officielle, un long débat qui s’étendra jusqu’au xiiie siècle, voire jusqu’à la Réformation, et qui porte sur le pouvoir qui peut ou doit être accordé aux images. En vérité, il s’agit de savoir si on peut avoir recours à un usage cognitif des images sans y introduire une forme de magie. Saint Augustin considère en effet qu’il existe trois types de visions, et sur cette hiérarchie repose la conception qu’on avait au Moyen Âge, de ce que l’image permet de faire passer de l’invisible au registre du visible. La « vision corporelle » est celle qui nous permet de voir les objets qui nous entourent ; à l’autre extrémité de l’expérience du chrétien se situe la « vision intellectuelle », qui est contemplation de Dieu. Entre les deux, il faut situer cette « vision spirituelle » où peut se déployer l’imagination du dévot, conduite par la lecture et la méditation, et celle des peintres chargés de donner figure et formes aux expériences mystiques tout comme aux textes visionnaires. Le texte le plus important qui tente de circonscrire le recours aux images à un public donné est la lettre adressée vers 600 par saint Grégoire le Grand à l’évêque de Marseille Serenus qui avait fait enlever les peintures des églises : 1 On nous a rapporté qu’enflammé d’un zèle inconsidéré, tu avais brisé les images des saints, sous prétexte qu’on ne devait pas les adorer. Et certes, que tu aies interdit qu’elles fussent adorées, nous l’avons tout à fait approuvé, mais que tu les aies brisées, nous le blâmons […] Une chose est en effet d’adorer une peinture, une autre d’apprendre par une histoire (historia) peinte ce qu’il faut adorer. Car ce que l’écrit procure aux gens qui lisent, la peinture le fournit aux incultes (idiotis) qui la regardent : parce que les ignorants y voient ce qu’ils doivent imiter, ceux qui ne savent pas lire y lisent ; c’est pourquoi, surtout chez les païens, la peinture tient lieu de lecture… Grégoire accorde une importance incontestable aux images puisqu’il les considère comme capables d’éveiller la connaissance du message chrétien chez les païens, d’indiquer ce qu’il faut adorer : les images ont donc une fonction décisive même là où leur sens ne peut en aucune manière être saisi. Les illettrés dont parle Grégoire sont des illettrés de l’Écriture sainte et pas forcément des analphabètes. Pour Grégoire, les images sont admises à condition de ne pas donner naissance au culte d’idolâtrie. Lorsque Grégoire le Grand définit les peintures religieuses comme l’équivalent d’une « bible des illettrés », cette définition va donner naissance, à l’époque moderne, à un immense malentendu qui a encore cours et sur lequel Émile Mâle a construit son interprétation de l’iconographie des grands monuments gothiques. Affirmer que les programmes des verrières et des portails sculptés de Bourges ou d’Amiens constitueraient cette « bible des illettrés » dont Grégoire le Grand aurait pour ainsi dire anticipé l’avènement, est un contresens. C’est voir dans les images une formulation subalterne, un rabaissement de l’Écriture dont elles formeraient une sorte d’illustration générale. Or, la complexité même de ces programmes nous interdit de les considérer comme de simples illustrations de textes facilement accessibles. Non seulement la communauté des fidèles, en grande majorité analphabète, était incapable d’en approcher le sens, mais une bonne partie du clergé n’était pas toujours en mesure de le saisir. Les tympans sculptés, les statues des piédroits et les scènes des vitraux possédaient assurément une autre fonction : celle d’imprimer les images dans l’esprit des fidèles par la répétition de l’expérience visuelle en l’absence de tout texte – car les inscriptions figurant sur les phylactères ou complétant les vitraux étaient bien insuffisantes. Ainsi donnait-on visage humain et apparence visible à des personnages et à des épisodes de l’Ancien comme du Nouveau Testament, sans pour autant que les liens qui rattachaient les scènes les unes aux autres – par exemple dans le cas de la typologie – puissent être saisis. Il en allait tout autrement dans le livre. Réservé au clergé instruit et aux ordres monastiques, il prend différentes formes avant qu’au XIIe siècle sa structure ne s’établisse définitivement. Pour saint Bernard de Clairvaux, parce qu’ils parlent aux sens, les ornements sont destinés aux gens simples et n’ont donc pas leur place dans des livres destinés aux moines. 2 Avec le concile de Nicée, se trouve close en 787 la querelle iconoclaste qui a été brièvement évoquée durant le cours : les images peuvent être vénérées en s’accordant à la lettre à l’Évangile. Dans les décrets du concile, il est stipulé en particulier que « Tout le temps qu’ils ont vu au moyen de l’impression dans l’icône, tout ce temps-là ceux qui regardent les icônes sont conduits vers le souvenir et le désir des prototypes […] Celui qui se prosterne devant l’icône se prosterne devant l’hypostase de celui qui est inscrit en elle. » L’image du saint est donc considérée comme un substitut qui ne saurait en aucune manière être confondu avec son modèle. 9« Nous ne méprisons rien dans l’image, hors son adoration. » Tel est l’essentiel du contenu de la riposte que Charlemagne adresse vers 794 au Concile de Nicée dans les quatre Livres carolins (dus en partie à Théodulphe d’Orléans) qui rejettent aussi bien la position iconophile que la position iconoclaste. Les Livres carolins admettent la fonction esthétique des images saintes, réduites à leur réalité matérielle, mais seule la Croix peut être objet de culte. Une nouvelle forme de sensibilité aux images se manifeste indiscutablement au cours du XIIIe siècle. On entend même les clercs proférer des opinions qui auraient choqué l’abbé de Clairvaux. Ainsi l’évêque de Mende, Guillaume Durand, dans son Rational des offices divins rédigé vers 1286 et qui connaîtra de très nombreuses copies, puis des éditions imprimées, affirme que la peinture émeut plus fortement que l’écriture, car elle fait appel à la mémoire « comme par ouï-dire » : « Voilà pourquoi, poursuit-il, dans l’église nous avons plus de respect pour les images et les peintures que pour les livres. » Le pouvoir d’émouvoir que possèdent les images est clairement reconnu. Le liturgiste opère une distinction entre les illustrations de l’Ancien et du Nouveau Testament, pour lesquelles il est fait appel à l’imagination du peintre – et Durand cite le passage de l’Ars poetica où Horace proclame la liberté inventive de l’artiste –, et les images de dévotion ou les symboles où cette liberté n’est guère de mise. La culture orale a joué durant tout le Moyen Âge un rôle dont nous avons du mal à concevoir l’importance. Que ce soit les chansons de geste, les vies de saints, la poésie lyrique, ou encore le savoir technique des métiers, leur transmission orale fut d’abord et longtemps leur seul mode de diffusion. Nous ne sommes à présent en mesure d’appréhender le contenu de ces savoirs qu’à l’aide de ce que la forme fixée par le livre a retenu d’eux. Au Moyen Âge, le livre ne met pas fin à la tradition orale, bien au contraire : il la relaie sous une forme stabilisée mais elle se poursuit aussi. Nous ne pouvons vraiment mesurer l’importance de l’écrit que si nous pensons constamment, en l’examinant, qu’il se développait et se propageait en même temps que la culture orale. Cette simultanéité a joué un rôle non négligeable dans l’entraînement de la mémoire. Mais globalement, il faut rappeler que si peu d’hommes du Moyen Âge étaient capables de lire et de comprendre un texte complexe, la grande majorité d’entre eux 3 était concernée par la culture orale et, analphabètes ou non, ils étaient dotés d’une puissante mémoire. Il est important de noter que la naissance du christianisme est associée au passage du rouleau au livre tel que nous uploads/Litterature/ cours-l-x27-image-medievale.pdf

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